A travers de nombreux ouvrages, le réchauffement paraît beaucoup moins exceptionnel que certains voudraient le faire croire.
Thierry Godefridi : une utile recension de climato-réalistes
Le livre de Thierry Godefridi, Ces vaniteux nous enfumant et leurs drôles d’idées (Palingénésie, 2024), nous offre une galerie d’ouvrages récents jetant le doute sur l’importance du réchauffement climatique anthropologique. Il recense les œuvres de Pascal Bruckner, Michael Shellenberger, Jean-Paul Oury (Greta a tué Einstein) Sylvie Brunel, Maarten Boodry, Philippe Charlez, Daniel Husson, Benoît Rittaud, Steven Koonin, Samuel Frufari, Rémy Prud’homme…
Il fait appel à Karl Popper, à Julien Benda, à Hannah Arendt et à Ortéga y gasset tant avec ce dernier nous pouvons craindre que si l’écologisme prenait le pouvoir il transformerait nos société en termitières et « la famine gigantesque du Bas-Empire [romain] ferait sa réapparition » avant que la société succombe. Son vaste panorama nous éclaire sur ceux qui suspendent notre temps à une horloge de l’Apocalypse pour mieux nous dominer.
Il place, non sans raison, son combat contre les idéologues du climat sur le même plan que celui contre les idéologies totalitaires de tous ordres qui font croire à la nécessité de bâtir un super Etat policier pour poursuivre des objectifs inatteignables. « Aucune forme de collectivisme, écrit-il, ne peut justifier de sacrifier les libertés individuelles et concrètes à l’édification d’un paradis futur, car l’histoire est imprévisible ».
A juste titre, il dénonce la culture de la peur de l’écologisme qui s’institue comme une nouvelle religion du désespoir.  A ceux qui depuis Malthus (mais non Darwin comme il le laisse entendre) s’inquiètent de la finitude de nos ressources et prêchent la décroissance, il oppose les mots de Robert Zubrin selon lequel l’essentiel de nos ressources ne viennent pas de la terre mais de nous-mêmes. Ce qu’a très bien expliqué aussi Julian Simon pour qui l’homme était l’ultime ressource selon le titre de son livre le plus connu.
Ce panorama de lecture éclairé par les commentaires pertinents de Thierry Godefridi aidera ses lecteurs à comprendre pourquoi la prudence s’impose sur les questions climatiques
Peter Frankopan : l’histoire fourmille de réchauffements
Peter Frankopan, professeur d’histoire globale à l’université d’Oxford est traumatisé depuis son enfance par les risques qui pèsent sur l’avenir du monde. Dans son ouvrage sur les Métamorphoses de la terre (Tallandier, 2024) il raconte les cycles que la terre a connu depuis toujours.
« Depuis la création de notre planète, écrit-il (p. 39), il y a environ 4,6 milliards d’années, les conditions n’ont cessé d’évoluer, parfois de « manière catastrophique ». « Il y a environ 444 millions d’années un refroidissement soudain […] a entrainé l’extinction de 85% des espèces de la planète. Mais « ce n’est là dit-il, qu’un des nombreux épisodes spectaculaires qui ont anéanti la vie de tous les organismes vivants, à l’exception d’une petite partie d’entre eux » (p. 43). Parmi d’autres, un évènement dénommé la Grande Extinction a été causé par un épisode volcanique extraordinaire suite auquel « Les températures du sol et de l’eau de mer ont dû augmenter de 8 à 10°C dans un premier temps, puis de 6 à 8° supplémentaires par la suite ». Un autre phénomène du même ordre est intervenu il y a environ 200 millions d’années. Puis, la chute d’un astéroïde sur la terre il y a 66 millions d’années a créé un refroidissement de 10 à 16°C. En dehors de ces calamités exceptionnelles, « d’autres évènements climatiques plus modestes ont produit des résultats substantiels sans provoquer d’extinction massive » (p. 49). Il y a environ 55 millions d’années, la libération massive de carbone, avec des niveaux de CO2 16 fois supérieurs à ceux de la période préindustrielle, a entrainé une hausse des températures mondiales de 4 à 5° pendant environ 200 000 années. Il y a 3 millions d’années, les températures ont augmenté de plus de 3° et le niveau des mers de 20 m par rapport à aujourd’hui. « Il y a environ 450 000 ans, par exemple, l’avancée de la calotte glacière et du pergélisol en Europe a rendu une grande partie du continent inhabitable » (p. 66). Il y a 130 000 ans, l’Europe a connu « une augmentation rapide des températures polaires qui a conduit au « verdissement » de l’Arctique » (p. 68). Il y a 40 000 ans des épisodes de refroidissement ont rendu les conditions de vie subarctique très difficiles contribuant à la disparition des Néanderthaliens tandis que l’homo-sapiens y a survécu, sans doute parce qu’il disposait déjà de son intelligence et d’une capacité d’adaptation au service d’une volonté de vivre. Un épisode climatique intervenu il y a 26 500/ 19 000 ans, a entrainé des chutes de températures de 15 à 21 ° inférieures à celles d’aujourd’hui et à un abaissement considérable de certaines mers (moins 100 à 120 mètres) avant qu’elles remontent ensuite lors de la déglaciation il y 19 000 ans. Un réchauffement brutal de l’hémisphère Nord s’est même produit il y a environ 14 700 ans avant que 1 800 ans plus tard, il y a 12 900 ans, une nouvelle inversion brutale de température intervienne en trois ans seulement pour se stabiliser à 15° en moyenne en dessous de nos températures actuelles. Mille ans plus tard les températures ont remonté de 10° C en soixante ans seulement. Puis vers 6200 avant JC, il y eut un nouveau refroidissement soudain de l’hémisphère nord avant un retour à un optimum climatique deux cents ans plus tard. Des modifications climatiques importantes mais désordonnées et différentes suivant les régions du monde eurent lieu de 4 000 à 3000 ans av JC.  Il y eut donc toujours des hauts et des bas auxquels les hommes ont su s’adapter. « S’il ne faut en rien minimiser les risques d’un réchauffement climatique potentiellement catastrophique au cours du XXIème siècle, il  convient de préciser que des augmentations de 1,5 à 2° C resteraient très modestes au regard de l’évolution à long terme des changements climatiques, dans l’histoire de la Terre mais aussi dans celle de l’homme, et paraitraient bien dérisoire par rapport aux augmentations et aux baisses de plus de 10° très nombreuses et très régulières qui se sont produites dans le passé » (p. 86). Il note que les périodes de refroidissements ont été plus meurtrières ou pour le moins plus disruptives que celles de réchauffement.
Mais hanté sans doute par sa propre morbidité enfantine, et malgré sa magistrale démonstration sur les innombrables, souvent soudaines et massives variations climatiques qui ont marqué l’histoire de la terre et des hommes, Peter Frankopan continue de considérer, sans pouvoir le prouver bien sûr, qu’une catastrophe climatique dramatique est proche et que ses seules causes sont « presque entièrement » anthropiques. Ce que, non sans prudence, ne confirme pas son confrère Eric H. Cline.
Eric H. Cline et Marc Saint-Upéry : Des effondrements positifs
Malgré une période de méga-sécheresse intervenue vers 2200 avant JC., l’âge du Bronze fut celle de brillantes sociétés, Mycénienne, Minoennes, hittite, chypriote, cananéenne, égyptienne, assyrienne, babylonienne, tout autour de la Méditerranée. Mais dans son ouvrage sur La survie des civilisations (La Découverte, août 2024), Eric H. Cline, professeur à l’université George Washington, explique qu’après le XIIème siècle avant JC ces civilisations se sont effondrées, notamment du fait d’un réchauffement rapide et d’extrêmes sécheresses. Elles se sont relevées dans le ou les siècles suivants, l’âge du fer, en renaissant par elles-mêmes de leurs cendres ou par l’apport de nouvelles populations.
A l’occasion de chaque bouleversement climatique, certaines populations peuvent disparaître ou être submergées par d’autres, mais certaines peuvent résister et s’adapter activement, se transformer au point qu’on puisse parler d’un « effondrement positif ». Pour Eric H. Cline, si le GIEC avait existé à la fin de l’âge du bronze, il l’aurait catalogué « comme un évènement à « impact extrême », du fait de ses conséquences très importantes et en général durables pour la société » (p. 198). Sa conclusion est qu’on peut survivre à ce type d’effondrement à condition de savoir s’ajuster, faire face, évoluer. On peut même en ressortir plus grand. En atteste l’histoire des très riches sociétés Minoenne et Mycénienne en Crète, en Péloponnèse et au-delà , qui ont disparu en tant que telles à la fin du XIème siècle avant JC pour enfanter à partir du VIIIème siècle avant JC, plus lentement mais de manière plus prometteuse, la Grèce antique qui sera elle-même le berceau de la civilisation occidentale.
Au demeurant, les êtres humains seraient irresponsables de ne pas être attentifs à leur environnement et de ne pas veiller à prendre soin de leur Terre nourricière, ce que souligne tous les auteurs sérieux. Il faut être d’autant plus vigilant aux fortes modifications climatiques qu’elles peuvent bouleverser les sociétés et civilisations qui les subissent. Il serait sot bien entendu de nier le réchauffement actuel. Mais la question est de savoir quelle en est la part due aux mouvements naturels de l’histoire climatique et celle due à l’activité humaine, surement plus importante depuis la révolution industrielle, mais dont l’impact ne paraît pas facile à mesurer. A défaut le GIEC envisage de très nombreuses hypothèses et essaie de définir un consensus, mais celui-ci n’a rien de scientifique ainsi que l’explique Pascal Iris dans la note que nous publions par ailleurs ce jour en Opinions.