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Comment réparer la grave erreur de la suppression de la taxe d’habitation

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Depuis des années les impôts locaux ont crû à une vitesse vertigineuse par suite du transfert de charges de l’Etat autant que par les effets d’une démagogie locale surabondante. En 2015, les impôts locaux ont augmenté de +4,4 %. Au titre de 2016, les taux des taxes foncières sur les propriétés bâties votés par les conseils départementaux ont augmenté de 5,2 % en moyenne, avec des pointes à + 66 % dans les Yvelines. Au surplus les taxes locales sur foncier bâti et non bâti sont archaïques, basées sur des valeurs locatives définies en 1970 à partir de critères souvent erronés et rehaussées depuis arbitrairement. Au total, en 2017, le produit de la taxe foncière a été de 34 Md€ et celui de la taxe d’habitation de 19,3Md€.

Fallait-il pour autant décider de supprimer la taxe d’habitation, et pour 80% des foyers seulement ? Non. Ce seuil de 80% est lui-même infondé et le Conseil constitutionnel a prévenu qu’il ne devrait pas être conservé dans le cadre d’une réforme d’ensemble à venir, en attente de laquelle il l’a validé.

Depuis 2010, une réforme des valeurs locatives cadastrales a été engagée sur la base des loyers effectivement pratiqués par secteur homogène. Cette révision est achevée pour les locaux professionnels et devrait l’être sans délai pour les autres. Il aurait donc été possible de rendre plus juste la taxe d’habitation sans la supprimer, même si l’évaluation des locaux était encore le fruit d’un travail et de procédures purement administratives insatisfaisantes.

Une grave atteinte à la justice

Car la suppression de la taxe d’habitation est une atteinte grave à la justice. Pour remédier à la discrimination dont font l’objet aujourd’hui les 20% qui continuent à payer cette taxe, il est envisagé de la supprimer pour eux aussi, mais d’en laisser redevables les résidences secondaires alors que leurs occupants sont ceux qui utilisent le moins les services sociaux (écoles, crèches…) et autres des collectivités locales concernées. Plus généralement, la taxe d’habitation était le moyen concret de faire participer les habitants aux dépenses de leur commune et de les responsabiliser financièrement pour éviter qu’ils ne demandent, impunément, toujours plus.
Par ailleurs, les communes privées de cette ressource seront plus dépendantes des subventions de l’Etat toujours aléatoires et dont l’histoire montre qu’elles font l’objet de promesses rarement tenues. C’est une remise en cause du principe de subsidiarité qui est le garant de nos libertés. Et dès lors que les collectivités locales seront amputées d’une partie non négligeable de leurs recettes propres, elles seront naturellement incitées à augmenter leurs autres impôts, et notamment la taxe foncière à la charge des propriétaires qui ne profitent pas ou peu des services locaux lorsqu’ils ne sont pas résidents.
Il faut donc trouver un moyen juste pour réparer cette immense bêtise de la suppression de la taxe d’habitation, sans pour autant réinstaurer celle-ci, ce qui ne serait pas acceptable politiquement.

Le prix de marché est la meilleure assiette de l’impôt

La valeur des biens immobiliers, construits ou non, est une base bien adaptée aux impôts locaux collectés pour permettre la bonne gestion d’un territoire où sont implantés les dits biens immobiliers dont la valorisation dépend en partie de l’environnement qui leur est assuré. Mais, plutôt que de vouloir trouver la bonne base d’imposition au travers d’une évaluation théorique et nécessairement déconnectée du marché, il vaudrait mieux s’en remettre aux déclarations des contribuables sous réserve de leur contrôle.
Selon l’INSEE, le patrimoine immobilier, terrains et constructions avait une valeur, plutôt sous-estimée, de 9 268 Mds d’euros en 2014, hors le patrimoine immobilier des administrations publiques, soit une valeur susceptible d’être estimée à 10 000 Md€ aujourd’hui. Il serait possible et souhaitable de laisser chacun déclarer chaque année la valeur estimée de ses biens immobiliers pour les soumettre aux taxes foncières revenant aux communes et départements. En cas de transmission d’un bien à une valeur supérieure de plus de 5% au prix déclaré, une taxe locale serait prélevée sur la différence entre le montant moyen déclaré des cinq dernières années et le prix de transfert constaté lors de la transmission (cession, échange, donation, succession, apport…) à un taux double du taux moyen pratiqué par les collectivités locales au cours des cinq dernières années multiplié par le nombre d’années de sous-déclaration depuis l’institution de cette taxe ou l’année de détention du bien si elle est ultérieure.

Chacun serait ainsi responsable de sa déclaration annuelle. Globalement, pour obtenir le même rendement fiscal qu’aujourd’hui, il faudrait un taux moyen de l’ordre de 0,5% sur la valeur des biens déclarés, soit par exemple un impôt de l’ordre de 2500€ par an pour un appartement d’une valeur de 500 000€. Pour compenser la suppression de la taxe d’habitation il devrait être permis aux propriétaires bailleurs de refacturer à leur locataire 40% de la taxe foncière payée par eux. Le cas échéant, des abattements pourraient être institués à la base pour atténuer l’imposition des plus démunis ou des familles ou des résidences principales, comme aujourd’hui.

Les collectivités locales retrouveraient des ressources auxquelles tous contribueraient. Les erreurs dues à la démagogie électorale seraient effacées avec un retour à plus d’équité.

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9 commentaires

Clovis2 20 juin 2018 - 9:59

Un IFI de plus
Il faut faire attention car évaluer le substitut d'une taxe d'habitation en fonction d'un pourcentage de la valeur du bien, c'est à dire du capital, c'est soumettre le capital immobilier à un IFI supplémentaire de 0,5 %, le % le plus bas actuel étant de 0,70%.

On doit payer en fonction de ce que l'on consomme.

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Betty 20 juin 2018 - 11:10

une aberration
Je n'ai toujours pas compris pour quelles raisons on supprimerait la taxe d'habitation pour 80 % des ménages. je fais partie des 20 % qui vont devoir s'en acquitter. Je pars du principe que chacun profite des structures qui lui sont offertes : routes, etc.. etc.. et chacun doit donc payer une participation. Cette façon dont macron a dans le colimateur les propriétaires est indécent et ridicule. Nous avons payé toute notre vie un crédit afin d'avoir un logis le jour de sa retraite car je plains ceux qui se retrouvent retraités et obligés de payer un loyer avec des revenus amputés. Si cela est possible il est préférable de prévoir cette situation qui arrivera tôt ou tard. Quant à louer à des locataires, vu que les locataires même 'ils ne payent pas ne sont pas inquiétés par la justice, je ne suis pas prête de leur louer quoi que ce soit. Les propriétaires sont devenus la bête noire de macron, qu'il continue ainsi et il ne fera pas un 2ème mandat et ce sera une excellente chose.

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Christiane 20 juin 2018 - 5:02

C'est aberrant ! Porter atteinte à tous les Maires qui se démênent pour joindre les 2 bouts dans leurs communes !
Ils en font plus que l'Etat, au niveau économies !
Pourquoi faire une différence entre les contribuables, nous ne consommons pas plus que les autres Français les structures, les routes etc.
J'estime que chaque Français devait être assujetti à cet impôt par solidarité nationale.

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Papouasie 20 juin 2018 - 5:37

Très grave erreur en effet
Oui, supprimer la taxe d'habitation est une aberration : elle est censée rémunérer les services fournis par les municipalités aux résidents. Il n'y a aucune raison que tous les résidents ne la paye pas sauf cas particuliers. Par contre ce que vous proposez pour lui être substitué s'apparente à un nouvel IFI et présuppose en tout cas que l'IFI actuel soit supprimé. Cependant il me semble que la valeur d'un bien immobilier (que seul un professionnel et non un particulier, pitié pour lui, peut estimer sans trop d'erreur au vu des particularités dudit bien et de l'état du marché) n'a que peu de rapport avec les services rendus par la municipalité dans laquelle ce bien est situé, encore moins avec la capacité contributive du résident.
Concernant la taxe foncière qui participe aux équipements des municipalités dans lesquelles les biens sont situés, elle ne devrait pas consister en un matraquage fiscal éhonté de l'Etat alors que les propriétaires n'ont fait que des investissements non délocalisables qui participent à la conservation du patrimoine national et créent localement des activités et de nombreux emplois .
Je partage la fureur de la seule moitié des Français qui paient des impôts de plus en plus spoliateurs. Gare aux prochaines élections !

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Jean-Pierre Barbier 20 juin 2018 - 10:38

Si pénalités en cas de sous-évaluation, la contrepartie est le remboursement en cas de surévaluation
SOYEZ AUDACIEUX, SOYEZ COHERENTS
"En cas de transmission d’un bien à une valeur supérieure de plus de 5% au prix déclaré, une taxe locale serait prélevée sur la différence entre le montant moyen déclaré des cinq dernières années et le prix de transfert constaté lors de la transmission (cession, échange, donation, succession, apport…) à un taux double du taux moyen pratiqué par les collectivités locales au cours des cinq dernières années multiplié par le nombre d’années de sous-déclaration depuis l’institution de cette taxe ou l’année de détention du bien si elle est ultérieure."

Pourquoi pas! Mais en cas de transmission a une valeur inférieure (ce qui n'est pas rare), il faut aussi rembourser l'excédent de taxe locale, au même taux double sur la différence entre le montant moyen déclaré des cinq dernières années et le prix de transfert constaté lors de la transmission!

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Papouasie 21 juin 2018 - 3:11

Vous avez raison mais le mieux serait d'éviter les usines à gaz telles que celle que vous évoquez et surtout les évaluations déclaratives personnelles qui sont toujours sujettes à caution.

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Mazers 22 juin 2018 - 3:13

La valeur du bien doit être déclarée par le propriétaire
Le praticien émérite de la fiscalité que je suis, partage tout à fait le remplacement de l'évaluation administrative, par la déclaration annuelle, contrôlable, de la valeur du bien par le propriétaire contribuable.
On peut discuter des modalités précises de la sanction dans le cas de déclaration insuffisante, mais dans son principe le système envisagé dans cet article correspond à celui à retenir : ce n'est pas une usine à gaz, l'usine à gaz c'est le système d'évaluation administrative actuel des valeurs vénales cadastrales et des valeurs locatives, générateurs de discordances et donc d'injustice.
S'agissant de la taxe d'habitation, plutôt que le remboursement au propriétaire d'un pourcentage de l'impôt foncier par l'occupant non propriétaire, une taxation du locataire ou occupant, déterminée à partir de la valeur déclarée du bien serait préférable.

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CLOVIS2 22 juin 2018 - 3:55

Le propriétaire occupant aura une double peine et on rétabli le système précédent en changeant le nom et en augmentant la base taxable à moins que l'on ne puisse les déduire du revenu imposable.
Il y a des "contribuables émérites", qui ont un capital important et des revenus qui le sont moins, Il ne faut pas tenir compte de leur capital pour estimer leur capacité contributive.
La taxation doit refléter le service rendu et être déductible du revenu imposable.
L'objectif des impôts ou taxes locales n'est pas la redistribution ou ce que l'on appelle la justice sociale contrairement à celui de l'impôt sur le revenu.

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CLOVIS2 22 juin 2018 - 1:22

IMPOT ET REMISE EN CAUSE DE LA PROPRIETE
L'ISF a été mis en place avec un taux inférieur de 0,75 % à une époque où l'inflation était de l'ordre de 8 à 10 % et où le rendement immobilier pouvait se situer entre 4 et 8 % suivant la qualité, l'emplacement et la nature commerciale ou pas du bien.
Ce taux ne constituait pas un niveau de nature à générer une remise en cause de la propriété.
Actuellement compte tenu d'un niveau d'inflation de l'ordre de 1,5 à 2 % et d'un rendement de l'immobilier après impôt et IFI de l'ordre de 1 % pour un particulier, une mesure surtaxant le capital deviendrait dissuasive voire confiscatoire.
La solution ne consiste pas à proposer plus d'impôt mais à cesser de gaspiller l'argent des contribuables en réduisant les dépenses. Il faut aussi pouvoir impliquer tous les citoyens dans les dépenses contrairement à la situation actuelle où les 57 % de gens qui ne contribuent pas à l'IRPP trouvent qu'on en fait pas assez pour eux et qu'il faudrait augmenter les impôts de ceux qui en paient. Comme ils sont majoritaires à 57 %, il n'y a plus de limite.

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