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Dix ans après, un nouveau printemps arabe ?

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Début 2011, une vague de soulèvements politiques a balayé le monde arabe, qu’on a appelée le « printemps arabe ». Les manifestants de plusieurs pays sont descendus dans la rue et ont réclamé des changements de gouvernement, la liberté, du pain et la dignité. Les raisons qui ont enflammé les foules dans toute la région (Moyen-Orient et Afrique du nord) sont liées à la corruption, aux brutalités policières, au manque de libertés politiques, aux faibles niveaux et fortes inégalités de revenus, aux taux élevés de chômage des jeunes et, enfin et surtout, aux régimes dictatoriaux.

La plupart des premiers manifestants, comme Mohamed Bouazizi, le vendeur ambulant qui s’est immolé par le feu le 17 décembre 2010 en Tunisie et qui est devenu le catalyseur de la révolution tunisienne et des émeutes, vivaient dans le dénuement, victimes de lois arbitraires, d’obstacles aux activités entrepreneuriales et d’empiètements généralisés sur la liberté politique et la propriété privée. Ces protestations n’ont finalement donné que peu de résultats, mais les conditions sous-jacentes qui les ont inspirées sont toujours présentes, et la pandémie du COVID-19 les a aggravées.

Le terreau du printemps arabe fermente toujours

À l’heure actuelle, 55,7 millions de personnes dans les pays arabes – dont 26 millions déplacées de force [[The Impact of COVID-19 on the Arab Region An Opportunity to Build Back Better – United Nations, July 2020]] – ont besoin d’une aide humanitaire. L’extrême pauvreté est en hausse depuis 2011. Le rapport biannuel de la Banque mondiale sur la pauvreté et la prospérité constate que le taux de grande pauvreté, dans la région Moyen-Orient et Afrique du nord, est passé de 3,8 % en 2015 à 7,2 % en 2018, plus de 20 millions d’individus vivant avec moins de 1,9 dollars par jour [[World Bank. Poverty and shared prosperity 2018: piecing together the poverty puzzle. Washington, DC: World Bank, 2018.]]. Cette augmentation est liée aux guerres civiles au Yémen, en Libye et en Syrie, ainsi qu’à l’instabilité de plusieurs pays arabes voisins tels que l’Égypte, le Liban, l’Algérie et la Tunisie, qui offrent des exemples patents de transitions ratées.

L’intense rivalité entre l’Arabie saoudite et l’Iran a également contribué à exacerber les hostilités régionales et l’instabilité. En Syrie et au Yémen, elle a transformé les conflits civils en de longues guerres par procuration, sanglantes et dont on ne voit pas la fin. Le rôle de l’Iran en Irak et du puissant groupe de milice chiite Hezbollah au Liban a également alimenté les tensions internes dans ces pays.

En apparence, le printemps arabe a fait un flop. Il n’a réussi à offrir ni la liberté politique ni des opportunités économiques à la population. De plus, des mesures contre-révolutionnaires ont fini par renforcer les régimes en place ou ont permis à de nouveaux régimes répressifs de remplacer les anciens. Cependant, quelque chose est en train de bouger. En 2019, des manifestations massives ont eu lieu en Algérie, en Irak, au Soudan et au Liban.

De nouveaux soulèvements dans un avenir proche ?

Les facteurs socio-économiques et politiques qui ont déclenché le printemps arabe de 2011 continuent de provoquer des troubles dans toute la région. Les taux élevés de chômage des jeunes qui prévalaient il y a dix ans se maintiennent à ce jour. Ils se situent en moyenne entre 25 et 30 % et dépassent ceux de toutes les autres régions du monde [[International Labour Office, « Global Employment Trends for Youth 2017: Paths to a better working future, 2017.]]. La proportion de femmes dans la population active est également faible (20 % en 2019). En outre, la pandémie du COVID-19 ne fait qu’aggraver la situation, en brisant les chaînes mondiales d’approvisionnement et en entraînant une hausse des prix des denrées alimentaires, par exemple.

Les prix des denrées alimentaires sont de bons indicateurs des troubles à venir dans la région arabe. Ils ne déclenchent pas eux-mêmes les émeutes, mais créent un terrain fertile pour l’agitation sociale. Lorsqu’on ne peut plus se nourrir et nourrir sa famille, on n‘a rien à perdre et les désordres éclatent.

Même si personne ne s’accorde vraiment sur les causes du printemps arabe, la hausse de prix des denrées alimentaires y a indubitablement joué un rôle important. En 2010, l’indice de la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) concernant ces prix a grimpé de 17 % – ils sont aujourd’hui, dans toute la région arabe, revenus au niveau d’il y a dix ans. Dans la plupart des pays, les hausses ont été modérées (5 % ou moins), mais en Algérie, en Égypte, au Koweït, au Liban, au Maroc, au Qatar, en Arabie saoudite, en Syrie, en Tunisie et au Yémen, les aliments de base ont augmenté de plus de 20 % depuis le début de 2020 [[MENA Crisis Tracker – Office of the Chief Economist, Middle East and North Africa, The World Bank, 27 June 2021.]]. Toujours si l’on se réfère à l’indice de la FAO, la baisse des stocks de blé et d’huile végétale et – plus généralement – les perturbations liées à la pandémie du COVID-19, ont fait grimper les coûts alimentaires mondiaux à leur plus haut niveau depuis une décennie. Ils devraient encore augmenter pendant le reste de l’année (+14 %) et en 2022 [[Commodity Markets Outlook – World Bank Group, April 2021.]].

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Pour résumer, il n’est pas impossible que la région arabe soit à la veille d’une nouvelle ère de hausse des prix des denrées alimentaires, ainsi que de pénuries, ce qui pourrait déclencher des troubles politiques graves. Les dirigeants ont depuis longtemps établi un lien de cause à effet entre un peuple qui a faim et les troubles sociaux. Ils ont tenté les subventions, le plafonnement des prix, mais cela ne fonctionne pas. La région est très dépendante des importations alimentaires. Le plafonnement des prix provoque une baisse des importations et les contraintes budgétaires limitent le montant des subventions. Les conditions sont réunies pour que des pénuries apparaissent et que les prix (sur le marché noir) s’envolent.

Lire l’article en anglais

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4 commentaires

Paris Jean 7 septembre 2021 - 4:39

Dix ans après, un nouveau printemps arabe ?
Votre article omet deux élément important de ces populations : un taux de fécondité inconséquent et un niveau éducatif très faible conséquences de l’islam

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Obeguyx 7 septembre 2021 - 8:59

Dix ans après, un nouveau printemps arabe ?
Bravo Paris Jean. C’est bien là l’essentiel, le reste est ce que j’appelle de la philosophie de caniveaux doublée d’un humanisme de poubelles.

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Andy Vaujambon 7 septembre 2021 - 9:08

Dix ans après, un nouveau printemps arabe ?
On finirait par conclure que certaine religion porte en elle les germes du malheur…

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Osho 9 septembre 2021 - 5:38

Dix ans après, un nouveau printemps arabe ?
Ah, les printemps arabes!
J’ai toujours été ébloui par cette spontanéité des pays « opprimés » qui se sont dit chacun dans son coin: çà ne va plus, à bas l’hiver vive le printemps! Le plus miraculeux c’est que tous aient eu la même réaction en même temps… L’idée d’influences venues de l’étranger ne m’éffleure même pas. Toutefois compte tenu des résultats on peut penser à une influence occidentale tant les sujets proposés sont toujours des échecs à cause du peu de culture et de memoire des instigateurs.
Vouloir décider à la place des peuples fait que de cruelles désillusions exposent ceux-ci.

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