D’Éric Zemmour, on connaît le colbertiste, l’admirateur de Napoléon et de de Gaulle. Les pages de son dernier livre dans lesquelles il est question d’économie montrent néanmoins qu’il cherche à placer le curseur quelque part entre libéralisme et colbertisme. Serait-il en train de se rendre compte que moins d’État et plus de liberté économique permettraient à la France de renouer avec la prospérité ?
Durant la campagne présidentielle de 2022, l’IREF avait dénoncé, chez le fondateur et candidat du parti Reconquête, une vision beaucoup trop colbertiste et gaullienne de l’économie, faisant de l’« État-stratège » le vigilant gardien de nos « fleurons » industriels. Dernièrement encore, nous avons déploré la persistance de ces idées dans le dernier livre d’Éric Zemmour (Je n’ai pas dit mon dernier mot, Rubempré, 2023), dont l’un des chapitres est consacré à l’économie (« L’économie, les Français et moi »). De la lecture de ce chapitre, il ressort néanmoins qu’Éric Zemmour paraît tenir des propos un peu plus favorables au libéralisme que par le passé. Peut-être a-t-il enfin perçu que l’origine du mal français tient à ce que les solutions libérales n’ont jamais été appliquées dans notre pays.
Mondialisation, attractivité : de quelques préjugés encore persistants
Il est vrai qu’Éric Zemmour continue de voir l’économie à travers le prisme de l’antimondialisme. Il cite ainsi, dans le chapitre mentionné ci-dessus, l’ouvrage de Laurent Izard, La France vendue à la découpe, et mentionne le livre du député LR Olivier Marleix, Les Liquidateurs, ce que le macronisme inflige à la France et comment en sortir. Le capitalisme de laissez-faire restant assez largement, aux yeux d’Éric Zemmour, une menace pour notre économie, il convient selon lui de « protéger davantage nos entreprises des prédateurs étrangers et de réserver une partie de nos marchés publics à nos entreprises nationales (ou au moins européennes) ». Mais si tous les pays raisonnaient ainsi, le monde entier reviendrait alors au ruineux protectionnisme d’antan. Éric Zemmour aurait-il oublié la débâcle des politiques protectionnistes mises en œuvre dans les années 30 ? Rappelons que les barrières douanières érigées en application la loi Smoot-Hawley aux États-Unis (qui conduisirent les autres pays à adopter eux-mêmes des mesures protectionnistes) firent alors chuter les échanges internationaux de 65%, éloignant ainsi durablement la perspective d’une sortie de crise.
D’autre part, Éric Zemmour passe sous silence le fait que des pans entiers de l’économie française bénéficient largement de la mondialisation. La SNCF est présente aujourd’hui dans 120 pays, sur les cinq continents, un tiers de son chiffre d’affaires provenant de ses filiales à l’étranger. Que deviendrait en outre l’industrie viticole française – deuxième poste excédentaire dans notre balance commerciale, derrière l’aéronautique – sans les marchés à l’export ? En 2022, les ventes de vins et de spiritueux français y ont progressé de 11% (17,2 milliards d’euros) par rapport à l’an passé. Éric Zemmour semble encore rêver d’une France qui exporterait au maximum et qui importerait le moins possible. Mais si la France parvient à exporter ses produits, c’est parce que d’autres pays ont accepté de les importer ! Et si les entreprises françaises réussissent à se développer à l’étranger, c’est notamment parce que d’autres pays sont ouverts aux investissements extérieurs. Si donc nous voulons continuer investir à l’étranger et à exporter, la réciproque doit jouer…
Moins d’État, moins d’impôts, pour un meilleur pouvoir d’achat
Si la France reste encore trop « libérale » (sic) aux yeux d’Éric Zemmour, on ne saurait cependant la qualifier, ajoute-t-il, d’« ultralibérale » (c’est en effet le moins que l’on puisse dire…). « Comment qualifier d’ultralibéral, écrit-il dans le chapitre en question de son dernier livre, un pays où les prélèvements obligatoires représentent 47% de la richesse nationale ? » (p. 92). Cependant, Éric Zemmour renvoie dos à dos libéralisme et socialisme, affirmant sans craindre la contradiction : « L’économie française est à la fois trop libérale et trop socialiste » (ibid.). Nous ne le suivons évidemment pas sur le caractère trop libéral de notre économie, mais nous ne pouvons que l’approuver lorsqu’il s’en prend aux excès de prélèvements et de réglementations qui asphyxient les entreprises et annihilent l’initiative privée. Cela, Éric Zemmour nous dit l’avoir compris après avoir rencontré nombre de chefs d’entreprise, de commerçants et d’indépendants, lesquels, ajoute-t-il, « n’ont cessé de me répéter que la générosité sociale française s’apparentait de plus en plus à une véritable politique d’assistanat » engendrant notamment « une insuffisante incitation à travailler » (p. 94). Éric Zemmour ne serait-il pas tout compte fait Candide au pays du prétendu « ultralibéralisme » ? Comme le Candide de Voltaire constatant la fausseté des théories leibniziennes de son maître Pangloss, peut-être Éric Zemmour commence-t-il à voir que l’étatisme et l’antilibéralisme ne mènent qu’au déclin et à la ruine. Voici d’ailleurs quelques citations tirées du chapitre dont il est ici question qui semblent témoigner de cette évolution :
- La France « accable ses entreprises d’impôts, de charges sociales et de normes sanitaires ou écologiques qu’une bureaucratie tatillonne fait appliquer avec une rigueur unique en Europe » (p. 93).
- « (En) France aujourd’hui, il est indispensable de réduire le poids des impôts et des normes » (ibid.).
- « (Les) chèques qu’on distribue par tactique électorale (…) ne sont pas du pouvoir d’achat durable mais sont forcément payés un jour ou l’autre par toujours plus d’impôts et de taxes » (p. 97).
- « Il s’agit, chaque fois, de permettre à ceux qui travaillent, quel que soit leur statut, de vivre de leur travail et d’empêcher que ce soit l’État qui en vive sur leur dos. Une fiche de paie d’où il ressort que l’État gagne autant que le travailleur est un scandale » (p. 98).
- « Le salarié et le patron ont des intérêts communs, car la prospérité de l’un entraîne celle de l’autre » (ibid.).
Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’Éric Zemmour ne conçoit pas ces idées comme étant incompatibles avec… le gaullisme. Il place en effet la nécessaire réduction de la dette et des déficits publics sous le patronage du général de Gaulle, lequel s’était montré « soucieux d’équilibre budgétaire (et) de dette faible » (p. 96). Comme il l’écrit (et comme l’a aussi rappelé l’IREF récemment), les prélèvements obligatoires n’excédaient alors pas 33% de la richesse nationale – alors qu’ils ont atteint 45,2% de celle-ci en 2022 ! Dans le sillage de de Gaulle, le président de Reconquête entend ainsi probablement incarner ce qu’on a pu appeler le « libéralisme d’État », une contradiction dans les termes, au même titre que l’idée d’une « troisième voie » entre libéralisme et socialisme. Or ce n’est pas de « libéralisme d’État » que la France a besoin, mais de libéralisme tout court.
18 commentaires
« L’économie française est à la fois trop libérale et trop socialiste », oui je partage cette analyse. En France nous avons la particularité d’être soumis à la dictature du prolétariat dans le domaine public et social et à la dictature des spéculateurs internationaux dans le domaine de l’économie marchande. La libéralisation totale c’est mettre le pouvoir économique, donc politique, dans les mains des affairistes. Lorsque la concurrence est libre, elle est forcément faussée. La mise en concurrence avec les moins disant du monde ne peut que conduire à la régression du niveau de vie à celui des plus misérables et à la destruction de l’activité économique qui se suicide !
Pour mesurer à quel point l’économie américaine est moins libérale que celle de l’Europe et la plus protectionniste, et à quel point elle est la proie des lobbys et les élus d’une minorité de donateurs sans plafond qui font la politique je vous invite à lire » Les gagnants de la concurrence » de Thomas Philippon, économiste libéral, Seuil 2022. Il ne faut pas rêver le reste du monde et se laisser prendre au piège des plaidoyers et des mots. L’école du « public choice » a raison : les règles du jeu sont définies par les vested interests et des incumbents au détriment des newcomers et des consommateurs. Pro-entreprise et libéral sont pratiquement des contraires, dans un monde réel où la règlementation est systématiquement « capturé » par les acteurs économiques dominants qui tournent les règles du jeu à leur profit, opposé à l’optimum économique. Adam Smith a bien parlé de ce complot permanent des commerçants qui s’entendent sur le dos des clients. Laissez faire et concurrence sont en fait contradictoires, même si c’est très dommage : on n’a qu’ à observer l’origine de la plupart des réglementations sectorielles, qui ont pour but de restreindre la libre entrée des nouveaux pour protéger les rentes des opérateurs historiques : le droit de la concurrence a donc un sens lorsqu’il protège le nouveau venu et les clients ou consommateurs. La concurrence n’est pas libre spontanément, nulle part : les concurrents sont les premiers intéressés à s’opposer à cette concurrence qui les gêne.
Public choice, vested interests, incumbers, newcomers : et si on parlait français ?
On ne peut pas dire d’une économie qu’elle est à la fois trop libérale et trop socialiste : c’est soit l’un soit l’autre.
Dire d’autre part que « lorsque la concurrence est libre, elle est forcément faussée » est un non-sens. Ce sont au contraire les excès d’interventionnisme et de réglementations étatiques qui faussent la libre concurrence. En France, la fiscalité et la réglementation excessives annihilent les incitations productives. Il faut déréglementer notre économie et abaisser massivement la pression fiscale pour libérer les énergies. Faute de quoi nos talents continueront à quitter notre pays pour s’installer là où le rendement de leurs efforts d’épargne et de l’investissement est supérieur.
Cordialement
Les gens décidés et travailleurs n’ont rien à craindre de la concurrence.
Dans un pays libéral, ils récolteront les fruits de leurs efforts.
Certes la France n´a jamais tenté l´expérience du libéralisme et elle doit le faire.
Mais les innombrables « experiences socialistes », menées avec une confondante unanimité par la gauche et la droite ont affaibli les entreprises et le pays.
A tel point que les unes comme l´autre sont incapables de lutter à armes égales dans une compétition libérale internationale.
Pour une SNCF citée dans l´article ou une SEB pour prendre un magnifique exemple régional, combien sont sous capitalisées et peu capables de montages financiers ambitieux.
Une phase de transition est donc nécessaire, d´une protection bien comprise au moins contre les concurrences déloyales et agressives.
Sinon nous resterons à la vente des bijoux de famille pour continuer à payer la France qui profite.
Comment expliquez vous notre déficit extérieur et pratiquement la désindustrialisation de notre pays ? Quant à l’endettement sans cesse en augmentation comment le supprimer ou le rendre acceptable ??
– Voir l’historique de évolution de l’index de liberté économique qui est couplé à la richesse des nations :
Pays plus libre = pays plus riche, pays moins libre = pays moins riche…CQFD :
https://www.youtube.com/watch?v=u75DbD9JCko…
– Voir également l’historique de évolution de l’index de développement humain (IDH = santé + éducation + revenus) :
Pays Plus libre = Population plus riche sur tous les plans :
https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BilanEssai?
codetheme=1&codeStat=SP.POP.IDH.IN&anneeStat1=2017&optionGraphique1=avecNoir&logsUni=sansLogUni&codetheme2=1&codeStat2=SP.POP.IDH.IN&anneeStat2=1990&couleurGraphique=Rouge&taillePolices=11px&langue=fr&noStat=3
– Voir également l’historique de évolution de l’index de développement humain (IDH = santé + éducation + revenus) :
Pays Plus libre = Population plus riche sur tous les plans :
https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BilanEssaicodetheme=1&codeStat=SP.POP.IDH.IN&anneeStat1=2017&optionGraphique1=avecNoir&logsUni=sansLogUni&codetheme2=1&codeStat2=SP.POP.IDH.IN&anneeStat2=1990&couleurGraphique=Rouge&taillePol
Si les mots ont un sens, alors non,
la France n’est pas un pays libéral, loin s’en faut.
L’affirmation pour définir le régime dans lequel soi-disant se trouverait la France, avancée chaque fois qu’un politique ou un média utilise le mot libéral (au sens européen du terme), néolibéral, voire ultra libéral, est toujours péjorative, dégradante, mais surtout et avant tout elle est FAUSSE, car la “mondialisation” que nous vivons sur le plan international n’implique pas le libéralisme sur le plan national, bien au contraire. La Chine en la matière en est un exemple édifiant ; régime dictatorial à économie dirigée, mais adepte et précurseur de la mondialisation économique.
Lire la suite:
https://drive.google.com/file/d/1BEbMXUZXmQAkZcV0vZ2t3JkWn4UGfA1l/view?usp=sharing
Lisez plutôt le programme économique d’Eric ZEMMOUR lors des présidentielles et vous m’en direz des nouvelles !!!
Eric Zemmour est un Enarque, à qui ILS n’ont pas donné l’oral….Il a une vision économique, budgétaire, financière, excellente. De plus il est sous le charme de Sarah Enarque complet qui a gagnée La Cour des Comptes donc dans les meilleurs classements, et entourés d’Enarques dont l’un en particulier a quitté l’équipe de Macron dans les débuts, et d’autres, s’activent en secret pour Reconquérir une France rayonnante…..La compétitivité, l’excellence, permet l’exportation….et ceci même si la France, l’U.E., avait conservé dans la Constitution les Racines Judéo Chrétiennes, moins craintes que le Wokisme et avec une Dette de soumission
E. Z. est donc comme le G D G parfaitement apte à gérer des Ministres de toutes Obédiences diverses de Franc Maçonnerie, non mondialistes et même mondialiste. Il sera la France d’Abord….même si c’est en U.E. mais le C.E.T.H. bien ncontrôlé
Tant mieux si Zemmour commence à entrevoir que la France souffre de trop d’Etat. Puisse-t-il en tirer les conséquences et abandonner son colbertisme désuet pour embrasser enfin le libéralisme dont nous avons tant besoin.
Oui, bien sûr E. Zemour est un « énarque sans l’Oral », comme dit mon prédécesseur; c’est un homme instruit par l’histoire et l’histoire politique avant tout et non par l’histoire de l’Economie et de l’Economie sociale .
Du reste, parler d’ Economie comme ferment historique de l’évolution des sociétés est prohibée en France par toute la junte intellosocialo de gauche comme de droite .
.Lorsqu’il est question de limiter les déficits et l’endettement, n’entend-t- on pas dire ? ne nous laissons pas nous
abaisser par des « raisonnements comptables » . La politique ,Monsieur pas la comptabilité !!
C’est comme cela que la France a perdu les conditions de sa compétitivité et de son esprit d’innovation en laissant la bureaucratie prendre le pas.
Macron n’a pas encore compris que face à l’Allemagne un pays qui croule sous les déficits ne pèse pas grand chose et les beaux discours sont plutôt objet de mépris à Francfort, pays ou la saine finance est un devoir.
C’est comme cela que nos bons esprits qui ont dirigé la France depuis quarante ans ont appliqué avec méthode la politique consistant à tenir les Entreprises sous le joug de l’Etat en les soumettant à des loi set des dispositifs brisant leur liberté d’entreprendre à la fois par les impôts et les taxes mais en plus par des réglementations idéologiques et bureaucratiques insensées, enfin par l’instauration de lois et de charges sociales incontrôlées les accablant chaque fois plus, souvent par électoralisme .
C’est ainsi que nous avons fabriqué « le modèle social idéal » tellement que nos concurrents européens qui ne sont pas tombés dans ce piège en font un sujet de contentement et même de moquerie de la France !!
Parler du niveau exorbitant des charges sociales dans les milieux politiques y compris « à droite » est un moyen sûr de se faire traiter de ‘ultralibéraliste » ? Au contraire ce ne sont pas des charges , Monsieur,mais des ressources pour les
salariés.
Peut-on encore parler du coût des rémunération des salariés en France ?
Les patrons des grandes entreprises qui eux, savent lire un compte d’exploitation et comparer les prix de revient
(oh les vilains comptables !!) ont du prendre les mesure pour éviter ce gâchis français et trouver des pays plus
favorables leur évitant le sort des sociétés non compétitives et finalement du risque de faillite à terme.
Pire, l’ Etat refuse de s’attaquer réellement aux fraudes sociales. (50 milliards par an d’après étude du magistrat
C. Prat)
L’Etat veut tenter maladroitement d’épargner 10 à 15 milliards sur les retraites du Privé, alors qu’il refuse de remettre à égalité le système de retraite de la Fonction publique sur celui du Privé qui permettrait à terme de mettre fin à la charge astronomique supporté par l’Etat pour les pensions versées aux fonctionnaires civils pour près de 45 milliards par an et plus de trente milliards environ pour les autres personnels fonctionnaires territoriaux, hospitaliers et militaires !
La liste des erreurs de gestion est longue: citons encore le coût des » Agences « de l’Etat et autres organes ou « machins » étatiques et para étatiques qui nous coûtent un « pognon de dingue » et pour quel résultat ?
Mais il y a aussi un autre tonneau des danaïdes bien connu et désormais mis sur la touche, le » millefeuille « des
structures administratives des territoire en France. Pas touche à tous ces fonctionnaires travaillant bien souvent en doublon.
En bref il ne faut surtout pas demander à l’Etat de mettre de l’ordre dans sa gestion de ses multiples fonctions et
encore moins de pratiquer une saine gestion en intelligence , celle d’un bon père de famille.
Gaspiller, dilapider, et donner quoi qu’il en coûte si vous ne voulez pas être traité de « petit comptable » sans ambition politique.
Nous allons le payer très cher et ça au détriment de notre pouvoir d’achat sur nos comptes en banque !
Oui, compte en banque, encore et toujours une notion stupide comptable ?
Bonjour.
Ce qui me gêne, voire me révulse chez M. Zemmour, c’est que c’est un pur produit médiatique, de « l’école Ruquier », à l’instar du député insoumis M. Caron. Ni l’un ni l’autre ne disposent d’un corpus idéologique robuste, ce sont tous deux des girouettes populistes en mal de notoriété et également ignares en matière d’économie.
Avoir de tels politiciens est une honte, tout simplement.
Vous avez tort de considérer qu’Éric Zemmour ne doit son existence qu’à une émission de télévision alors qu’il exerce son métier de journaliste et d’auteur politique depuis plus de quarante ans.
Personnellement, ce n’est absolument pas par le biais de l’émission de monsieur Ruquier que je l’ai connu.