Eric Zemmour n’avait pas hésité à taxer de « socialiste » le programme économique et social du Rassemblement National lors des dernières échéances électorales. Deux grandes raisons l’expliquaient. L’une était que la sensibilité de Marine Le Pen l’amène à moins défendre la liberté économique que son père dans les années 1980-1990 (laissons de côté l’anti-américanisme et le protectionnisme extra-communautaire portés par Jean-Marie Le Pen…). L’autre tient à des considérations de pure tactique : alors que le RN a capté une importante partie du « vote ouvrier » et qu’il a « siphonné » une part de l’électorat populaire de La France insoumise, le président de Reconquête ! a cru bon se démarquer de sa concurrente en obombrant le dirigisme foncier du journaliste et essayiste Zemmour
Le 20 octobre sur LCI, l’ancien candidat à l’élection présidentielle a appelé à un « plan de réduction massive » tant des impôts que des dépenses publiques. Celles-ci devraient baisser de « 200 milliards d’euros par an pendant 10 ans », soit, si l’on calcule bien, de 2.000 milliards d’euros. Ce qui est difficilement compréhensible au regard du budget annuel de l’État… Même s’il n’a pas eu le temps de développer son propos, Eric Zemmour n’a mentionné qu’une petite quarantaine de milliards d’économies : les associations « politisées » (23 milliards sur les plans national et local), l’aide publique au développement inutile (15 milliards) et la privatisation de l’audiovisuel public « de gauche » (4 milliards).
Ce qui retient surtout l’attention, c’est que la pression exercée sur le RN ne provient plus seulement de l’extérieur. En effet, les nouveaux alliés de Marine Le Pen poussent à une libéralisation de son programme économique et social.
Ainsi, le 21 octobre, Marion Maréchal a qualifié le RN de « premier parti anti-assistanat, anti-racket fiscal ». La députée européenne, présidente du parti Identité-libertés, a mis en cause le « socialisme mental » de ces dernières décennies avant de cibler quelques pistes d’économies, tels l’alignement des jours de carence du secteur public sur le secteur privé (11 milliards d’euros), les agences de l’État inutiles ou qui font doublon (90 milliards) ou encore le logement social (35 milliards).
De son côté, le 22 octobre sur Franceinfo, Eric Ciotti s’est explicitement référé au président libéral argentin Milei en déclarant : « Il faut qu’on ait une tronçonneuse pour couper dans les dépenses publiques en France ». Le président du groupe UDR à l’Assemblée nationale a même courageusement défendu l’idée d’une « dose de capitalisation » pour résoudre le problème des retraites, tout en confirmant sur ce point son opposition à la proposition d’abrogation de la réforme des retraites soutenue par Marine Le Pen.
Cependant, pour que la pression sur le RN soit plus forte, encore faudrait-il que ses partenaires ne s’arrêtent pas en chemin sur la voie de la libéralisation. En effet, ni Marion Maréchal ni, dans une mesure moindre, Eric Ciotti n’ont fait référence à la condition préalable à toute baisse profonde des dépenses publiques et des impôts, à savoir la redéfinition du rôle de l’État.