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Attentats à la voiture-bélier en Allemagne, pourquoi une telle série ?

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Attentats à la voiture-bélier en Allemagne
Depuis bientôt dix ans, l’Allemagne est régulièrement endeuillée par des attaques à la voiture-bélier. Comment expliquer pareille récurrence et, surtout, pourquoi est-elle davantage touchée que ses voisins ? Si, sur le temps long, elle se place derrière la France dans le décompte des attaques subies sur son territoire, elle a en revanche connu une inquiétante prolifération de ces assauts au cours des derniers mois.

Chronologie d’une série noire

Le 19 décembre 2016, un camion-bélier s’est engouffré dans les allées du marché de Noël de Breitscheidplatz à Berlin, tuant 12 personnes et en blessant 56 autres. Depuis, le pays n’a cessé d’être frappé.

Octobre 2024, Magdebourg : 5 morts et 235 blessés.

Février 2025, Munich : 36 blessés.

Mars 2025, Mannheim: 2 morts et des dizaines de blessés.

La voiture-bélier étant le parfait archétype du « terrorisme à bas coût », nul besoin d’être experts ès explosifs : un véhicule suffit et l’attaque est aussi imprévisible qu’inarrêtable. Comme le souligne un policier allemand : « On ne peut pas barricader chaque coin de rue, la voiture reste une arme invisible jusqu’au dernier moment surtout que les SUV modernes décuplent les dégâts ». L’impact d’une scène qui sera forcément médiatisée à outrance renforce l’attrait du procédé pour des terroristes ou des désaxés en quête de notoriété. Les troubles psychiatriques, en plus de l’endoctrinement, jouent  souvent un rôle clé.  L’Etat islamique l’a parfaitement compris puisqu’il décida, juste après l’attentat de Nice qui fit 86 morts en 2016, de promouvoir ce mode opératoire en fournissant en ligne de petits tutoriels explicatifs aux apprentis agents du chaos.

Pourquoi l’Allemagne en particulier subit-elle une telle vague d’attentats ? Tentons d’analyser la situation en six points.

La fragmentation des services de renseignement

En premier lieu, la fragmentation des services de renseignement constitue un handicap majeur. Le pays dispose d’autant d’agences régionales que de Land (donc 16) toutes chapeautées par l’Office fédéral de protection de la Constitution (BfV) situé à Cologne. Cette décentralisation héritière de l’après-guerre était initialement conçue pour empêcher le retour d’un éventuel pouvoir central de nature autoritaire mais, en l’état, elle entraîne des lenteurs administratives et de très préjudiciables carences dans le partage des informations. L’attentat berlinois de 2016 en est une bonne illustration : l’assaillant Anis Amri était connu des autorités et c’est bien parce que les informations ont très mal circulé entre les Länder et le BfV que cet individu a pu passer entre les mailles du filet.

Les conséquences de la crise syrienne

L’Allemagne paie encore le reliquat de la crise migratoire de 2015 qui la vit ouvrir ses frontières à plus d’un million de réfugiés syriens. Cette générosité a, de fait, fragilisé le pays, les islamistes y voyant l’opportunité d’exploiter à leur profit cette brèche en Occident.

Des mosquées radicalisées

La radicalisation des mosquées est une autre plaie de l’Allemagne contemporaine. Trop longtemps, les prêches extrémistes ont pu prospérer au sein des grandes villes. À Cologne ou à Hambourg, des imams formés en Arabie Saoudite ont propagé et diffusé des discours de haine pendant près de deux décennies avant que le pouvoir central ne réagisse véritablement. Depuis 2020 toutefois, le BfV et la police ont intensifié les contrôles et n’hésitent maintenant plus à fermer les mosquées clairement affiliées aux réseaux djihadistes. Un peu tard : des années de laisser-faire ont permis aux graines de l’embrigadement de bien germer.

Des migrants mal intégrés

Si l’économie allemande repose très largement sur une main-d’œuvre immigrée devenue essentielle dans des secteurs clés tels ceux de la construction ou de la logistique, une partie des migrants ne parvient toujours pas à trouver sa place. Dans la petite ville de Duisbourg, le quartier Marxloh (également surnommé Little Istanbul) dispose d’infrastructures peinant à accueillir tout le monde. Résultat : les écoles sont débordées, les loyers atteignent des coûts exorbitants et le chômage y est particulièrement élevé (notamment parmi les jeunes d’origine turque ou arabe). En 2018, un rapport du gouvernement indiquait d’ailleurs que 20 % des enfants issus de l’immigration quittent l’école sans diplôme, devenant ainsi le vivier idéal pour des recruteurs à l’affut d’une jeunesse perdue.

Un urbanisme trop « ouvert »

Plus surprenant encore, les choix en termes d’urbanisme viennent aggraver cette potentielle vulnérabilité. Les larges zones piétonnes sont des cibles privilégiées pour des attaques à la voiture-bélier. À l’inverse de Paris qui a su multiplier les bollards anti-véhicules après les attentats de Nice, et de Londres qui n’a pas tardé à renforcer son « ring of steel » autour de la City, l’Allemagne – réticente à militariser ses espaces publics – a tardé à prendre les bonnes décisions. Même après l’attentat de 2016, on ne prit que des mesurettes : quelques blocs de béton disséminés ici et là mais trop peu de réalisations permanentes.

L’héritage allemand : le concept de Schuld

La culture politique allemande est, encore de nos jours, imprégnée du concept de Schuld (culpabilité) héritée de l’après-guerre. Par crainte de raviver le spectre du nazisme, les autorités ont trop souvent hésité à adopter des mesures qui auraient pu être perçues comme discriminatoires. Lorsque le BfV tenta en 2006 de surveiller plus étroitement les mosquées, de nombreuses associations crièrent à l’islamophobie, poussant le gouvernement à faire machine arrière et à laisser la situation pourrir. Cette excessive prudence fit que les réseaux prospèrent en toute impunité.

Espérons que les nouvelles mesures préventives et coercitives éviteront que de tels drames se reproduisent, ou du moins en réduiront les risques. Pour l’instant rien n’est moins sûr.

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