L’État a établi une réglementation sur la température intérieure des bâtiments. Plongeons dans cet univers kafkaïen où la « police des températures » pointe le bout de son nez.
Avec l’arrivée du froid, il est probable que le Gouvernement relance sa campagne de communication « Chaque geste compte, économisons l’énergie », avec ses slogans abêtissants comme « Je baisse, j’éteins, je décale ».
Ne pas dépasser 19°C… à quelques exceptions près
Malheureusement, ce n’est pas le pire. Il existe, en effet, toute une réglementation qui fixe des limites de température de chauffage des bâtiments ainsi que des limites de température de refroidissement (par climatisation). Dans les locaux affectés à un usage autre que l’habitation, la limite supérieure est, durant les périodes d’occupation, fixée en moyenne à 19°C. Quand ces locaux sont inoccupés pendant une durée comprise entre 24 et 48 heures consécutives, la température moyenne doit être de 16°C. Et quand la période d’inoccupation dépasse 48 heures consécutives, la limite est fixée à 8°C.
Voilà pour la règle générale. Elle a de nombreuses exceptions, liées à l’activité exercée dans les locaux en question.
Par exemple, les locaux où sont donnés des soins médicaux sont soumis à la règle générale (19°C), sauf :
- les locaux de haute technicité médicale, comme ceux d’intervention chirurgicale et obstétricale, ceux de réanimation et de néonatalogie, ceux de radiodiagnostic ou bien ceux destinés aux grands brûlés, dont la température limite de chauffage est fixée à 26°C ;
- les pièces recevant des patients partiellement ou complètement nus, telles que les locaux de consultation, les bureaux médicaux, les salles d’examen d’explorations, de soins, de prélèvements, les sanitaires et salles d’eau où la température maximale doit être de 24°C ;
- les logements ou locaux où sont donnés des soins médicaux à des personnes non hospitalisées ou qui logent des personnes âgées ou des enfants en bas âge pour lesquels la limite de température est à 22°C.
Dans certains cas, la décision est laissée au chef d’établissement. Ainsi pour les pièces où la température constitue un moyen de traitement ou d’investigation ; et pour les locaux à usage de recherche scientifique, chauffés principalement pour des raisons qui ne sont pas liées à la santé et l’hygiène du personnel (culture d’organismes vivants, entre autres exemples).
Dans les locaux sportifs, la température dépend de l’activité pratiquée. Elle est normalement de 14°C maximum, sauf dans les salles où l’on pratique de la gymnastique corrective (18°C) ou de la gymnastique au sol (15°C). Dans les annexes, notamment les vestiaires et les douches, la limite est de 20°C.
Les piscines sont autorisées à chauffer davantage : 27°C dans les halls de bassins, 23°C dans les annexes. Les patinoires, elles, ne doivent pas dépasser 12°C dans les gradins et dans les zones de pratique (sur la glace), et 20°C dans les vestiaires et les douches
Pour la climatisation, c’est plus simple
Dans les locaux à usage artisanal ou industriel, c’est bien évidemment la température de 19°C qui doit être la norme. Cependant là où s’exerce un travail non sédentaire, elle est décidée au cas par cas par le préfet, après avis de l’inspecteur du travail. Quoi qu’il en soit, elle ne peut dépasser 18°C. En revanche, c’est le chef d’établissement qui la fixe, en fonction des exigences techniques des activités pratiquées, dans les locaux où l’on traite ou conserve des matériaux ou des produits.
Dans les locaux à caractère commercial, la règle générale s’applique sauf dans ceux où les personnes doivent se dévêtir (23°C autorisés par exemple dans les instituts de beauté.)
En ce qui concerne les locaux agricoles, les choses se compliquent un peu. Pour les serres, toute latitude est laissée au chef de l’établissement. Pour les bâtiments d’élevage, tout dépend des animaux : les bovins et les équins ont droit à 18°C. Les porcs ont un régime spécial : 16°C, sauf dans les zones de maternité où la température monte à 18°C (et si nécessaire,  ponctuellement à 30°C), et dans les ateliers post-sevrage où 25°C sont admis. En revanche, dans les poussinières (volailles), la température ne doit pas excéder 22°C.
En matière de climatisation, la réglementation est plus simple. Les textes légaux disent que « dans les locaux dans lesquels est installé un système de refroidissement, celui-ci ne doit être mis ou maintenu en fonctionnement que lorsque la température intérieure des locaux dépasse 26°C » et que « à chaque fois que la température intérieure est en dessous de 26°C, le système de refroidissement doit être éteint ». Notons que ces dispositions ne s’appliquent pas aux locaux où sont donnés des soins médicaux, ni aux établissements hospitaliers, ni aux locaux qui hébergent des personnes âgées ou des enfants en bas âge.
Pour tous les cas dont nous avons parlé jusqu’ici, le non-respect de ces limites de température est sanctionné par une amende de 1 500 € (entreprises individuelles) ou de 7 500 € (personnes morales).
Les particuliers sont aussi concernés
Selon le code de l’énergie, les limites de 19°C, 16°C et 8°C indiquées au début de cet article s’appliquent aussi à l’ensemble des pièces d’un logement. Les infractions exposent à une amende « prévue par le 5° de l’article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la cinquième classe qui peut être portée au double en cas de récidive ».
Heureusement, la police des températures n’est pas encore opérationnelle. Vous pouvez donc vous prélasser à 21°C chez vous sans grand risque d’être verbalisé.
En revanche, les propriétaires bailleurs doivent être vigilants. Si le logement que vous mettez en location a été construit après le 1er juin 2001, la température mesurée au centre de chaque pièce doit pouvoir être maintenue à 18°C minimum. Pour les logements plus anciens, la loi dit que le locataire doit pouvoir « se chauffer normalement », conformément aux normes minimales de décence d’un logement. A cette limite minimale s’ajoute la limite maximale de 19°C en moyenne pour l’ensemble des pièces. Dans tous les cas, si le locataire estime que les règles ne sont pas respectées, il peut exiger que le propriétaire intervienne. Si ce dernier ne le fait pas, le locataire peut saisir le juge des contentieux de la protection.
Cette réglementation est absolument délirante. Pourquoi faut-il à ce point descendre dans les détails des températures minimales et maximales requises pour chaque type de local ? Ne peut-on faire confiance aux professionnels pour choisir la température nécessaire à leur activité ? Il serait urgent de supprimer ces réglementations ubuesques. Mais si nos dirigeants s’attaquaient enfin à la surrèglementation, il est malheureusement à craindre que leur « obsession climatique » maintienne ce genre de normes.