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Journal des Libertes
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VI Culture

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Les fondements des politiques culturelles sont fortement ancrés dans l’Histoire de la France. Telle qu’elle est pensée de nos jours, l’intervention de l’Etat dans ce domaine se justifie par la volonté d’apporter la culture à un très large public. Le poids économique de la culture dans le PIB a quasiment doublé depuis les années 60. Fin 2013, les activités culturelles représentaient 3,2% du PIB.

La Cour des comptes a formulé des recommandations sur six sujets différents que l’on peut considérer comme associés au domaine de la Culture :

– la transaction des Bons-Enfants ;
– les grands chantiers culturels ;
– les musées nationaux ;
– deux aménagements à vocation culturelle et de loisirs ;
– le domaine national de Chambord.

A. La transaction des Bons-Enfants

L’immeuble de la rue des Bons-Enfants abrite le ministère de la Culture et de la Communication. Les héritiers de l’architecte, maître d’ouvrage de ce bâtiment, ont estimé que la résille métallique apposée sur la façade portait atteinte à l’oeuvre de leur aïeul. Ils se sont dits prêts à -entrer en contentieux. Pour éviter de se mettre en fâcheuse situation, le Ministre a finalement décidé en 2007 de verser 300 mille- euros aux trois petits-fils de l’architecte, afin que ceux-ci renoncent à toute action en justice.

Le problème que relève la Cour des comptes est que l’Etat a contracté une dette qui n’existait pas. Par ailleurs, la Loi exige un passage préalable devant un juge, pour que ce type de décision soit pris, qui concerne un problème de droit.

Selon toute apparence, le Ministère a préféré résoudre le problème par un petit arrangement en toute discrétion… Le Ministre devrait examiner les voies de droit susceptibles d’aboutir à l’annulation et au recouvrement de la somme que l’Etat n’aurait pas dû débourser. C’était une décision prise dans la précipitation : l’Etat n’avait pas à reconnaître des préjudices non avérés, et à monnayer par avance l’issue du contentieux dont certains le menaçaient. Sinon ce serait la porte ouverte à toutes les dérives et tous les abus !

Recommandations Suivies
Cette affaire pourrait inciter le ministre de la Culture à clarifier l’étendue du droit moral en matière architecturale, en précisant par exemple que celui-ci ne s’attacherait qu’aux éléments spécifiques en matière d’esthétique, d’histoire ou de technique. Non
Mieux articuler l’exigence de protection des oeuvres de l’esprit ,ainsi que la transformation des bâtiments, afin d’éviter qu’un usage habile du droit d’auteur ne vienne empêcher ou tarir les évolutions liées au passage du temps. Non

Dans sa réponse au rapport, le Ministre a très clairement expliqué qu’il n’y avait pas lieu de clarifier l’étendue du droit moral en matière architecturale, ni de mieux articuler l’exigence de protection des oeuvres de l’esprit et de la transformation des bâtiments.

B. Les grands chantiers culturels

A la suite d’une étude portant sur 35 opérations de travaux, la Cour des comptes a constaté – deux problèmes récurrents – :

– dépassement des délais ;
– écarts importants des coûts entre la prévision et la réalité.

Recommandations Suivies
Simplifier : il y a trop d’acteurs au ministère de la Culture qui oeuvrent à la gestion des projets immobiliers. Même si cela reste abondant et complexe, il y a eu- une clarification et une simplification.
Remédier à l’insuffisance de coopération entre les services chargés de la programmation et ceux du suivi des travaux. Lancement du système d’information interministériel «Chorus» pour la programmation et le suivi des travaux.
Remédier à l’absence d’indicateurs de résultats pour un suivi dans le temps. Programmes pluriannuels des projets, avec la mise en place peu à peu d’indicateurs de résultats et de moyens communs.

Les recommandations suivantes portent sur la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’oeuvre.

Recommandations Suivies
Simplifier : il y a une complication liée à l’existence de deux opérateurs spécialisés, EMOC et SNT, qui, de plus, jouissent de leur autonomie dans la réalisation des travaux. Fusion des deux pour donner naissance à l’OPPIC[[Opérateur du Patrimoine et des Projets immobiliers de la Culture (Etablissement public administratif]].
décret du 14 juillet 2010.
Remédier au non respect des règles de la concurrence européenne avec les ACMH[[Architecte en Chef des Monuments Historiques.]] en situation de quasi monopole.
Etant donné que l’Etat n’assume plus la maîtrise de l’oeuvre sur l’ensemble des monuments historiques, les ACMH devraient bénéficier d’un monopole seulement sur les monuments pour lesquels l’Etat a conservé ses prérogatives.
Oui.
Décret 22 juin 2009.

C. Les musées nationaux

Recommandations Suivies
Volet Emplois :
non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, au moins.
Non.
C’était prévu mais rien n’a été fait à la suite d’une grève.
L’expérimentation de la gratuité dans les musées n’a pas été probante :
Réorienter les crédits destinés à la compensation des mesures de gratuité vers le financement d’initiatives innovantes.
Non

Concernant les initiatives innovantes, l’actuel ministre de la Culture et de la Communication a fait des propositions allant dans ce sens, notamment avec l’art au travail. Il s’agirait de faire venir le musée sur le lieu de travail par le biais d’expositions, notamment dans les usines. Certaines personnes, encore vivantes, peuvent nous rappeler que ce type de mesure était également en usage dans les Etats satellites de la défunte URSS…

Recommandations Suivies
Harmoniser le moyen de comptage des visiteurs. Non
Fixer des objectifs économiques précis. Non
Volet mécénat :
élaborer «une charte éthique du mécénat des musées nationaux» à l’image du Louvre.
Non

D. Deux aménagements à vocation culturelle et de loisirs

La croissance de la demande de produits touristiques à dimension culturelle, ou de loisirs, a été rapide. Le nombre de visiteurs des seuls parcs de loisirs est ainsi passé de 1 million en 1987 à 34 millions en 2002. Cet attrait a conduit certaines collectivités territoriales à s’impliquer dans un secteur, dont elles attendent des retombées économiques et des effets en termes d’image et de tourisme. C’est ainsi que certaines collectivités locales se sont engagées dans la mise en oeuvre de ces types de projet, souvent avec l’aide de l’Etat incluant des financements importants, dans la perspective de retombées économiques et sociales. Mais l’équilibre financier de ces équipements repose avant tout sur les ressources issues de leur fréquentation, celle-ci devenant aléatoire dans un marché très concurrentiel.

Deux exemples ont été examinés :

– Cap’Découverte
– le site du Pont du Gard[[Statut du Pont du Gard : établissement public de coopération culturelle]]

Bien que les difficultés rencontrées soient différentes d’un cas à un autre, elles ont conduit la Cour des comptes à attirer l’attention sur les risques financiers, ou juridiques, que peut impliquer ce type d’intervention pour les collectivités concernées.

Cap’Découverte
Recommandations Suivies
Procéder à la fusion des deux syndicats :
– Syndicat mixte d’aménagement ( SMAD )
– Syndicat intercommunal de la découverte.
Non.
Même si ses attributions sont désormais réduites, le Syndicat de la découverte existe toujours en soi.
Maîtriser les charges d’exploitation. Non
2007 : 3,5 M€
2012 : 5,41M€
Ainsi, pour un montant de recettes de fonctionnement inférieur à 1M€ (0,81 M€ en 2012), le déficit de fonctionnement à couvrir par les collectivités s’élève à 4,6 M€ en 2012.
En 2007, la Cour des comptes a émis l’avis à la lumière d’un bilan socio-économique de la poursuite de l’activité, que l’hypothèse d’une fermeture totale ou partielle ne pouvait pas être écartée. Non.
Il n’y a eu aucune réduction d’activité commerciale (ex : tyrolienne, téléski nautique, pistes de descentes), afin de diminuer les coûts d’exploitation et, par voie de conséquence, le montant du déficit.
Le Pont du Gard
Recommandations Suivies
C’est un site d’une portée universelle : l’opération souligne l’évidence des difficultés, éprouvées par la collectivité territoriale, pour définir, faire réaliser et gérer un tel programme.
Au-delà des circonstances ayant entouré- la définition des réalisations et le choix des acteurs, l’exemple de l’aménagement du site du Pont du Gard, monument appartenant à l’Etat, illustre les limites de l’implication d’un acteur local, le département, dans une opération d’aménagement ; dont l’impact dépasse très largement le cadre territorial et dont l’équilibre financier repose sur des prévisions de recettes incertaines.
Ne pas laisser le déficit à la charge de la collectivité, car ce programme est trop important.
Non
Ce sont toujours les collectivités qui s’en occupent et qui ont la charge du déficit. Pourtant les dirigeants de la Chambre de commerce et d’ industrie de Nîmes, en 2002, avaient proposé- «la meilleure façon de s’inscrire dans l’avenir, c’est de faire entrer de nouveaux partenaires capables d’augmenter la fréquentation», ou alors de privatiser – en partie.
12 ans plus tard, cela ne s’est pas fait, la gestion est toujours 100?% publique, le déficit est toujours là (6M€) supporté par les collectivités réunies pour la gestion au sein d’un EPCI. En 2011, Georges Frêche avait même indiqué que selon lui, le Pont serait mieux géré par le privé.
Pour information : en mi 2013, 80% des communes gardoises ont signé une convention de partenariat proposée par l’Etablissement public du Pont du Gard. Elles pourront faire bénéficier leurs concitoyens de la gratuité d’accès au site pendant 1 an renouvelable. Cela comprend le libre accès au site du Pont du Gard et à tous les espaces de découvertes du site. Elle permet également de bénéficier de 20% de réduction sur les billets de tous les spectacles et les activités culturelles.
Cette formule est compréhensible, mais peu utile en matière de défi.

E. Le domaine national de Chambord

Le château de Chambord, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, date de 1519, et a été classé monument historique en 1840. Le domaine national de Chambord comprend le château et la forêt domaniale environnante de 5 315 hectares.

Devenu un EPCI en 2004, le domaine présente une situation financière saine, mais il faut reconnaître qu’il existe des défauts dans son fonctionnement.

Recommandations Suivies
Assurer un meilleur équilibre entre le respect des contraintes de la chasse et la nécessité d’ouvrir la forêt le plus largement possible au public. Non
Définir à l’intérieur du domaine de Chambord des limites précises entre le domaine public et le domaine privé. Non
Clarifier les relations entre la commune et l’Etablissement sur la base d’une convention de longue durée. Non.
Mais c’est en débat actuellement. Certains parlementaires pensent même que la commune de Chambord devrait disparaître et fusionner avec une commune voisine.
Pourtant le Sénat avait voté une clarification sur ce sujet, qui n’a pas été suivie d’effet à l’Assemblée nationale.

Conclusion

De tous les éléments abordés par la Cour des comptes, seules les recommandations portant sur les grands chantiers culturels ont connu un suivi positif. – Les cinq autres sujets n’ont connu aucun suivi : ils sont à 0% !

La Cour doit être habituée à ce défaut d’écoute quant à ses recommandations en matière culturelle.

Au début de l’année 2014, la France a eu à subir les manifestations des intermittents du spectacle ; celles-ci coïncidant – toujours avec le renouvellement de signature de convention avec l’Unédic*2. Il est vrai qu’en ce début d’année, le taux de cotisation pour l’assurance chômage a été relevé.

En 2003, en 2009 et en 2013, la Cour avait émis les mêmes recommandations, jamais suivies, au sujet du statut des intermittents du spectacle, notamment en vue de résoudre :

1. le creusement du déficit, dû à diverses raisons notamment à un accroissement du nombre d’intermittents indemnisés (41 000 en 1991 et 107 000 en 2010 !). Le déficit du régime représente maintenant 31% du déficit total de l’assurance chômage, alors que les intermittents du spectacle ne représentent qu’à peine 4% des demandeurs d’emplois !!

2. le défaut de lutte contre la fraude, notamment dû à un manque de transparence.

De plus, l’allocation dans ce système semble prendre la forme d’un complément de salaire avec le CDD d’usage ; les employeurs reportent donc une partie du salaire sur le poids de l’Unédic ; l’audiovisuel public, en tant qu’employeur, est également concerné.

En matière de culture, les dossiers s’accumulent et les recommandations non suivies de la Cour des comptes s’empilent année après année.

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