L’Allemagne était suspendue vendredi à une décision du parti conservateur, favori des élections législatives à venir, de sceller ou non une nouvelle alliance avec l’extrême droite au Parlement autour de l’immigration, après un premier tollé sur cette question cette semaine. La question du rapprochement entre les démocrates-chrétiens (CDU/CSU) de Friedrich Merz et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), crée un séisme dans le pays depuis plusieurs jours, car elle brise un tabou dans l’histoire politique d’après-guerre du pays. Elle aurait toutefois une certaine logique à la fois en matière d’orientations principales sur le plan de l’économie, ou désormais, de l’immigration (mais un fort antagonisme demeure entre les deux formations sur le plan géopolitique, la CDU étant atlantiste et favorable à un soutien à l’Ukraine, tandis que l’AfD est alignée sur le Kremlin) et électoral : la CDU, créditée de 30 % des voix aux législatives du 23 février et qui sera donc chargée de former un gouvernement dans la foulée, disposerait de la majorité en s’alliant à l’AfD, à qui les sondages donnent 22 % des voix, le double de son score aux élections précédentes, mais ne serait pas sûr de l’obtenir avec le SPD, de centre gauche,du très impopulaire chancelier Olaf Scholz, crédité de seulement 16 % des voix. Une alliance CDU-SPD, conforme aux traditions dites de Gross Koalition, GroKo, aurait toutefois du mal à s’entendre sur l’économie, la fiscalité et même l’Ukraine.
Jusqu’ici, les partis traditionnels excluaient toute coopération avec la droite radicale, en vertu de ce qu’ils qualifient de “cordon sanitaire”. Les conservateurs ont soumis au vote de la chambre des députés une proposition de loi pour limiter l’immigration, en restreignant le rapprochement familial et en facilitant les placements en rétention des étrangers sans papiers à la frontière. Ils se sont dits prêts à adopter le texte même grâce aux voix de l’AfD, deux jours après une alliance inédite depuis 1945 au niveau national entre ces deux formations au Parlement pour approuver une motion sur l’immigration.
Le parti libéral FDP (centre-droit) hésitaient à s’associer au vote si la proposition devait être adoptée grâce à un soutien de l’extrême droite. Or, sans les élus du FDP, le texte n’avait plus aucune chance de passer. D’autant que selon plusieurs médias allemands, une dizaine de députés conservateurs avaient aussi signifié leur refus de voter le texte avec l’AfD.
Finalement, les élus ont voté par 350 voix contre et 338 voix pour. Quel que soit l’issue du vote, ces développements ont nettement réduit les chances d’une coalition CDU-SPD, les sociaux-démocrates se disant révulsés par l’association des conservateurs et de l’extrême droite sur les textes portant sur l’immigration. Friedrich Merz réfute toute idée de coalition au plan national avec l’AfD, mais désormais “on ne peut pas lui faire confiance”, a jugé vendredi Olaf Scholz dans un podcast du magazine Die Zeit.