Une récente note de l’Insee consacrée aux multinationales françaises montre quelles réalisent plus de la moitié de leur chiffre d’affaires à l’étranger. Constatant que l’herbe est plus verte ailleurs, elles pourraient être tentées de quitter la France. Le Gouvernement devrait les choyer plutôt que de les vilipender.
L’Insee dresse un portrait des multinationales françaises dans une note récente. Par firme multinationale française, l’institut désigne un groupe de sociétés (hors services non marchands et filiales bancaires) dont le centre de décision est situé en France et qui contrôle au moins une filiale à l’étranger.
Les multinationales françaises réalisent plus de la moitié de leur chiffre d’affaires à l’étranger
En 2021 (année sur laquelle porte la note), elles contrôlaient 51 000 filiales dans plus de 190 pays. Ces filiales employaient 6,9 millions de salariés, ce qui représentait 56 % des effectifs des firmes dont elles font partie. Elles réalisaient un peu plus de la moitié (52 %) du chiffre d’affaires consolidé total des firmes multinationales françaises, ce qui représentait 1 566 milliards d’euros (Md€) de chiffre d’affaires annuel consolidé. Précisons qu’il s’agit du chiffre d’affaires généré par les filiales présentes à l’étranger et non pas des ventes réalisées par la firme multinationale à l’étranger.
Le document nous apprend, par ailleurs, que les grandes firmes (celles qui emploient au moins 5 000 personnes en France ou réalisent un chiffre d’affaires annuel consolidé sur le territoire national supérieur à 1,5 Md€) regroupent 43 % des filiales à l’étranger, emploient 76 % des effectifs et réalisent 83 % du chiffre d’affaires consolidé total.
Si l’Insee précise que les autres multinationales – de taille intermédiaire et de taille petite ou moyenne– réalisent la majorité de leur chiffre d’affaires en France, il n’indique pas le pourcentage exact du chiffre d’affaires réalisé à l’étranger pour chacune des catégories d’entreprises. Nous ne savons pas non plus quel est le nombre de ces multinationales. Deux informations pourtant essentielles pour bien appréhender le sujet !
La note de l’Insee datée du 13 décembre 2019, qui traite des données de 2017, était à cet égard plus complète. Nous savions alors que notre pays comptait 4 600 multinationales, dont 160 grandes firmes et 1 510 entreprises de taille intermédiaire (ETI). Les 3 230 restantes étaient donc des sociétés dites de taille petite ou moyenne (c’est-à-dire employant moins de 250 personnes en France et réalisant un chiffre d’affaires annuel consolidé sur le territoire national inférieur à 50 millions d’euros).
Il faut se tourner vers le cabinet de conseil EY et son « Profil financier du CAC 40 » pour apprendre que l’activité internationale des entreprises composant l’indice phare de la bourse de Paris a représenté, en 2022, plus de 78 % de leur chiffre d’affaires. Certes, le chiffre ne porte que sur 40 entreprises et il ne mesure pas la même chose, mais il permet de comprendre que nos grandes entreprises n’ont besoin que marginalement de la France pour faire des affaires.
Les multinationales françaises sont surtout présentes en Europe
La note de l’Insee nous apprend également que les filiales des multinationales françaises sont, contrairement à ce que l’on croit souvent, essentiellement implantées dans les pays développés. Les trois premiers pays d’implantation, qui regroupent un quart des filiales, sont les Etats-Unis (10,2 % avec 5 200 filiales), l’Allemagne (8 % avec 4 100 filiales) et le Royaume-Uni (7,3 % avec 3 700 filiales). La Chine occupe la cinquième place avec 5,5 % des filiales. Le top 10 – dans lequel figurent, outre les quatre pays déjà cités, l’Espagne, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas, la Suisse et le Canada – abrite 54,3 % des filiales. Plus de la moitié des filiales sont implantées en Europe.
En termes d’effectifs, le classement est quelque peu différent, même si les Etats-Unis restent à la première place avec 10,9 % (et 754 000 salariés). Dans le top 10, nous voyons, en effet, apparaître des pays où le coût de la main d’œuvre est réputé bas : l’Inde (7,5 % des effectifs, soit 520 000 personnes), le Brésil (7,5 %), la Pologne (3,4 %) et la Russie (2,8 %, mais c’était avant la guerre en Ukraine et l’embargo).
C’est sans doute ce qui explique que le coût salarial par tête dans les filiales implantées à l’étranger est en moyenne de 38 900 euros par an, contre 63 300 euros pour les établissements implantés en France.
Enfin, en ce qui concerne le chiffre d’affaires, les Etats-Unis occupent encore la tête du classement avec 325 Md€ générés, soit 20,8 % du total. Ils sont suivis par l’Allemagne (8,8 % et 135 Md€), le Royaume-Uni (6,8 % et 107 Md€), l’Italie (6,4 % et 101 Md€), la Chine (6,1 % et 96 MD€). Les 10 premiers pays – dans lesquels figurent aussi l’Espagne, la Belgique, la Suisse, le Brésil et les Pays-Bas – génèrent 68 % du chiffre d’affaires. Les filiales implantées dans l’UE ne produisent que 36,5 % du chiffre d’affaires à l’étranger des multinationales françaises (soit 572 Md€).
On remarquera, en rapprochant les différentes données, que le meilleur « rendement » est réalisé par les filiales américaines qui, avec moins de 11 % des effectifs, génèrent presque 21 % du chiffre d’affaires de l’ensemble des implantations françaises à l’étranger.
Où sont réalisés les bénéfices ?
En ce qui concerne les profits, la note de l’Insee est muette. C’est regrettable car nous aurions pu ainsi apprécier si les multinationales françaises gagnent autant d’argent qu’on le dit dans les pays à bas coûts.
Néanmoins, nous pouvons nous référer à une étude de la Banque de France sur la contribution des investissements directs à l’étranger des groupes du CAC 40. Même si elle date de 2013 et qu’elle porte sur la période 2005-2011, elle est riche d’enseignements. Elle révèle, en effet, qu’en 2011, 60 % des résultats nets des groupes du CAC 40 étaient réalisés à l’étranger (alors que la proportion était d’environ 50 % en 2005). Douze groupes réalisaient même plus de 75 % de leurs profits à l’étranger (contre 10 en 2005).
Plusieurs raisons expliquent cette hausse selon la Banque de France : bien sûr, l’augmentation des investissements à l’étranger ; probablement, une recherche d’optimisation fiscale qui a pu conduire certains groupes à enregistrer une part croissante de leurs profits dans des pays à fiscalité avantageuse ; et, raison la plus inquiétante, l’écart de compétitivité croissant entre la France et le reste du monde. Cet écart s’étant encore agrandi depuis 2011, il est ainsi probable que la part des bénéfices réalisés à l’étranger par les grands groupes français ait aussi augmenté. Si Total Énergies est accusé de ne payer que peu d’impôts en France (à peine 2 Md€ sur les 30 Md€ d’impôts et taxes acquittés au total), c’est bien parce que le groupe réalise la quasi-totalité de ses bénéfices à l’étranger
Même si investir et produire à l’étranger rapporte plus qu’en France, ces multinationales restent françaises. Cependant, le risque qu’elles transfèrent un jour leur centre de décision hors de France n’est pas nul. C’est pourquoi, le Gouvernement devrait les choyer. Au lieu de cela, il préfère les vilipender.
Dernièrement, Bruno Le Maire, le ministre des Finances, ne s’en est-il pas pris aux grands industriels de l’agroalimentaire qui font « des marges indues » ? Il y a un an, le Président Macron ne montrait-il pas du doigt Total Énergies qui fait des « profits importants », distribue « beaucoup d’argent » aux actionnaires mais traîne des pieds pour ouvrir des négociations sur les salaires ? Le Gouvernement n’a-t-il pas cherché à taxer les « superprofits » de l’armateur CMA-CGM ou les raffineries de Total Énergies ?
Attirer à Paris les banques londoniennes ou le siège de la FIFA avec un régime de faveur est une chose, comme subventionner les usines de batteries (1,5 Md€ pour ProLogium à Dunkerque). Il ne faudrait pas oublier nos pépites nationales. Rappelons-nous des déconvenues récentes de Bridor en Bretagne ou du groupe Duc en Bourgogne. Ces entreprises ne demandent pas l’aumône, mais simplement de pouvoir investir aussi en France et y gagner de l’argent !
4 commentaires
Que voulez vous faire avec des socialistes au pouvoir qui ne pensent qu’à dépenser l’argent qu’ils n’ont pas ? …
Pour comprendre , lisez » Les 12 clés de la stratégie » , de Xavier FONTANET , ou comment ESSILOR est devenu le numéro 9 du CAC 40 : https://investir.lesechos.fr/cours/actions/cac-40/palmares-capitalisation
Voulez-vous en faire autant ? Fondez votre entreprise sur un campus universitaire , depuis 1321 , ça fonctionne .
L’absence d’attention bienveillante envers les grandes multinationales que l’État français illustre bien le comportement général d’un peuple qui n’aime pas ceux qui réussissent.
D’une part, nos dirigeants légifèrent sans relâche afin de multiplier et complexifier la règlementation, qui de facto alimente les trop nombreux salariés de la fonction publique dans des tâches qui ne devraient pas lui être dévolues.
D’autre part, leurs décisions orientent le marché des entreprises du secteur privé vers une dépendance économique de l’État avec des aides et subventions, aux montants dépassant plusieurs milliards d’euros annuels, lesquelles sont destinées aux coûts de fonctionnement parfois essentielles à leurs survie telles que celles dont la presse écrite bénéficie. Mais les médias audios et visuels ne sont pas délaissés, les innombrables spots initiés par des ministères publics ou des entités sous son contrôle. En conséquence, cela atténue la vivacité commerciale des bénéficiaires, lesquels engrangent des recettes publicitaires sans effort.
Cette tendance appliquée doucement mais avec détermination de façon presque linéaire, pourrait viser une orientation vers un régime d’économie planifiée et non plus libérale. L’État se comporte comme un acteur économique incontournable, alors que les fonctions régaliennes telles que définies par l’article 3 de la constitution de 1958 ne sont plus assurées de façon satisfaisante.
L’omniprésence de État actuel peu libéral, tentaculaire et obsolète illustre bien une nouvelle orientation politique dont on veut taire le nom.
L’absence d’attention bienveillante envers les grandes multinationales que l’État français montre à leur encontre illustre bien le comportement général d’un peuple qui n’aime pas ceux qui réussissent.
D’une part, nos dirigeants légifèrent sans relâche afin de multiplier et complexifier la règlementation, qui de facto alimente les beaucoup trop nombreux salariés de la fonction publique dans des tâches qui ne devraient pas lui être dévolues.
D’autre part, leurs décisions orientent le marché des entreprises du secteur privé vers une dépendance économique de l’État avec des aides et subventions, aux montants dépassant plusieurs milliards d’euros annuels, lesquelles sont destinées à soulager les coûts de fonctionnement, parfois essentielles à leurs survie telles que celles dont la presse écrite bénéficie. Mais les médias audios et visuels ne sont pas délaissés, les innombrables spots initiés par des ministères publics ou des entités sous son contrôle. En conséquence, cela atténue la vivacité commerciale des bénéficiaires, lesquels engrangent des recettes publicitaires sans effort.
Cette tendance appliquée doucement mais avec détermination de façon presque linéaire, pourrait viser une orientation vers un régime d’économie planifiée et non plus libérale. L’État se comporte comme un acteur économique incontournable, alors que les fonctions régaliennes telles que définies par l’article 3 de la constitution de 1958 ne sont plus assurées de façon satisfaisante.
L’omniprésence de État actuel peu libéral, tentaculaire et obsolète illustre bien une nouvelle orientation politique dont on veut taire le nom.