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« Dérèglement climatique » à Panama : encore une évidence pas si évidente !

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Le 15 juillet 20231, l’Autorité du Canal de Panama a annoncé que, du fait du manque d’eau pour actionner les écluses, le trafic du canal serait réduit dès la fin du mois à 32 navires par jour (contre une quarantaine jusque-là). Le 30 octobre suivant2, elle annonça une nouvelle réduction à 25 navires par jour qui, ajouta-t-elle, serait portée mi-février 2024 à 20 navires par jour, le tout accompagné d’une réduction du tirant d’eau de 50 à 44 pieds.

Le monde entier en fut stupéfait ! Comment manquer d’eau dans un pays tropical où il pleut plusieurs mètres par an ? La « presse d’information », qui reprit en chœur ces annonces successives, nous expliqua que nous n’avions pas à nous étonner. Il n’y a, en effet, aucune raison pour que le « dérèglement climatique » épargne Panama plus qu’une autre région du globe. Le « changement climatique anthropique » (dû à l’homme), dont elle nous parle depuis si longtemps et dont, chaque jour, elle nous donne de nouvelles « preuves », accable la terre entière. Panama n’en est qu’un exemple supplémentaire. Mais bien sûr, c’est évident !

Curieusement, au moins à ma connaissance, personne n’est allé voir si cette évidence était aussi évidente qu’elle en avait l’air. Pourtant, l’exercice est bien facile.

Ce que la presse appelle « changement climatique » ne peut donc pas être invoqué pour justifier le manque d’eau constaté au Panama

Il suffit d’interroger le Climatic Research Unit (CRU) – University of East Anglia qui est un organisme au-dessus de tout soupçon (au moins pour les adeptes du « changement climatique anthropique ») puisque le GIEC lui-même n’utilise que ses données. Que nous disent-elles ?

L’histogramme ci-dessous indique la hauteur des précipitations annuelles (sur une période de trente ans) depuis l’année 19013 :

Panama : précipitations annuelles (moyenne sur 30 ans)

Il apparaît clairement que, sur longue période (en l’occurrence cent vingt ans), qui est la seule sur laquelle on puisse observer un éventuel changement climatique, les précipitations annuelles sont restées très stables au Panama. On ne constate aucune baisse ; on note même un infime accroissement de l’ordre d’un pour cent en un siècle.

Ce que la presse appelle « changement climatique », ou encore « dérèglement climatique », qu’il soit anthropique ou non, ne peut donc pas être invoqué pour justifier le manque d’eau constaté au Panama4. Dès lors, quelle en est la cause ?

On sait que le canal de Panama, construit par les États-Unis et mis en service en 1914, a été donné au Panama le 1er janvier 2000. Pour le gérer, le Panama a mis en place un organisme étatique, l’Autorité du Canal de Panama (ACP). Aussitôt, celle-ci a élaboré un projet destiné à augmenter la capacité de transit du canal.

Le canal de Panama est essentiellement constitué d’un lac artificiel, le lac Gatùn, dont le niveau normal est à 26 m au-dessus du niveau de la mer et auquel les navires accèdent par deux séries d’écluses, situées aux deux extrémités du canal5. Jusqu’en 2000, la taille de ces écluses définissait la taille du plus gros navire pouvant transiter par le canal, lequel était baptisé pour cette raison : Panamax.

Le projet d’ACP a consisté à construire deux nouvelles séries d’écluses, juxtaposées aux anciennes. Non seulement les nouvelles écluses peuvent être utilisées en même temps que les anciennes, mais leur taille beaucoup plus importante (volume 2,7 fois plus grand) définit une nouvelle catégorie de navires, le Néopanamax. Commencées en 2007, les nouvelles écluses ont été mises en service en 2016.

Le problème est que ces nouvelles écluses, bien que munies d’un dispositif qui permet de réutiliser 60% de l’eau, consomment, du fait de leur taille, à peu près autant d’eau que les anciennes. Certes, il pleut beaucoup au Panama (près de deux mètres et demi par an) mais il ne pleut pas infiniment ! Et, avec la consommation d’eau des nouvelles écluses, l’ACP s’est rapproché dangereusement du volume d’eau moyen qui tombe chaque année sur le bassin versant du lac Gatùn.

On voit que, sur seulement sept ans, les précipitations annuelles varient de deux à près de trois mètres. Ces variations sont complètement naturelles !

Or, et c’est le point important, si, on l’a vu dans l’histogramme précédent, les précipitations sont, en moyenne, très régulières depuis cent-vingt ans, elles sont en revanche très irrégulières d’une année sur l’autre, comme on peut le voir dans l’histogramme suivant6 :

On voit que, sur seulement sept ans, les précipitations annuelles varient de deux à près de trois mètres. C’est énorme. Ces variations – faut-il le préciser ? – sont complètement naturelles ! En 2023, on note un épisode « El Niño », phénomène climatique connu depuis bien longtemps et dont le retour est aléatoire (le précédent avait eu lieu en 2015) ; en 2019, en revanche, on n’a pas noté d’événement particulier.

Du fait du doublement de ses besoins en eau depuis la mise en service des nouvelles écluses en 2016, l’ACP devient très sensible à ces variations annuelles. En cas de forte baisse des précipitations par rapport à la moyenne annuelle, l’ACP est contrainte de réduire à la fois le nombre d’éclusées et le tirant d’eau des navires (à cause de la baisse de niveau du lac Gatùn).

Il est clair qu’il s’agit là d’une colossale erreur dans le management du projet d’agrandissement du canal. L’ACP a maintenant bien conscience du problème et a élaboré une solution pour y remédier. Celle-ci consiste à construire un barrage sur le río Indio (au sud- ouest du canal) et transférer l’eau de la retenue dans le lac Gatùn au moyen d’un tunnel de 8 km7. Le problème est que les travaux, prévus pour durer six ans, n’ont pas encore commencé du fait de la question du déplacement des populations concernées.


Dans son explication de ce qu’elle appelle la « crise de l’eau », il faut reconnaître qu’à aucun moment l’ACP n’invoque un quelconque changement climatique8. Les journalistes, pour lesquels c’est devenu un tic, le font pour elle. Dès qu’un événement climatique un peu spectaculaire survient, il est attribué au « changement climatique anthropique ». L’ACP évidemment en profite, bien contente de ne pas avoir à s’expliquer sur son énorme erreur. On peut cependant lui reprocher un manque de transparence (dont pourtant elle se targue) en ne diffusant pas les données, qu’elle possède forcément, montrant la stabilité des précipitations annuelles moyennes sur le bassin versant du lac Gatùn.

On peut également s’interroger sur la façon qu’a le CRU de l’université d’East Anglia de présenter ses données. Pour éviter que la stabilité des précipitations annuelles saute aux yeux de son lecteur, il présente ses données par trimestre, au lieu de le faire par année. Dès lors, pour la faire apparaître, il faut additionner les quatre trimestres et le faire quatre fois (une pour chacune des quatre périodes de trente ans). Il est clair que tant d’additions sont hors de portée du journaliste toujours pressé, même le plus honnête, même s’il en existait, ne serait- ce qu’un seul, désireux de questionner cette nouvelle religion à laquelle nous sommes tous enjoints de croire, le « Changement Climatique Anthropique » (CCA).


1 Autorité du canal de Panama – Advisory for Shipping 35/2023 du 15 juillet 2023.

2 Autorité du canal de Panama – Advisory for Shipping 48/2023 du 30 octobre 2023.

3 Climatic Research Unit (CRU) – University of East Anglia – Climate Change Knowledge Portal For Development Practitioners and Policy Makers). Country : Panama. Observed Seasonal Precipitation. Site consulté le 7/2/2025 : https://climateknowledgeportal.worldbank.org/country/panama/climate-data-historical

Les données sont par trimestre ; je me suis contenté d’additionner les quatre trimestres et d’arrondir au mm.

4 En toute rigueur, il aurait fallu disposer des données, non pas moyennées sur l’ensemble du Panama, mais sur le seul bassin versant du lac Gatùn qui alimente les écluses. Malheureusement je ne les ai pas trouvées. Je ne pense pas, cependant, que ma conclusion en aurait été fondamentalement modifiée.

5 Projet élaboré dès 1879 par l’Ingénieur des ponts-et-chaussées, Adolphe Godin de Lépinay. Voir mon livre « Ces trois Français qui ont fait (et défait) le canal de Panama » (éditions Baudelaire – 2024).

6 Canal de Panama – Rapport annuel 2023, p. 23. Contrairement à l’histogramme précédent, il s’agit ici des

données concernant le seul bassin versant du lac Gatùn.

7 ACP – Diseño de factibilidad para el Proyecto de Suministro de Agua de Río Indio – Montgomery Watson Harza, avril 2003.

8 Canal de Panama – Rapport annuel 2023, pp. 6 et 27.

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