L’article de Nicolas Lecaussin a été publié par le Wall Street Journal dans son édition du 2 septembre avec le titre France’s Worst Enemy . Vous pouvez lire plus bas les deux versions de l’article, en anglais et en français.
Au début de la crise économique de 2008, le gouvernement nous avait assuré que notre modèle social allait nous protéger et qu’elle serait ressentie beaucoup moins fortement que dans les autres pays. On ne peut pas dire que la France ait vraiment été protégée par son modèle social. Le taux de chômage n’a cessé d’augmenter, même plus fortement que dans d’autres pays comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne. L’activité économique a atteint le fond alors qu’ailleurs – au Canada, en Suède, aux Pays-Bas – on a connu des taux de croissance positifs même en pleine crise. Même l’Allemagne s’en est mieux sorti que la France avec des excellents chiffres pour son commerce extérieur.
Il semblerait que pour ce qui est de l’après-crise, le modèle français ne nous apporte pas beaucoup de bonnes nouvelles. Les dernières prévisions de croissance pour 2010 placent la France derrière les Etats-Unis et la plupart des pays européens. Au deuxième trimestre, le PIB français a augmenté moins que celui de la zone euro : 0.6 % contre 1.0 %. En Allemagne, la hausse du PIB a été de 2.2 % sur la même période et on prévoit plus de 3 % (voire 3.5 %) en 2010 contre 1.4 % en France. Pareil pour les Etats-Unis et la Grande-Bretagne où l’on s’attend à plus de 3 % de croissance économique à la fin de l’année. Avant, pendant ou après la crise, le modèle social français tant vanté par les politiques n’a pas été d’un grand secours à l’économie français. Au contraire, il est même devenu l’obstacle principal aux réformes économiques à faire dans ce pays. Les politiques français ont raison : le modèle social français nous protège. Mais pas de la crise. Il nous protège de la croissance économique.
De même, on oublie trop vite le passé glorieux de ce modèle social. Depuis la fin des années 1970, le pays s’est installé dans le chômage de masse à plus de 10 % et plus de 21 % pour les jeunes. L’insécurité dans les banlieues n’a cessé de croître, l’éducation nationale a sorti de ses rangs des centaines de milliers de jeunes sans diplôme et condamné au chômage de longue durée. Pendant ces 25 dernières années, le phénomène des jeunes diplômés partis à l’étranger n’a cessé de croître ainsi que celui des riches qui voulaient échapper à l’Etat rapace. Le modèle français qui se veut « solidaire » est aussi celui des 15 000 morts provoqués par la canicule de l’été 2003 et abandonnés par les services publics, ainsi que celui des syndicats, défenseurs de leurs privilèges et non pas des travailleurs.
Enfin, le modèle social français est surtout celui des inégalités entre le public et le privé, entre ceux qui ont emploi protégé à vie et ceux qui se retrouvent sur le marché du travail. Il est paradoxal – voire grotesque – de parler d’égalité et de solidarité dans un pays où plus de 6 millions de personnes vivent grâce à l’argent public et s’opposent à toute réforme de l’Etat. Salaires, retraites, vacances, le secteur public est nettement mieux loti que le privé. On peut se demander où est la fameuse égalité à la française ?
Pire encore, la France, tout en battant le record des prélèvements obligatoires, redistribue moins que la plupart des autres membres de l’OCDE, les impôts affectent les Français, les jeunes sont « plombés » par la TVA et les impôts locaux, tandis que les niches profitent aux riches et l’ISF pénalise les classes moyennes. L’Etat français confisque plus de la moitié des richesses créées par les Français et en redistribue moins que les Américains qui ne prélève que 30%. Les écarts entre les riches et les pauvres se réduisent de 35 % en France et de 42 % aux USA. Où va l’argent ? La réponse tient au fait que le modèle français est devenu un énorme fromage. Il a engendré une énorme bureaucratie, plus d’1 million de fonctionnaires en profitent, les politiques s’en servent à des fins électoralistes et les syndicats le brandissent comme le modèle à suivre.
Il n’y a que les hauts fonctionnaires énarques pour ne pas comprendre que l’impôt sur le revenu et les prélèvements obligatoires sont inefficaces et que ce n’est sûrement pas en augmentant le taux d’imposition qu’on fera baisser les déficits publics. Qui plus est, faute de contrôle, les allocations distribuées ne vont pas toutes aux pauvres et sont largement grignoté par des armées de fonctionnaires « en charge de la redistribution ». On a assisté d’ailleurs à l’apparition d’une véritable caste qui profite de l’Etat providence.
D’après Le Petit Robert, le « modèle » est un mot associé à un autre mot qui est celui de « copier ». Or, dans le cas du modèle social français on peut dire que c’est le modèle que tout le monde nous envie mais que personne ne copie !
Version anglaise
When the economic crisis struck in 2008, the French government assured its citizens that our social model would protect and cushion us; that we would not be hit nearly as hard as other countries in the downturn.
Two years later, one can hardly claim that France has been shielded by its social model. Unemployment has risen constantly, even more strongly than for our peers such as the U.K. and Germany. Even Germany has emerged better off than France, with its excellent export figures.
It would seem that, again, in the post-crisis period, the French model does not bring us good news. The 0.6% increase in France’s GDP for the second quarter falls well short of the 2. 2% registered for Germany, which is expected to grow more than 3% (and as high as 3.5%) this year, against a 1.4% forecast for France. Similarly, the U.S. and the U.K. are expecting growth of more than 2.4% this year.
As always, we’re told that next year will be better. Paris predicts that it will enjoy growth of 2% in 2011, which would be some reversal of fortune given that next year the euro zone is only set to grow 1.4%. As this newspaper reported on Monday, Natixis economist Jean-Christophe Caffet highlighted this wishful forecasting with his prediction that the French economy will grow only 1% next year, after factoring in France’s spending cuts and weakening exports.
So it turns out that before, during, and after the crisis, the French social model so highly vaunted by our political leaders has been of no great help for the French economy. On the contrary, it has become the major obstacle to long overdue economic reforms. French leaders are right: The French social model does protect us. But not from the crisis—it protects us from economic growth.
The glorious past of this social model has been forgotten too quickly. Since the end of the 1970s, France has been bogged down in double-digit unemployment—more than 10% for adult workers and 21% for young job-seekers. Angst in the suburbs has increased without pause, and the national education system has sent hundreds of thousands of young people into the world without degrees, condemned to long-term unemployment.
Over the past 25 years, the number of young, qualified graduates fleeing France to find jobs abroad has continued to grow, while the wealthy continue to seek foreign shelter from the rapacious state. In France, where our supposed social model of “solidarity” functions so beautifully, we had 15,000 citizens die during the heat wave in the summer of 2003, abandoned by public social services and labor unions that work only to defend their privileges rather than their workers.
The French social model is above all a model of inequality between the public and the private, between those who enjoy lifetime employment and those who have to fend for themselves in the labor market. It is paradoxical, if not grotesque, to speak of equality and solidarity in a country where more than six million people live on public money and oppose every attempt at reforming the state. When it comes to salaries, retirement, or vacation, the public sector is clearly better off than the private. Remind me again, where is France’s famed equality?
Worse still, France breaks all records for withholding taxes, but it redistributes less of this money than most members of the OECD. Paris confiscates more than half the wealth created by French people, and redistributes less than the U.S., which only collects about 30% of its citizens’ riches. Where does the money go? The answer is that the French “model” has become a huge cheese: It has engendered an enormous bureaucracy, profiting more than one million civil servants. Politicians exploit it for electoral purposes and the unions hold it up as the model to follow.
It seems that the upper-most echelons of France’s bureaucratic elite are the only ones who can’t understand that income taxes and withholding taxes are counterproductive to growth, and that raising them will do nothing but harm efforts to reduce the public deficit. Meanwhile, thanks to laughable control mechanisms, much of the citizens’ welfare contributions never wind up reaching the poor, but instead are eaten up by armies of bureaucrats who are entrusted with “redistributing” my nation’s wealth. We have not created an equal, just, and brotherly society, but rather assisted in the rise of a caste that profits from the largesse of the providential state and the unlucky masses who are forced to pay into it.
The Petit Robert dictionary associates the word “model” with another word, which is “to copy.” Well, as far as the French social model is concerned, one could say that it’s the model that the whole word envies but that no one would ever copy.