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Et si l’Inspection des Finances s’intéressait à la Cour des Comptes

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À la demande du Gouvernement, l’Inspection des Finances vient de se pencher de manière fort critique sur l’utilité des Commissaires aux comptes dans les petites entreprises privées. Même s’il est assez éloigné du vécu et de la réalité de la mission tels que j’ai pu les percevoir durant quelque 30 années d’exercice personnel de la profession, le rapport est sans appel. Pour ces entités quasiment individuelles, où l’Europe n’exige pas de certification externe (les seuils actuels sont de 8M€ de chiffre d’affaires, 4M€ de total de bilan avec un effectif maximum de 50 salariés), le mandat du Commissaire aux comptes ne présente absolument aucun intérêt et entraîne un coût parfaitement inutile. Fort bien, ce qui est dit est dit et on se gardera bien sûr de contester le moins du monde les conclusions péremptoires d’une institution aussi prestigieuse.

Mais il ne faut pas manquer cette superbe occasion pour demander à l’Inspection des Finances pourquoi donc, depuis des lustres, elle ne s’est jamais interrogée, dans son champ d’investigation prioritaire qui est quand même le secteur public et à l’autre bout du métier de Commissaire aux comptes, sur l’utilité et l’efficacité de la Cour des comptes dans la certification des comptes publics. Certes l’échelle n’est pas la même, mais l’objectif est autrement alléchant que les quelques maigres milliers d’euros d’honoraires annuels d’un Commissaire aux comptes intervenant sur une toute petite structure privée. On ne peut pas croire en effet que l’Inspection des Finances qui, pour en faire partie, a l’avantage de connaître parfaitement la haute fonction publique, s’interdise de poursuivre chez ses pairs (et le plus souvent co-disciples de l’ENA) les abus, les fraudes, les manques et les aberrations les plus graves, alors qu’elle s’acharne régulièrement dans le secteur privé sur des dysfonctionnements qui paraissent, toutes proportions gardées, relativement mineurs et sans guère d’impact sur les deniers publics.

Ainsi donc tout en restant sur le terrain du Commissariat aux comptes et en se bornant uniquement à changer d’échelle de grandeur en passant du secteur privé au secteur public, il n’y a pas besoin d’avoir fait l’ENA, pas plus que l’Inspection des Finances, pour savoir que nous avons avec la Cour des comptes un Commissaire aux comptes publics foncièrement irresponsable, en situation de monopole, partageant étrangement le statut de fonctionnaire avec ceux qu’il contrôle et pratiquant une déontologie assez souple (certains magistrats ne dédaignent pas, lorsque l’occasion s’en présente, de rejoindre les cabinets des Ministres… que la Cour est censé contrôler!). En outre, ses recommandations, même réitérées, sont statistiquement et financièrement quasiment sans effet et ses sanctions sont pratiquement inexistantes (on peut à Bercy en toute connaissance de cause s’attribuer impunément et plusieurs années de suite des primes importantes parfaitement illégales sans les rembourser, ni encourir aucune poursuite, et tout gouvernement peut s’adonner sans aucune crainte aux faux avérés en budget public pour des montants significatifs). Naturellement cette inefficacité souvent dénoncée a déjà un coût implicite qui se rapporte, probablement pour plusieurs dizaines de milliards d’euros, aux gaspillages et à la boulimie persistante de l’État qu’il arrive à la Cour de dénoncer vigoureusement, mais sans jamais prendre, exiger ou réclamer les moyens de les réduire ou mieux de les supprimer. Il lui est même arrivé d’accompagner sans mot dire et pour plusieurs milliards d’euros des errements fiscaux de l’État non provisionnés, bien qu’il soit effectivement condamné à restitution par le juge quelques années plus tard. Il faut encore rajouter à ces dérives les propres coûts explicites de fonctionnement de la Cour: le Sénat les a récemment évalués pour 2015 à quelque 215 millions d’euros, avec un coût unitaire moyen par agent de plus de 100 000 euros (au vu duquel les équipes de la plupart des Commissaires aux comptes font figure de misérables va-nu-pied). Ce budget est évidemment très supérieur à ceux de ses homologues étrangers: il double presque le coût des auditeurs allemands (111 millions d’euros par an seulement et pour une population de… 82 millions d’habitants!) et demeure encore près de 50% plus cher que l’enveloppe des contrôleurs britanniques (148 millions d’euros pour 66 millions d’habitants), qui tous deux, de l’avis général, concourent pourtant directement et efficacement à l’amélioration des finances publiques de leurs pays qui, c’est vrai, ne pâtissent pas des mêmes défauts que leur consœur française. En plus on observe (cf. notre récente présentation des « Intouchables d’État ») qu’en dépit de rémunérations qui ne font pas pitié, pratiquement un tiers des magistrats de la Rue Cambon n’ont de cesse de la quitter pour batifoler en direction de prairies où l’herbe est plus verte. Pire encore et sans le moindre complexe, certains autres et des plus éminents, tels François Hollande, n’ont eu aucune honte à avouer publiquement que leur fidélité à l’institution devait beaucoup au fait que la Cour leur avait laissé généreusement et durablement tout le temps nécessaire au développement de leurs ambitions personnelles, politiques ou autres. Ce qui explique sans nul doute la très forte représentation des Magistrats de la Cour dans les allées et contre-allées du pouvoir, où normalement et si l’on se réfère aux deux principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance de l’auditeur, ils n’ont strictement rien à faire.

Avant de pointer du doigt un secteur privé qu’ils connaissent finalement assez mal, les Inspecteurs des Finances feraient donc mieux de cerner à l’intérieur même du secteur public les zones à risques, par exemple en recherchant activement les innombrables et gigantesques gisements d’économies qui dorment partout dans les dépenses de l’État. Et quand au terme de leur prochaine mission en ayant dûment enquêté à l’étranger et notamment sur le « National Audit Office » britannique à recrutement privé et dont l’efficacité fait envie, ils auront commencé par déposer un rapport inévitablement à charge sur le fonctionnement, le coût exorbitant et l’inefficacité de la Cour des comptes, ils pourront alors, en montrant le sens du sacrifice qui caractérise les vraies élites, s’attaquer à un autre morceau de choix. Et là, pas besoin d’être grand clerc pour deviner immédiatement la question suivante : faut-il ou non maintenir l’Inspection des Finances dans ses rentes (celles précisément qu’abhorre l’actuel Président), quand on voit la situation alarmante dans laquelle elle a inexorablement conduit ou laissé choir les finances de l’État ? Car le contribuable se désole qu’au fil de leurs nombreux et volumineux rapports, toutes ces couteuses institutions publiques développent pour les défauts des autres une acuité visuelle purement narrative, qui contraste singulièrement à la fois avec la grave presbytie dont elles sont affligées quand elles considèrent leurs propres carences et avec le défaut de portée pratique attachée aux plus sévères de leurs conclusions.

Au terme de ce réquisitoire, certes, me direz-vous, les temps sont durs, mais de nos jours dans le privé comme dans le public, vous savez combien la lutte est féroce et que l’efficacité n’a pas de prix. Convenez-en: les mécomptes publics abyssaux, qui sont les nôtres et qui ne cessent de s’aggraver, interrogent tant sur la pertinence que sur l’efficacité de notre modèle public et « fonctionnarial » de conseil et de contrôle. Parce que depuis des lustres, les corps de nos conseils et de nos auditeurs publics vivent si bien des abus qu’ils dénoncent, qu’on peut désormais et au vu d’une inadmissible récurrence s’interroger légitimement sur leur volonté de les faire disparaître. Et on a fait par le passé des réformes constitutionnelles pour infiniment moins que cela !

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1 commenter

Bedel 26 juin 2018 - 7:46

Augias
Il faut nettoyer les écuries d.Augias. Vite !

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