Le gouvernement français a élaboré un budget 2015 sur la base d’une prévision de croissance de 1 % alors que le FMI table sur un taux de 1,2 %. Le taux de croissance de l’économie française était de 0,4 % en 2014, tandis qu’il atteignait 1,6 % en Allemagne et 2,6 % au Royaume-Uni. C’est pour cette raison que les chiffres du premier trimestre ont été accueillis comme une bonne nouvelle par le gouvernement puisque l’INSEE vient d’annoncer un taux de croissance trimestrielle de 0,6 %. Le taux de croissance de l’économie joue en effet un rôle déterminant dans l’élaboration du budget annuel : plus il est élevé, plus les rentrées fiscales sont importantes, et moins le gouvernement est contraint de réduire ses dépenses publiques afin de réduire le déficit public.
Comme on peut l’observer sur le graphique ci-dessous, le taux de croissance de l’économie française était presque toujours plus faible depuis le troisième trimestre 2013 en France par rapport à l’Allemagne et au Royaume-Uni. On remarque notamment une extraordinaire reprise économique au Royaume-Uni depuis le premier trimestre 2013, qui a presque toujours connu une croissance trimestrielle supérieure à 0,5 % : cela signifie que d’un trimestre sur l’autre, la production de l’économie britannique est en croissance continue et que le Royaume-Uni est en reprise économique. Cela explique en grande partie le succès de Cameron et du parti conservateur aux dernières élections générales. En outre, on constate que la croissance trimestrielle allemande est globalement repartie depuis le deuxième trimestre 2013 même si les deuxième et troisième trimestres 2014 ont connu une croissance proche de zéro. En comparaison, la France est en quasi-stagnation économique depuis le deuxième trimestre 2011, si on exclut une croissance de 0,8 % au deuxième trimestre 2013, et les chiffres du dernier trimestre.
Cette progression de la croissance au dernier trimestre peut s’expliquer notamment par la baisse du cours du pétrole qui est passé de plus de 100 dollars en juillet à 2014 à environ 50 dollars au mois de janvier 2015. Le prix du baril de pétrole a donc été divisé par deux en l’espace de six mois. Selon une étude du cabinet COE-Rexecode, cela représente une baisse de la facture des importations énergétiques d’au moins 5 milliards d’euros en 2014. La France étant un pays importateur de pétrole, la baisse des cours du pétrole produit également une augmentation mécanique du revenu réel des ménages qui peut expliquer en partie la hausse de consommation des ménages de 0,8 % au premier trimestre 2015. La baisse des cours du pétrole permet enfin aux entreprises de réduire les coûts de production et d’abaisser leurs prix afin d’être plus compétitifs sur le marché national et international – entraînant une hausse de la demande intérieure.
Un autre facteur fondamental est la dépréciation de l’euro par rapport au dollar et le maintien de taux d’intérêt très faibles par la BCE. La dépréciation de l’euro entraîne une augmentation mécanique du coût des importations et favorise l’exportation des entreprises françaises tandis que les taux d’intérêt faibles incitent les acteurs du monde économique à investir, à dépenser et à emprunter auprès des institutions bancaires.
Mais si la croissance trimestrielle permet de constater l’évolution de l’économie d’un trimestre sur l’autre, il est plus intéressant de s’intéresser à la croissance en glissement annuel, qui calcule l’évolution de la croissance par rapport au même trimestre de l’année précédente. Cette mesure permet de voir le sens de l’évolution de la croissance de l’économie sur les douze derniers mois, qui correspond davantage à ce que ressentent les consommateurs dans la société. À cet égard, on constate un fort différentiel de croissance en glissement annuel entre la France et ses voisins allemands et britanniques. Le Royaume-Uni est en effet passé de 0,4 % au dernier trimestre 2012 à 3 % au dernier trimestre 2014 ; l’Allemagne est passée de 0,1 % au deuxième trimestre 2013 à 2,4 % au début 2014 pour retomber à 1 % au premier trimestre 2015 ; alors que la France a un taux de croissance en glissement annuel inférieur à celui de l’Allemagne et du Royaume-Uni depuis la fin 2013 et inférieur à celui du Royaume-Uni depuis fin 2011 !
On peut donc conclure que cette croissance temporaire de l’économie française sur le premier trimestre 2015 n’a rien d’un véritable signe de reprise économique. Cela signifie notamment que la conjoncture internationale, la baisse du cours du pétrole et de l’euro, et le maintien de taux d’intérêt faibles sont des facteurs concomitants qui ont favorisé un effet temporaire de rattrapage. Il est difficile d’y voir un quelconque signe de reprise durable tant que la France n’aura pas fait les réformes qui s’imposent pour adapter son modèle économique à la réalité de la mondialisation. Il faut surtout s’interroger sur ce qui se passera quand les cours du pétrole et des taux d’intérêt, qui déjà remontent sensiblement, retrouveront des niveaux élevés. Car le déficit public risque alors de remonter en flèche et la croissance de se retrouver en berne !
2 commentaires
croissance française
Si la baisse du pétrole, de l'euro et des taux d'intérêt justifie la croissance du dernier trimestre en France pourquoi ces facteurs favorables qui sont les mêmes pour l'Allemagne ne donnent pas les mêmes effets chez nos voisins ?
Croissance française
Bonjour,
Comme vous pouvez le constater sur les graphiques, il s'agit notamment d'un effet de rattrapage. La France n'a toujours pas rattrapé l'Allemagne et encore moins le Royaume-Uni en termes de croissance depuis la crise malgré un bon premier trimestre 2015. La France accumulait une croissance quasi-nulle trimestre après trimestre… Avec la baisse du pétrole, la baisse de l'euro et des taux d'intérêt faibles, les Français y ont vu un effet d'aubaine et ont consommé davantage parce qu'ils ont eu l'impression que leur revenu réel augmentait. Mais sans mettre en place les véritables réformes structurelles qui sont indispensables pour une reprise durable de la croissance, le gouvernement ne pourra pas toujours compter sur la conjoncture internationale.