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Les « Trumponomics » méritent un examen plus approfondi

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Le programme économique du président Donald Trump est généralement perçu comme un mélange hétéroclite de mesures protectionnistes, d’allègements d’impôts pour les riches, d’augmentations incontrôlées dans les dépenses d’infrastructures et de réductions antisociales dans les prestations de santé. Priorité à la consommation, tel a été le dogme des décideurs politiques depuis la présidence d’Alan Greenspan à la Fed [Réserve fédérale] ; le plan d’infrastructure de Donald Trump pourrait changer tout cela.

Cependant, il serait peut-être judicieux d’examiner de plus près les objectifs de l’administration avant de tirer des conclusions hâtives.
Les États-Unis, de même que l’Europe, ont une solide tradition keynésienne au sujet des dépenses publiques. Et donc, l’actuelle administration américaine a hérité d’une situation difficile en matière d’économie, de finances et de fiscalité.
Le public, actuellement, réclame surtout du protectionnisme. Mais le mantra de l’actuelle administration n’est pas tant dirigé contre le libre-échange en lui-même que contre les pratiques déloyales de certains partenaires commerciaux des USA. Ce serait à l’évidence mieux pour la planète si les échanges de biens et de services étaient globalement libres. Mais soyons réalistes, aucun pays ne l’acceptera sans poser ses propres conditions.

La Chine et le bilatéralisme

Malheureusement, derrière la très louable intention de lutter contre les pratiques déloyales, il y a cette affirmation en grande partie non fondée – mais largement mise en avant dans la campagne présidentielle – que ces pratiques déloyales de la Chine en matière de travail [et de main-d’œuvre] ont entraîné la disparition de millions d’emplois industriels américains. Aucune mention des véritables coupables : les syndicats et les politiques américains, qui n’ont pas su assez moderniser l’industrie ni améliorer suffisamment les compétences des travailleurs et la productivité.

Que les USA aient un énorme déficit commercial avec la Chine et qu’ils imposent moins de restrictions qu’elle, d’une manière générale, sur le commerce et les affaires, c’est exact. Cependant, il faut tenir compte du fait que le pouvoir d’achat de la Chine est encore inférieur à celui des Etats-Unis, ce qui explique le niveau plus bas de ses importations. Cela ne veut pas dire pour autant que le président Trump a tort de pousser la Chine à assainir ses pratiques – ce que les présidents précédents ont fait aussi.

L’administration Trump évite de conclure des accords commerciaux multilatéraux, elle préfère les accords bilatéraux. Chacun a ses avantages et ses inconvénients. Observons pourtant que les accords du type Trans-Pacific Partnership (TPP / Partenariat trans-pacifique) ou Transtlantic Trade and Investment Partnership (TTIP / Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement) ont des aspects protectionnistes. Certains évidents, comme l’exclusion de pays tiers, d’autres déguisés, comme les exemptions et une réglementation excessive à l’intérieur de la prétendue zone de libre-échange.

Petite hypocrisie significative : la décision du président Trump de se retirer du TTP et du TTIP a été durement critiquée par certains groupes européens – les mêmes qui auparavant avaient tempêté contre le TTIP, en raison d’intérêts protectionnistes qui leur étaient propres.

L’économie mondiale pourrait souffrir davantage du projet de Border Adjustment Tax, ou taxe d’ajustement frontalier, de 20% – un prélèvement fiscal sur les importations. Mais cette mesure protectionniste temporaire ne sera probablement pas adoptée, n’ayant pas assez d’appuis au Congrès.

La « revanche » du Mexique

L’annulation du North Americain Free Trade Agreement (NAFTA – ou Accord de libre-échange nord-américain, ALENA) aurait à long terme des conséquences beaucoup plus sérieuses, et pour la plupart non-intentionnelles, que l’abandon du TTIP et du TTP.

Le but ostensible est de réduire l’excédent commercial de 60 billions de dollars avec les USA. Il ne fait aucun doute que l’économie mexicaine dépend pour une bonne part de ces exportations, qui fournissent surtout de la main-d’œuvre à bas prix aux sociétés US. Certains centres industriels, tels San Luis Potosi et Monterey, seraient durement atteints par une hausse des tarifs ; d’autres régions devraient être beaucoup moins touchées.

La pilule serait plus amère pour le Mexique. A long terme pourtant, la perte d’une partie de ces exportations lucratives pourrait obliger le gouvernement à adopter une stratégie un plus extensive afin de développer le pays tout entier. C’est là une opportunité pour échapper à la tutelle des USA et devenir économiquement autonome.

Au sud du Rio Grande, le message a été reçu cinq sur cinq. Le Mexique commence à beaucoup ouvrir les bras vers l’Asie, l’Europe et ses voisins d’Amérique latine. S’il parvient à diversifier son économie, les mesures protectionnistes US pourraient en fin de compte se révéler être une aubaine.

Un Mexique économiquement plus indépendant, cela implique beaucoup de choses pour les USA. A court terme, la situation pourrait certes créer quelques emplois dans l’industrie ; mais il est probable que le secteur agricole souffrirait puisque le Mexique – son plus grand marché à l’export – réduirait ses importations. A moyen terme, la croissance économique américaine se ressentirait de l’assèchement du flux de jeunes travailleurs du sud. D’un autre côté, les USA pourraient potentiellement gagner à avoir comme partenaire économique un Mexique plus fort et plus confiant.

Booster les affaires

Le président Trump veut réduire le niveau des impôts sur les sociétés aux Etats-Unis. C’est logique, dans la mesure où le taux d’imposition sur les sociétés est l’un des plus élevés de l’OCDE. Une telle mesure boosterait véritablement la compétitivité des entreprises américaines dans leur ensemble. Un niveau plus bas encouragerait aussi le rapatriement des profits réalisés à l’étranger. Ce que la précédente administration n’a pas réussi à faire avec des pressions et des amendes, celle-ci pourrait l’accomplir par l’incitation.

Un autre fardeau pour l’économie américaine est celui des coûts contraints par rapport aux réglementations. Par exemple, les dix plus grandes banques américaines ont dépensé plus de 50 milliards de dollars en conseil durant les cinq dernières années afin de s’assurer d’être en conformité avec les lois.

Le budget de la nouvelle administration sera en augmentation, mais se concentrera sur les investissements d’infrastructures plutôt que sur la consommation. C’est un domaine qui normalement assure un retour sur investissement. Des mises de fonds sont nécessaires parce que les infrastructures américaines sont obsolètes et tombent en ruines, particulièrement le réseau électrique et le réseau routier.

Adopté sous la présidence d’Alan Greenspan, le dogme de la Réserve fédérale américaine a été de stimuler l’économie par la consommation. Ainsi que le GIS l’a fait remarquer à plusieurs reprises, c’est une option qui perturbe le nécessaire équilibre entre consommation et investissement. Ce mépris envers l’investissement est l’une des principales raisons du malaise actuel dans les vieilles économies industrialisées.

Le succès d’un programme économique, quel qu’il soit, dépend de sa mise en œuvre. L’économie n’étant pas une science exacte, il y aura des conséquences que l’on n’attendait pas forcément, bonnes ou mauvaises. Les prévisions de l’administration Trump en ce qui concerne les impôts, les infrastructures et la dérégulation, devraient toutes avoir des effets positifs.

En ce qui concerne les effets négatifs, la Taxe d’ajustement frontalier semble n’être que fanfaronnade, sans aucune chance de passer. L’impact des nouveaux traités bilatéraux de commerce est impossible à prévoir, il dépendra essentiellement de l’habileté des négociateurs. Le point le plus contestable concerne le Mexique, les solutions proposées par M. Trump conduisant probablement à une impasse. Cependant, si le Mexique saisit l’opportunité que ce nouveau défi lui offre, peut-être son économie sortira-t-elle fortifiée de ses difficultés actuelles.

De ce point de vue, il y a des raisons de se montrer optimiste sur les conséquences économiques de la présidence Trump – malgré les inquiétudes concernant la question du protectionnisme.

Michael von Liechtenstein est membre du Comité Directeur de l’IREF et fondateur du think tank GIS (Geopolitical Intelligence Services) sur lequel a été publiée la version anglaise de cet article

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