Le Sénat vient de voter l’élargissement l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière à de nombreuses possessions mobilières. SI la mesure était entérinée par l’Assemblée, l’ISF serait ainsi de facto ressuscité. Parallèlement, les partis de gauche voudraient alourdir l’impôt sur les successions. Est-ce vraiment un bon moyen d’augmenter les recettes fiscales ? Pas très loin de chez nous, un gouvernement de gauche a fait exactement l’inverse il y a vingt ans. Et les résultats parlent d’eux mêmes.
 Un pays miraculé
 En 1992, incapable de financer son modèle social très généreux, la Suède, puisque c’est d’elle qu’il est question, a frôlé la banqueroute et a dû revoir fondamentalement les bases de son État providence. Tous les partis et syndicats se sont alors mis autour d’une table et ont conduit un premier train de réformes libérales : privatisation de l’électricité, des postes, des chemins de fer, mise en concurrence des écoles via le chèque éducation, de la santé publique, réduction de 38% de l’emploi public, réforme des retraites, etc. Cette première vague de mesures a permis à l’économie suédoise de redémarrer.
Puis au début des années 2000, la Suède connut trois ans de croissance atone et le gouvernement estima que la création d’entreprises était insuffisante, alors que dans le monde le bouillonnement lié à l’explosion du numérique battait son plein. Un rapport parlementaire démontra que les impôts sur les successions et les donations, ainsi que l’impôt sur la fortune, en étaient responsables : les grandes fortunes telles que Ingvar Kamprad (Ikea) ou les héritiers de la famille Rausing (Tetrapak) ou encore les entreprises de capital risque, avaient fui à l’étranger, avaient organisé l’activité de leur entreprise de façon à minimiser leur « empreinte suédoise » et n’investissaient plus au pays. Le rapport suggérait donc des allègements de ces impôts pour tenter d’inverser la tendance.
Quand une gauche moderne ose des réformes fiscales libérales
Réaction très surprenante pour des Français, la classe politique de l’époque jugea le rapport trop timide et c’est une coalition de gauche, comprenant sociaux démocrates, écologistes et socialistes, qui proposa l’abolition pure et simple de l’impôt sur les successions et donations, qui fut votée à l’unanimité par le Parlement. En 2007, l’impôt sur la fortune connut le même sort, adopté à l’unanimité sous un gouvernement de centre droit.
Ces impôts rapportaient moins de 1% du PIB mais constituaient un frein à la création de richesses. Leur suppression eut un effet radical : les recettes fiscales, entre 2004 et 2014, ont bondi de 50% en termes courants et de 33% corrigées de l’inflation. Les grandes familles susnommées et de nombreux autres entrepreneurs moins connus sont revenus en Suède, ont restructuré leur activité en faveur de leur pays d’origine et ont massivement investi dans de nouvelles entreprises. Malgré cette hausse des recettes publiques, la pression fiscale totale est tombée de 51% à 44% du PIB.
Il serait exagéré d’attribuer à ces seules réformes l’intégralité de cette santé économique. La Suède a aussi abaissé régulièrement le taux d’impôt sur ses sociétés, à 20,6% et, en contrepartie, a supprimé de très nombreuses niches d’imposition, incitant les entreprises à privilégier l’efficacité économique sur l’optimisation fiscale.
La Suède n’est pas pour autant devenue un enfer inégalitaire. Certes, son indice de GINI a légèrement augmenté depuis 2004, mais il reste nettement inférieur à celui de la France ou de l’Allemagne, dont la fiscalité sur les transmissions reste classiquement élevée.
Indice de Gini, Suède, France, Allemagne, 2000-2021, Banque mondiale
Les leçons à retenir pour la France
La Suède n’est certainement pas le modèle à copier en toute chose. Son modèle d’intégration migratoire, notamment, ne semble pas meilleur que le nôtre. Mais malgré ce handicap, au moins son économie reste saine, ses comptes publics robustes (alternance de faibles déficits ou d’excédents budgétaires, dette publique de 33% en 2024 contre 70% en 1995) et le pays pourra sans difficulté financer la hausse de ses dépenses militaires liées à son adhésion à l’OTAN. A contrario, la situation des comptes français est si dégradée que l’on ne voit pas comment notre pays pourrait faire face à un choc externe d’importance tel qu’une nouvelle pandémie ou l’extension des conflits à l’est du continent.
La classe politique française, devant une situation presque aussi catastrophique que celle de la Suède en 1992, devrait abandonner ses réflexes de « raclage de fonds de tiroirs par l’impôt » et de défense jusqu’au-boutiste du prétendu modèle français, que, bizarrement, le monde s’abstient de copier. Elle aurait certainement tout intérêt à suivre le même raisonnement que la gauche suédoise, en facilitant avant tout la création de richesses sur son territoire.
10 commentaires
Il est vrai que cela fait mal de ne payer que des impôts et taxes et contributions… donc aucune dépense pour que l’économie tourne… cela fait mal aussi que l’héritage soit tellement taxé, sur des biens ou des économies acquis avec de l’argent déjà issu de sommes après impôts. En fait il faut tout dépenser pour que l’état n’est rien… d’où le côté injuste où on impose, on taxe celui qui économise par rapport à celui qui dépense tout
Voilà qui est bien dit
Un plus que personne ne reconnaît. Les retraites de classe moyenne sont de gros consommateurs pour faire tourner le pays. Il y aurait lieu de le reconnaitre
L’impôt fait-il vraiment tourner l’économie ou aurait-il plutôt comme conséquence de favoriser l’importation de produits bas de gamme ? Avec Mitterrand, la France s’est transformée en pays de “services” ! En conséquence, elle a produit de moins en moins de richesses. Dans la foulée, l’état ne sait plus quelles taxes inventer pour spolier les Français ayant économisé toute une vie pour acquérir leur habitation, voire quelques biens destinés à améliorer leur retraite.
Tout dépenser pour ne rien laisser ? Pourquoi pas ?
Si l’état cessait d’être glouton, cet argent pourrait être investi en France d’où création de richesses et de prospérité dans notre pays ! Voilà des décennies qu’on parle de crise du logement et on fait tout pour décourager les épargnants d’investir dans l’immobilier.
Voilà des décennies que les automobilistes sont pris pour des vaches à lait. Au nom de l’écologie, on finance des véhicules produits en Asie AVEC LES IMPOTS des Français… au prix de la destruction de notre industrie automobile ! Alors que la France pollue peu, nous subissons le diktat d’une écologie sectaire et punitive… bonne excuse pour lever toujours davantage de taxes et créer toujours plus de normes contraignantes.
Nos politiques passent leur temps à vociférer, critiquer et à être dans le déni.
Cette énergie serait bien plus profitable à un travail de reconstruction de la France.
Excellente référence qu’il faut faire connaître. Curieusement nos socialistes qui prenaient l’exemple suédois comme référence dans les années 80-90 , n’en parlent plus. Est ce à dire que pour eux ce sont les dogmes qui comptent plus que les résultats?
Tout ce que vous dites est du bon sens. Mais en France, le bon sens est en voie de disparition, submergé par des idéologies generalement nuisibles pour le peuple mais profitables pour ceux qui les répandent. Il faut malheureusement que le pays s’enfonce encore dans le déclin et la misère pour que le bon sens revienne à la surface. Nous ne sommes pas encore au bout du rouleau.
Excellente conclusion, à la porté de n’importe quelle intelligence moyenne.
Alors, comment se fait il qu’en France seuls les imbéciles instruits soient attirés par la politique?
CQFD !
C’est tellement évident …
Créer de la richesse intérieure, que du bon sens, sous réserve d’une volonté politique.
C’est bien la preuve que nos politicards se contrefichent de l’intérêt du pays et de ses habitants, car l’exemple de la Suède est significatif. Les rentrées fiscales ont augmentées de 50% grâce à ces réformes. Et ils ne vont pas nous faire croire qu’ils l’ignorent!