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Libéral ou conservateur ? Pourquoi pas les deux ?

Jean-Philippe Delsol

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« Libéral » et « conservateur », voilà bien deux mots qui n’ont pas bonne presse dans notre pays. Ils ont, dans la vie politique, intellectuelle et médiatique française, la particularité de servir à caricaturer, déconsidérer, voire insulter, l’adversaire. C’est d’autant plus étonnant que les termes ne sont guère utilisés par ceux que l’on entend ainsi vilipender. Depuis Alain Madelin et « Démocratie libérale » dissous en 2002, aucun parti ne se réclame ouvertement du libéralisme. Même David Lisnard, le plus ardent défenseur des idées libérales parmi les politiciens français, n’a pas osé utiliser le mot dans l’intitulé de son parti (« Nouvelle énergie ») ! Quant au conservatisme, il n’est pas plus présent sinon à travers un « Mouvement conservateur », avatar de « Sens commun », association née au sein de l’UMP pour s’opposer à la loi Taubira instaurant le mariage pour les personnes de même sexe.

Mais ce n’est pas parce que les offres politiques libérale et conservatrice sont quasiment inexistantes que les idées n’existent pas, y compris en France. Bien au contraire, elles peuvent se rattacher à une longue tradition philosophique que Jean-Philippe Delsol se fait fort de rappeler dans son nouvel ouvrage.

Libéral-conservateur, un oxymore ?

Pour l’encyclopédie en ligne Wikipédia, le « conservatisme s’oppose fortement au libéralisme à partir de ce qu’est ou doit être le droit ; les droits sont acquis et protégés par les institutions établies, et donc, ne sont pas innés ou attachés à l’individu ». Jean-Philippe Delsol ne dit pas le contraire quand il écrit que « beaucoup considèrent que libéral et conservateur forment un oxymore, le libéral s’appuyant sur la philosophie des Lumières et la Révolution que le conservateur réprouve ».

Il est vrai que l’on trouve aisément de quoi opposer l’un à l’autre, surtout quand on les caricature et que le conservatisme devient immobilisme, voire réaction, et le libéralisme licence, voire anarchie. Cependant, il n’est pas faux d’affirmer que « le libéral privilégie la responsabilité et l’autonomie individuelle » tandis que le conservateur s’appuie davantage sur les communautés. Le premier choisit la liberté quand le second opte pour l’autorité.

Le conservatisme, « peut-être d’abord un mode de vie » écrit l’auteur, est « réservé à l’égard du changement qui laisse craindre le désordre. Il croit à la vertu de l’existant […]. Il doute de l’homme et s’en remet volontiers au charisme d’un chef ». Le libéralisme, lui, est davantage « une attitude, le reflet d’une curiosité, un esprit d’aventure et d’ouverture ». Ainsi, les conservateurs ont-ils « souvent une vision organique de la société » et la comparent « à la famille pour justifier l’autorité de l’État ». Les libéraux, au contraire, « pensent que les individus sont globalement plus à même que l’État de savoir ce qui est bon pour eux ».

Si les conservateurs sont « généralement favorables à la liberté d’entreprendre et de commercer », ils sont aussi « prompts à mettre en place des mesures protectionnistes ». Ils n’hésitent pas à « en appeler aux pouvoirs publics pour réguler le marché, les échanges, les comportements des employeurs et des salariés ». Ils peuvent même se montrer constructivistes, alors que les libéraux « estiment que la société se construit dans l’action humaine imprévisible et le libre-échange des produits, des services et des idées ». Ils sont « convaincus que tout pouvoir a tendance à abuser du pouvoir et que la tyrannie guette toujours ».

Nous pourrions longtemps encore souligner ainsi les différences, voire les oppositions franches, qui existent entre conservateurs et libéraux.

« Le conservatisme et le libéralisme ont plus en commun qu’ils ne croient »

Mais ce n’est pas le propos de Jean-Philippe Delsol. Il pense, au contraire, que les deux termes peuvent être réunis pour n’en former qu’un seul car conservatisme et libéralisme « ont plus en commun qu’ils ne croient ». Le rapprochement des deux idées permet de marier ce qu’elles ont de meilleur : « Libéral pour avancer et conservateur pour retenir ce qui a réussi ».

Mais alors qu’est-ce qu’un libéral-conservateur ? C’est assurément quelqu’un dont la première règle éthique repose « sur le respect de toute humanité ». « Les libéraux-conservateurs, insiste Jean-Philippe Delsol, croient qu’il existe une nature humaine avec ses propres lois, une loi naturelle que chaque individu a vocation à découvrir par la raison et par l’expérience du bien et du mal ».

Dans les deux parties qui constituent le cœur de l’ouvrage, Jean-Philippe Delsol s’efforce de montrer, avec talent et efficacité, que libéralisme et conservatisme ont des valeurs communes – liberté, responsabilité, dignité, propriété, vertu du droit et des institutions, subsidiarité –, mais aussi des combats communs à mener pour supprimer la pauvreté des travailleurs, libérer l’école et rétablir une culture forte, assurer le respect la nature, à commencer par la nature humaine. Il montre, tant aux libéraux qu’aux conservateurs, qu’ils ont bien des motifs de se rapprocher car ils « partagent une éthique et une politique ».

Les sympathisants de l’IREF seront ravis de voir regroupés dans ce livre tant d’idées et de propositions qu’ils ont pu voir égrener au fil des jours dans « La Lettre des libertés ». Ils se réjouiront de l’appel de l’auteur à « réunir une grande famille politique autour de ces valeurs communes qui peuvent redonner la prospérité à nos sociétés ». Ils acquiesceront à l’idée que conservateurs et libéraux retrouvent « ensemble le chemin de la vraie politique, celle du gouvernement des hommes plutôt que l’administration des choses », celle qui réunit « sur des idées plutôt que sur des programmes chicaneurs et versatiles ».

Avouons un regret, celui qu’en regard du chapitre sur les mauvais génies des libéraux et des conservateurs – Hegel, Hobbes, Hume, Stuart Mill, Spencer, Rothbard, Hoppe…– ne figure pas son pendant pour les bons génies – Locke, Smith, Kant, Constant, Tocqueville, Hayek…. Bien sûr, ces derniers ont largement leur place dans les onze chapitres du livre. Mais, il nous semble qu’ils auraient mérités davantage de visibilité.

Mais ce n’est pas cela qui va nous empêcher de recommander la lecture de l’ouvrage. Elle est, en effet, revigorante dans le sens où elle permet de prendre conscience que, quel que soit son camp – conservatisme ou libéralisme –, il est, somme toute, aisé de faire un pas vers l’autre pour combattre le véritable adversaire commun : le socialisme et ses avatars (progressisme, marxisme, écologisme, wokisme, communisme, etc.).

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