L’enfer, comme chacun sait est pavé de bonnes intentions. C’est peut-être pourquoi la fiscalité est si souvent à l’image de l’enfer ! A vouloir favoriser chaque catégorie de contribuables, la fiscalité n’en finit pas de se compliquer, et à force de se vouloir plus juste à l’égard de chacun, elle devient de plus en plus injuste à l’égard de tous. La discrimination qui se veut positive s’avère le plus souvent négative. Les exemples en sont nombreux en France comme aux Etats Unis auxquels il nous paraît important d’apporter une attention particulière parce que cette nation où la liberté rendait tout possible est en train de s’enfermer dans les rets du contre modèle social européen et particulièrement français.
La taxe empoisonnée
La patente était déjà un impôt décrié que le Premier ministre Jacques Chirac remplaça par la taxe professionnelle aussitôt plus contestée encore. Raymond Barre avouait que cette taxe était ce qu’il avait reçu de pire dans l’héritage de son prédécesseur. Les projets de réforme se sont succédés sans succès depuis lors jusqu’à ce que la fougue du Président Sarkozy ait quelques chances d’emporter une décision parlementaire en faveur d’une disparition de la taxe professionnelle pour la remplacer par deux nouvelles taxes : une cotisation foncière supportée par les entreprises et une cotisation sur la valeur ajoutée.
Cette réforme allégera de plus de 4 milliards d’euros les charges fiscales des entreprises, mais réduira d’autant les ressources des collectivités. Certes, l’Etat s’engage à compenser leur manque à gagner, mais chacun sait que les promesses de l’Etat sont éphémères. Et la répartition des ressources a levé un contentieux plus grave encore entre petites et grandes communes du fait que la loi nouvelle voudrait exonérer de cotisation sur la valeur ajoutée les petites entreprises, qui sont souvent les seules implantées sur le territoire des petites communes, et calculer la taxe selon un barème progressif, de 0 à 3% de la valeur ajoutée, favorisant encore un peu plus les grandes agglomérations. Pour rétablir une certaine proportion de ressources entre toutes les collectivités locales, il a fallu bâtir un texte de loi abracadabrantesque, un de plus, et donc critiquable à l’envi.
Il eut sans doute été plus simple et profitable à tous de n’imaginer qu’un seul taux d’imposition, le même pour toutes les entreprises, sauf à autoriser les collectivités à exonérer de cotisation les entreprises nouvellement créées pendant les premières années de leur existence et à prévoir qu’elles paieraient le taux plein progressivement. Il est utile de favoriser la création d’entreprises, il est dangereux de discriminer celles-ci en fonction de leur taille car cela induit des effets de seuil sans fondement.
La trappe à pauvreté
La Chambre des Représentants a déjà voté sa réforme de la santé. Mais il faut encore que le Sénat se prononce. Il a accepté, à une voix près, de délibérer. Mais le texte sur lequel il se prononcera sera peut-être très différent de celui de la Chambre et exigera encore d’âpres compromis. Le sénateur Joseph Lieberman a d’ores et déjà fait savoir qu’il n’accepterait d’aucune manière une loi intégrant l’option publique, adoptée par la Chambre, tendant à mettre en place une assurance publique pour ceux qui ne seraient pas acceptés ailleurs.
Dès lors, au Sénat, le texte susceptible de recueillir les voix nécessaires des récalcitrants pourrait être celui du sénateur Max Baucus. Certes il évite la création d’une assurance publique qui s’annonçait comme un trou toujours plus béant, « à la française ». Mais le plan Baucus serait aussi, s’il est voté, un gouffre nourri d’injustice. Il subventionnerait la souscription de police d’assurance type des familles non couvertes par une assurance maladie prise en charge par leur employeur. Ces aides seraient accordées en fonction des revenus du foyer. Les détenteurs des revenus les plus bas seraient ainsi démotivés à augmenter leur revenu car cette augmentation pourrait leur faire perdre tout ou partie de la prise en charge de leur assurance par l’Etat. La discrimination dans la distribution de cette aide serait ainsi doublement négative à l’égard de ceux qui n’en bénéficient pas comme à l’égard de ceux qu’elle pénalisera à terme en les enfermant dans leur ghetto de bas revenu. Selon le Bureau du Budget du Congrès, dans la prochaine décennie, 23 millions d’américains pourraient profiter de ces bonifications pour un coût à la charge du contribuable de 461 milliards de dollars. Il s’agit bien d’instituer une société d’assistance « à la française » !
L’impôt tari
Mais la source espérée du financement de cette réforme pourrait bien se tarir d’elle-même. Pour supporter le coût du nouveau dispositif, quel qu’il soit, en matière de santé, Obama a proposé de lever une nouvelle taxe de 5,4% sur les revenus supérieurs à 500.000$ par contribuable (1.000.000$ pour un couple). La limite apparaît élevée. Mais cette augmentation de la fiscalité pénalisera les gens les plus mobiles et les plus actifs, ceux qui chercheront des alternatives ou qui seront démotivés d’investir. Cette surtaxe s’appliquera à compter du 1er janvier 2.011, quand la baisse temporaire de l’impôt à 15% sur les plus values décidée par Georges Bush viendra à expiration pour remonter à 20%. L’impôt sur les gains en capital sera donc alors de 25,4% , représentant une augmentation de 69% par rapport à 2.010.
Les législateurs américains devraient se souvenir pourtant des précédents en la matière. Lorsque l’impôt sur les plus values a été augmenté de 20 à 28% en 1986 aux Etats Unis, le produit de l’impôt correspondant baissa sensiblement pour ne retrouver un niveau supérieur à celui de 1985 (26,5 milliards de dollars) qu’en 1992 (29 milliards de dollars). A l’inverse, quand les Républicains réduisirent le taux de l’impôt de 20 à 15% en 2003, le produit de l’impôt augmenta sensiblement pour passer de 49 milliards de dollars en 2002 à 117,8 milliards en 2006. Il n’est donc pas certain du tout que l’augmentation prévue de l’impôt à 5,4% pour les plus riches permette d’obtenir les 461 milliards de dollars attendus. Il est probable que tous les contribuables devront être appelés à la rescousse. Obama devrait demander conseil à Gordon Brown qui a déjà payé pour savoir : l’imposition l’an dernier de tous les étrangers non domiciliés au Royaume Uni à une taxe annuelle minimale de 30.000£ a fait fuir une partie des exilés fiscaux étrangers que le Royaume avait accueilli et pourrait être pour partie la cause du déficit du budget anglais.
Le coût de la pub
Il est certain par contre que le contribuable français aura à payer la suppression de la publicité après 20h. Dans les programmes « télé », le gouvernement a dû verser en octobre 415 millions d’euros à France Télévisions en compensation du manque à gagner lié à l’arrêt de la publicité depuis janvier 2009. Cet argent aurait sans doute pu être affecté plus efficacement, en réduction d’impôt par exemple ! La discrimination vise ici directement le contribuable.