Les conventions doivent être respectées dit le droit. C’est un principe de droit des obligations et de droit international public qui a été fondateur de l’état de droit et de la culture occidentale de liberté dans la responsabilité. L’article 1134 du Code civil français en a fait la base des relations contractuelles : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » Le respect de sa parole et de ses engagements est à la base de toute société civilisée, il est le rempart de la violence, de la barbarie, de l’anarchie.
Hélas, ce droit est bafoué, allègrement, par ceux mêmes qui en sont les gardiens. L’Etat français impose le maintien des prix des péages contre les clauses contractuelles qui le lient aux sociétés autoroutières. Il a déjà d’ailleurs, sous cette majorité comme sous la précédente, malmené les tarifs contractuels du gaz ou de l’électricité. Ce faisant, il crée l’incertitude chez les investisseurs et atteint la confiance dont l’économie fait déjà si cruellement défaut. Et si les opérateurs du gaz ou de l’électricité ont pu envoyer des factures rectificatives lorsque le Conseil d’Etat leur a donné raison contre les décisions de blocage de l’Etat de 2011 ou 2012, comment les sociétés d’autoroutes pourront refacturer les usagers ? A défaut de pouvoir le faire, elles se retourneront contre l’Etat qui devra les indemniser, à la charge du contribuable qui fera une fois de plus les frais de la politique à courte vue de gouvernements pusillanimes.
Mais plus encore, comment la France pourra-t-elle encore contester à Syriza le droit de refuser d’honorer ses dettes si elle ne satisfait pas elle-même à ses propres obligations ? D’ores et déjà d’ailleurs apparaît l’idée que ces pauvres grecs ne peuvent pas être mis à contribution au-delà du raisonnable et que la remise réclamée ne serait pas forcément injuste ? Ce débat à l’envers ignore que le défaut de paiement serait une perte sèche pour les créanciers qui n’ont pas volé leur argent. Et cette défaillance serait injuste pour eux.
La dette grecque a déjà été réduite d’environ 150 Mi€ en 2012, puis encore allégée de telle façon que la Grèce a profité d’environ 215 Mi€ (évaluation d’ avril 2014) sous des formes diverses par abandon ou allongement de la durée des emprunts, rachat d’obligations souveraines…au travers de prêts bilatéraux, de la participation du secteur privé, de la participation du Fonds européen de stabilité financière et de prêts du FMI. Mais la dette publique grecque s’élevait encore au 30 septembre 2014 à 321,7 milliards d’euros, dont la principale composante, une fois décomptés les montants du FESF, du FMI, des prêts bilatéraux de l’Union et des autres prêts bilatéraux (70,5 %), était les obligations grecques (19,8 %), dont près de 40 % sont détenues par la BCE. En incluant les prêts bilatéraux, l’impact pour la France du soutien financier à la Grèce se monte à ce jour à 42,8 milliards d’euros.
Si la Grèce en est arrivée là , c’est que ses politiciens autant que leurs électeurs ont entretenu pendant des décennies un clientélisme onéreux et injuste autant qu’une économie occulte dont tous profitaient au point qu’ils n’ont pas voulu la remettre en cause. Ils en payent les frais aujourd’hui et ils ne peuvent accuser qu’eux-mêmes. Au sein des engagements pris par le FESF, la Grèce (144,6 milliards d’euros, dont 133,6 milliards déboursés) tient une part significativement plus importante que l’Irlande, sortie du programme en décembre 2013, et le Portugal (respectivement 17,7 et 26 milliards). Si la Grèce bénéficiait encore une fois d’une aide massive, ça serait au détriment des autres Européens et désormais ceux qui ont consenti des efforts extrêmement élevés pour expier leurs erreurs passées, comme l’Irlande ou le Portugal, ne comprendraient pas pourquoi il faut sauver le mauvais élève de la classe plutôt que de l’exclure de l’école.
Certes, la faillite des débiteurs s’impose parfois aux créanciers, mais la justice veut que le débiteur disparaisse de la carte, qu’il ne puisse pas recommencer, tromper encore et encore de nouveaux épargnants crédules. En remettant encore une fois ses dettes à la Grèce, l’Europe jouerait à risque avec l’argent des contribuables lésés et peut-être avec celui des épargnants dont l’argent aurait été placé dans des obligations souveraines grecques par les banques. Non seulement les contrats ne seraient pas respectés, mais encore la Grèce n’en serait pas sanctionnée. Pourquoi s’en priver alors. L’idée en viendra sans doute à d’autres si c’est si facile de s’endetter et de ne pas rembourser. Au-delà de la perte financière, c’est une perte de crédibilité des institutions européennes qui est en cause. Payer encore pour la Grèce, c’est désormais le meilleur moyen d’encourager le populisme qui s’est emparé de la Grèce elle-même et auquel il serait temps de montrer que ceux qui ne respectent pas leurs engagements et qui n’ont pas voulu faire les efforts nécessaires pour rembourser leur vie facile en payent le prix fort.
3 commentaires
responsabilité, oui, mais pour chacun
Je suis parfaitement d'accord avec l'ensemble de l'article et en particulier avec le principe de responsabilité qui doit (devrait) présider à nos actes. Il faut cependant noter que si la Grèce a pu intégrer l'Europe politique, c'est seulement grâce à la tricherie de Goldmann et Sachs et l'incurie des instances européennes quasiment prêtes à toutes les compromissions pour faire une grande Europe. Il faut donc que le Grèce paie son dû ou soit exclue, mais parallèlement il faut sanctionner fortement les responsables européens de cette calamité qui était prévisible. Comme ce sont partiellement des élus, ils sont pratiquement irresponsables, il convient donc de rappeler inlassablement leurs fautes, car elles se reproduisent trop souvent et coûtent à ceux que l'on qualifie aisément de "populistes"!
oui
Votre message est l'évidence même. Mais c'est un discours qui ne passe pas auprès de l'opinion. Si vraiment les grecs ne veulent pas rembourser, Ok, on ne va pas les envahir, mais alors ils paieront indirectement (par l'incapacité d'émettre de nouvelles dettes). Le peuple grec ne pourra compter que sur lui-même et ajuster ses dépenses à ses recettes, ce qui sera une excellente chose en plus d'être hautement morale).
Si la Grèce en est arrivée la ….
Depuis son indépendance , la Grèce est en défaut de paiement 1 an/2 . Nous avons fait semblant de l ´ ignorer en l ´ acceptant dans la zone Euro .TANT PIS POUR NOUS ! Longue vie à la Grèce défaillante ….