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Lettre aux Français d’Emmanuel Macron : éloge du compromis ou de la compromission ?

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Emmanuel Macron n’est pas seulement un adepte des auto-invitations à la télévision, il s’adresse également aux Français par écrit et plus précisément par le truchement de lettres publiées dans la presse quotidienne régionale. Après celle du 23 juin, il a récidivé le 10 juillet pour « tirer quelques conclusions » des élections législatives.

Un constat en partie discutable

Le Président part d’une analyse incontestable du scrutin : victoire de l’extrême droite au premier tour, refus qu’elle accède au gouvernement à l’issue du second, et enfin cette phrase, qui n’a pas plu à gauche et surtout à la gauche de la gauche, « personne ne l’a emporté », faute de majorité absolue d’une force politique ou même d’un bloc ou d’une coalition.

Pour autant, au paragraphe suivant, il relève que « seules les forces républicaines représentent une majorité absolue ». Il ajoute : « La nature de ces élections, marquées par une demande claire de changement et de partage du pouvoir, les oblige (nous soulignons) à bâtir un large rassemblement ». La phrase est contestable ici dans son constat : s’il y a eu une nette demande de changement, il n’y a évidemment jamais eu de demande du partage du pouvoir, mais une volonté pour chaque camp d’obtenir la majorité absolue à l’issue du second tour.

La demande présidentielle d’une « majorité solide »

Emmanuel Macron rappelle une fois encore ses attributions constitutionnelles, avant de « demander (nous soulignons derechef l’ordre présidentiel) à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’État de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance nationale,  d’engager un dialogue […] pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle ». Cette majorité solide « devra garantir la plus grande stabilité institutionnelle possible ».

Le Président fait référence ensuite de manière peu cohérente à « ce que les Français ont choisi par les urnes » qui doit être concrétisé par le « front républicain ».

Mais qu’est-ce que ce front, selon une expression déjà utilisée par Emmanuel Macron ? On comprend qu’il exclut les deux extrêmes que sont le Rassemblement National et La France insoumise. Toutefois, s’il part de la droite pour arriver à la gauche en passant par le centre, qu’en est-il du Parti communiste, dont les élus en déroute se comptent maintenant sur les doigts des deux mains ?

Un nécessaire « esprit de dépassement »

C’est à la lumière d’un certain nombre de principes, nous allons y revenir, que le Président décidera de la nomination du Premier ministre, ce qui suppose « de laisser un peu de temps aux forces politiques pour bâtir ces compromis », gain de temps qui n’a pas eu l’heur de plaire à la gauche et surtout à LFI.

Le chef de l’État invoque ensuite « l’esprit de dépassement » qu’il a toujours appelé de ses vœux. Autrement dit, il retourne astucieusement la situation et, s’il a initialement acté de manière implicite la défaite de son camp, dont les troupes ont été largement réduites, c’est pour mieux magnifier in fine « l’esprit de dépassement », nouvelle formule d’un plat réchauffé, celui du « en même temps », prôné de manière illisible depuis 2017. Et il clôt sa lettre aux Français par une référence à la nécessité de « travailler ensemble », en entérinant le terme suggéré par son allié François Bayrou pour caractériser la coalition présidentielle aux élections.

Une « nouvelle culture politique » doit être inventée par ce rassemblement « autour de quelques grands principes pour le pays, des valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible », le chef de l’État ajoutant en fin de phrase, comme si ceci n’était qu’accessoire, « prendre en compte les préoccupations » exprimées lors des élections. Mais quelles sont ces préoccupations ? L’insécurité et l’immigration sauvage ou bien le fait que « la police tue » ? La crainte d’augmentation d’impôts ou le désir de massacrer fiscalement les « riches » qui gagnent plus de 4.000 € par mois ? On pourrait multiplier les exemples.

Le flou macronien

Tout cela est flou, vaporeux, bref macronien. De quels principes s’agit-il ? Du respect des institutions républicaines (à commencer par l’institution présidentielle…), de l’État de droit, du parlementarisme, de l’Europe et de l’indépendance nationale ? Tout cela ne fait pas un programme de gouvernement.

Que sont les « valeurs républicaines » ? Nous y reviendrons prochainement dans une chronique. Quant à l’exigence d’un projet pragmatique et lisible, elle fait sourire. On sait ce que signifie le pragmatisme pour un homme politique français : c’est l’immobilisme, la politique justement sans principes au jour le jour, l’improvisation, les contradictions permanentes et en définitive l’échec, comme celui d’Emmanuel Macron. Quant à la lisibilité, on ne peut guère dire qu’elle ait caractérisé la politique suivie depuis sept longues années…

La voie ouverte à François Bayrou ?

Emmanuel Macron tente avec force habileté de revenir, sans mauvais jeu de mots, au centre du jeu. Il rappelle implicitement 1. qu’il a toutes les cartes en main pour désigner librement le Premier ministre conformément à la Constitution et 2. qu’il est et demeure le maître des horloges, même si les thuriféraires de LFI le pressent de désigner l’un des leurs comme Premier ministre.

Quant au fond, la lettre aux Français reprend des idées chères à François Bayrou : un extrémisme du centre dont les résultats ne peuvent qu’être maigres, à l’image du bilan du chef de l’État. Par le plus grand des hasards, le président du Modem n’a pas exclu sur BFMTV de prendre la tête d’un gouvernement. Il n’en demeure pas moins que la lettre a été très fraichement accueillie, tant à gauche qu’à droite, sans parler des extrêmes. Et le chef de l’État n’a pas donné d’indications sur ce qu’il adviendrait si sa demande expresse d’un « large rassemblement » et d’une « majorité solide » n’était pas satisfaite…

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4 commentaires

louis 12 juillet 2024 - 7:59

un egocentrique doué pour la com mais malin surtout ; la carotte qu’il a mit au rn et bientot a la lfi en dit long sur son coté tordu ; maintenant le commissaire politique merluche vat il se laisser faire ?….😆

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Broussard 12 juillet 2024 - 8:37

ahn François de Pau !
mais que lui demande-t-on à lui aussi ?
Christian

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Photini 12 juillet 2024 - 9:59

« Il rappelle implicitement 1. qu’il a toutes les cartes en main pour désigner librement le Premier ministre conformément à la Constitution et 2. qu’il est et demeure le maître des horloges, même si les thuriféraires de LFI le pressent de désigner l’un des leurs comme Premier ministre. » Super, s’il a toutes les cartes en main, cela qui veut dire qu’il sait ce qu’il fait. Cela nous rassure même si, nous, nous ne comprenons pas ce qu’il fait, trop complexe pour nous, par rapport à lui, qui sommes des primitifs. En tout cas, c’est certain, il ne connaît pas les lignes droites, lui préférant les lignes tordues, machiavéliques et pas très claires. Quant à parler du maitre des horloges, j’en ai marre de cette formule. Cette formule, non inscrite dans la constitution, ne donne pas un pouvoir constitutionnel à Macron, mais une crânerie de plus. Macron est plus maitre des pendules (et encore!) que maitre des horloges. Cette formule, maître des horloges, avait été inventée par Juppé ironisant sur Mitterrand qui, loin de se vexer, avait apprécié la formule qui allait bien avec sa grandeur et sa majesté. Macron, en chemise et manches retroussées aux coudes, est loin de cette majesté. Lui et sa midinette se rêvent en aristos mais ils n’en connaissent pas les codes.

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Papili-Aussi 13 juillet 2024 - 9:37

Après son Burn-out, l’enfant gâté a fait une crise de nerf et a cassé son jouet. Et comme tout gamin orgueilleux et colérique, juste au moment où c’est les plus embêtant pour l’entourage.
Puis un peu comme un jeune autiste (je parle en connaissance) il ne peut reconnaître sa bêtise et la rejette sur les autres. Aucun argument, aucune réflexion, aucune réprimande ne fonctionne.
C’est pas ma faute j’ai rien fait et globalement c’est ce qu’il écrit.

Drôle de monde où le président sénile le plus puissant du monde cotoye un « autiste » victime d’un burn-out

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