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Entre logement social et aide personnelle au logement, il faudra choisir !

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Dans son rapport annuel de l’année dernière, avant la crise sanitaire donc, la Cour des comptes, soulignait que les modes de distribution des différentes aides au logement n’avaient pas changé depuis 2013, date de la publication de son rapport sur la question qui avait à l’époque retenu toute notre attention. Depuis, les différents ajustements adoptés ne règlent aucun des problèmes de fond soulevés par un système de distribution des deniers publics que notre pays ne peut plus soutenir.

L’aide personnelle au logement est constituée de trois prestations distinctes : l’allocation de logement à caractère familial (ALF), créée en 1948 et attribuée aux personnes isolées ainsi qu’aux couples et jeunes ménages ayant des personnes à charge ; l’allocation de logement à caractère social (ALS), créée en 1971 afin de venir en aide aux personnes à revenus modestes autres que les familles ; enfin, l’aide personnalisée au logement (APL), créée en 1977 et versée aux occupants de logements conventionnés, soit au titre de l’accession sociale à la propriété, soit dans le secteur locatif, parc social inclus.

Coût et bénéficiaires de l’aide au logement

En 2019, le total des aides au logement, c’est-à-dire l’ensemble des avantages financiers (versements ou réductions de dépenses) accordés aux consommateurs ou producteurs de service de logement, s’élevait à 38,5 Mds€, en repli par rapport à 2017 (- 4,5 Mds€) et 2013 (-2,2 Mds€).

6,53 millions de Français sont bénéficiaires des aides individuelles au logement (un chiffre stable depuis 2013), dont 8% de propriétaires accédant, 39 % de locataires du parc privé et 49% de locataires du parc social.

Le montant moyen mensuel par foyer est de 316€ pour l’ALF, 189 pour l’ALS et 220 pour l’APL. Le coût total de ces dispositifs est de 16,990 Mds€ financés à 82,5% directement par l’État [[Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2021, mission cohésion des territoires, p.60]] via le Fonds national d’aide au logement (FNAL). Les aides personnelles au logement représentent donc près de 44% de l’effort national en faveur du logement, en légère baisse depuis 2013, de 1,9 à 1,59% du PIB. Depuis 1985, date à laquelle il avoisinait les 2 Mds€, ce chiffre a littéralement explosé, se stabilisant aux alentours des 16 Mds€ en 2012, comme le montre le graphique suivant [[Les aides personnelles au logement, Cour des comptes, juillet 2015, p.34]] :

aides_logement.png

Au niveau des pays de l’OCDE, si l’on excepte le Royaume-Uni, la France est le seul pays à dépenser autant en aides directes au logement (0,73% du PIB) et avec une part de logements sociaux aussi élevée (14% du total des habitations). En comparaison, si l’Allemagne dépense autant en aides au logement (0,73% du PIB), elle compte en revanche beaucoup moins de logements sociaux (3% du total).

Impact et réformes des aides personnelles au logement

Le taux d’effort net moyen des ménages en matière de logement (défini par la part des dépenses effectives dans le revenu après intégration des aides et y compris les propriétaires dont le taux d’effort est moins important) s’élève en 2015 à 19,3% au total, à 29,2% pour les locataires du secteur privé et à 25,2 % pour les locataires de logement sociaux [[Comme l’indique l’INSEE, le taux d’effort net plus réduit des propriétaires tire le taux moyen vers le bas.]]. Par comparaison, en 2013, le taux d’effort brut (aides publiques non-incluses) s’établissait à 24% pour l’ensemble des ménages et à 18% pour ceux du parc social.

Les trois quarts des destinataires des aides personnelles au logement font partie, sans surprise, des trois premiers déciles de revenus. En 2013, la Cour des comptes estimait le niveau de revenu à partir duquel une personne seule ne bénéficie plus de l’aide au logement à 0,4 SMIC [[Ibid., p.29.]].

On peut remarquer que l’aide au logement, couplée à d’autres prestations sociales, entraîne un effet dissuasif envers le travail. Ainsi, un individu avec 560€ de revenus d’activité et un loyer de 400€ mensuel, touchera 235€ de RSA et 68€ d’aide au logement. Il lui restera donc 463€ (58,3%) après loyer. Un autre, complètement inactif, touchera 790€ de RSA et 184€ d’aide au logement. Il lui restera 574€ après paiement du loyer (72,7%) [[Chiffres de 2013]].

La croissance continue des dépenses d’aides au logement a, semble-il aussi, soutenu l’inflation : entre 1990 et 2005, sur chaque euro supplémentaire d’allocation, 78 centimes sont allés aux propriétaires et seulement 22 centimes aux locataires [[Gabrielle Fack, « Pourquoi les ménages à bas revenus paient-ils des loyers de plus en plus élevés ? L’incidence des aides au logement en France (1973-2002) », Économie et statistique, n°381-382 – 2005.]]. Selon une autre étude [[Céline Grislain-Letrémy et Corentin Trévien, « L’impact des aides au logement sur le secteur locatif privé » – INSEE Analyses – novembre 2014.]], l’écart du montant de l’aide entre zones géographiques entraîne un écart de loyer de même niveau, suggérant une capture totale de celle-ci par les bailleurs.

Conscient des effets pervers récurrents de l’aide au logement et de la difficulté de la maintenir en l’état, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures : négociation avec les bailleurs sociaux d’une réduction de loyer de solidarité (RLS) pour les locataires du parc social (accompagnée d’une baisse équivalente des APL égale à 98% de la réduction et générant une économie de 1,3 Mds€), introduction d’un nouveau calcul de l’aide sur les douze derniers mois et non plus sur les deux années précédentes [[Depuis le mois de mars, l’aide au logement est calculé sur les revenus des douze derniers mois, avec une réactualisation tous les trois mois et plus sur ceux des deux dernières années.]] et mise en place d’un barème de partage de l’aide au logement des ex-conjoints en cas de résidence alternée des enfants.

Ces ajustements ont globalement permis de freiner la crue des dépenses d’aides personnelles au logement mais n’ont eu que peu de portée. Ils ne règlent aucun des problèmes de fond soulevés par un système de distribution des deniers publics que notre pays ne peut plus soutenir, sauf à rester dans une spirale d’endettement qu’aucun gouvernement ne semble décidé à juguler. Entre logement social et aide personnelle au logement, il faudra choisir.

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3 commentaires

STHENEUR Eric 3 juin 2021 - 8:44

Entre logement social et aide personnelle au logement, il faudra choisir !

Excellent votre article sur l Aide au Logement, Dommage que vous ne precisiez pas que si le Logement Français est si cher (par comparaison à l Allemagne c est essentiellement à cause de la FISCALITE « punitive » que supporte (entre autre)  cette filière…

Donc comme les taxes et impôts de ce pays rendent le logement TROP CHER pour les citoyens les plus fragiles, on leur distribue des Allocs payées par ces mêmes impôts et taxes…CQFD…

Se reveillera t on un jour de ces situations ubuesques..l?

Courage
Slts
Eric S.

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Sonia Palmer 7 juin 2021 - 5:03

Entre logement social et aide personnelle au logement, il faudra choisir !
Merci pour cet article très intéressant ! Il a le mérite de détailler clairement les différents dispositifs d’aide existants et de mettre en lumière les aberrations de notre société… En effet, si les aides au logement s’avèrent indispensables pour toute une frange de la population, nul n’est besoin de les cumuler outre mesure avec d’autres prestations sociales, au point d’en dissuader certains de reprendre du collier…
Toute la difficulté pour nos chers gouvernants sera de faire preuve de suffisamment de discernement et de doigté pour mettre au point une mesure juste et adaptée qui ne créera pas de laissés pour compte !

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Romain delisle 8 juin 2021 - 11:36

Entre logement social et aide personnelle au logement, il faudra choisir !
Bonjour à tous,

En effet, la politique du logement en France apparaît de moins en moins soutenable à mesure des années. Les aides s’entassent financés par l’emprunt et notre pays demeure le champion de la dépense publique.

Toujours un plaisir de vous lire,

Bien à vous tous,

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