Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

anglais
Accueil » Digital Markets Act: l’UE prépare un internet plus lent pour les Européens

Digital Markets Act: l’UE prépare un internet plus lent pour les Européens

par
1 vues

Le 6 mars 2024 était le dernier délai pour que les grandes entreprises comme Alphabet (Google Search, Android, Maps), Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) ou encore Microsoft se mettent en conformité avec le DMA (Digital Markets Act). Cette réglementation européenne sur les marchés numériques s’attaque aux contrôleurs d’accès, encore connus sous le nom de gatekeeper, à savoir les plateformes qui permettent d’accéder aux principaux services sur Internet. Elle les oblige à adopter des pratiques jugées plus concurrentielles. Désormais, Apple doit intégrer des applications concurrentes à l’App Store sur iOS 17.4 ; Meta doit rendre WhatsApp et Messenger « interopérables » avec d’autres applications concurrentes ; Google ne peut plus favoriser ses propres services dans les résultats de son moteur de recherche, ni y donner un accès direct.

Des recherches plus lentes

Les internautes ont pu constater à quel point cela rend leurs recherches beaucoup plus lentes et fastidieuses. Il n’est plus possible, par exemple, d’aller directement dans Google Maps à partir d’une simple recherche Internet, à moins de l’ouvrir dans une nouvelle fenêtre. L’application du DMA a également des répercussions sur la visibilité des entreprises qui dépendent du référencement Google, notamment dans les secteurs hôtelier, aérien ou de la restauration. Selon ces mêmes entreprises, le DMA renforce les plus gros intermédiaires au détriment des autres, ce qui pourrait engendrer des pertes de plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires. Certains hôtels auraient subi une chute de 30 % des réservations en février 2024 par rapport au mois précédent.

L’objectif poursuivi par la Commission européenne est clair : empêcher les grandes plateformes de favoriser leurs produits sur leurs propres sites, mais les technocrates bruxellois oublient que si Google représente plus de 90 % des parts de marché des moteurs de recherche en Europe (et dans le monde), c’est qu’il y a une raison. L’entreprise a acquis une position de leader parce qu’elle est la plus à même d’offrir le contenu le plus pertinent à chaque requête en un laps de temps extrêmement court. Cela vaut aussi pour Chrome qui représente 65 % des parts de marché des navigateurs dans le monde, le service de messagerie Gmail et sa simplicité d’utilisation qui lui vaut près de 1,5 milliard d’utilisateurs, ainsi que l’application GPS Google Maps qui donne des informations sur le trafic en temps réel.

Rien d’étonnant à ce que l’Europe n’ait pas de géants numériques

Les Européens ne peuvent plus bénéficier aussi facilement des services les plus performants, et les entreprises du secteur technologique sont d’autant moins incitées à lancer de nouveaux produits et à investir au sein de l’UE. Les obstacles permanents à l’émergence de géants du numérique sont l’une des raisons pour lesquelles il n’y a toujours pas de GAFAM européens. C’est d’ailleurs implicite dans le DMA : ce n’est pas l’abus de position dominante qui est sanctionné (le droit européen de la concurrence s’en charge déjà), mais la position dominante en tant que telle. L’UE est de plus en plus en perte de vitesse par rapport à ses rivaux américains et asiatiques. Comme nous le rappelions dans un précédent article, la part de l’UE dans les investissements industriels mondiaux en dit long sur son influence économique réelle : 6,5 % entre 2016 et 2023, contre 17 % pour les États-Unis et 55 % pour l’Asie.

Des règles, toujours plus de règles…

Existe-t-il alors un moyen de contourner le DMA ? En France, dans le cadre de la loi sur la sécurisation et la régulation de l’espace numérique (dite loi SREN), des députés ont proposé un amendement afin de limiter l’accès aux VPN : un outil qui consiste à se connecter à un réseau privé situé à l’étranger et de contourner les contraintes réglementations d’un pays. Finalement rejeté par l’Assemblée nationale, le texte montre à quel point le législateur se fourvoie dans sa course effrénée à la réglementation. L’idée était d’obliger Google Play et l’App Store à vérifier la conformité des VPN à la législation en vigueur, en faisant totalement fi des limites techniques. En effet, il est parfaitement possible d’installer un VPN en dehors de ces boutiques d’applications via une simple recherche Internet sur mobile ou sur PC.
Pour éviter ce genre de situation, la Commission prévoit un élargissement du champ d’application du DMA : ajout de conditions supplémentaires, nouvelles modalités d’exécution, nouveaux services concernés, ouverture d’enquêtes de marché, audits, etc. Le règlement précise que les grandes plateformes ne peuvent diviser leurs services « par des moyens contractuels, commerciaux, techniques ou autres dans le but de contourner les seuils quantitatifs fixés ». Les sanctions sont colossales : l’amende peut atteindre jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial, voire 20 % en cas de récidive. Les entreprises sont donc confrontées à une véritable insécurité juridique au nom de la souveraineté numérique et de la lutte contre la « concurrence déloyale » – deux concepts particulièrement bancals. Une insécurité juridique créée de toute pièce par une Commission qui se veut à la fois juge et partie.

La multiplication des carcans réglementaires peut être interprétée comme un aveu de faiblesse au vu de l’importance des GAFAM et de la place de plus en plus isolée de l’UE sur la scène internationale. Dans un récent rapport, le prix Nobel Jean Tirole, associé à d’autres économistes européens, s’alarme justement du fait que l’UE « dépense trop peu en R&D et se concentre sur le mid-tech ». La bureaucratie européenne oublie que la prospérité en Occident n’est pas le fruit du contrôle de l’activité économique, mais de la liberté des échanges, de la libre circulation des biens et des personnes. Il serait temps de revenir à ces fondamentaux.

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire