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Pourquoi l’Etat français ne garde pas les bulletins de paye de ses fonctionnaires ?

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L’État français, si exigeant envers les autres, est rigoureusement incapable lui-même de produire des fiches de paye remontant à plus de cinq ans. Cette situation grotesque sert de prétexte pour ne pas réformer le système de retraite des fonctionnaires ! Il est vraiment temps de réformer notre Etat obèse et impotent !

Tous les spécialistes le savaient depuis longtemps, mais nul doute que beaucoup de Français ont été stupéfaits d’apprendre le 2 mars dernier, lors du journal du soir de France 2, que l’obstacle sur lequel butait l’alignement du régime de retraite des fonctionnaires par rapport à celui du privé, c’était tout simplement … que l’État français ne conservait pas plus de cinq ans les bulletins ou fichiers de paye de ses agents. Alors, comment voulez-vous donc retenir comme dans le privé la référence aux vingt-cinq meilleures années de salaire, si , en l’absence de toute caisse de retraite autonome conservant ces données sur toute la carrière du salarié, vous n’en conservez que les cinq dernières, en vous dépêchant de détruire consciencieusement toutes les autres ? Avec une telle objection que reprend d’ailleurs avec gourmandise la Cour des Comptes, voilà nos fonctionnaires tranquilles pour au moins trois décennies de plus, le temps afin de rétablir la parité public/privé que se constituent patiemment les premières séries longues actuellement bloquées à cinq ans.

Mais au-delà même de ces difficultés aisément contournables en imposant tout de suite une référence aux cinq dernières années et en faisant ensuite converger progressivement les délais de conservation et d’intégration des données publiques comme privées, cette situation ubuesque interpelle tout citoyen qui porte quelque intérêt à la chose publique. Ainsi l’État ne craint pas d’exiger de simples particuliers qu’ils conservent durant plus de trente ans ans toutes les factures nécessaires pour déterminer le montant de la plus-value assujettie aux prélèvements sociaux d’une résidence secondaire revendue au cours de la vingt-neuvième année suivant son acquisition De même, dans le privé de longs délais de garde sont exigés de tous les employeurs, par eux-mêmes ou via les Caisses de retraites auxquelles ils cotisent, pour tout ce qui concerne la conservation des éléments de retraite de leurs salariés. De son côté, le droit pénal repousse volontiers, via notamment la longueur des procédures et les expertises très au-delà de cinq ans le délai prudentiel de conservation d’un certain nombre de documents ou pièces susceptibles d’être requis dans le cadre d’une instruction. Donc par le biais de sa législation foisonnante, l’État a parfaitement su imposer non seulement à une multitude d’acteurs professionnels, mais aussi jusqu’à de simples particuliers, l’organisation et la maintenance d’un système d’archives particulièrement performant, puisque capable parfois de couvrir une génération entière .

Or on ne peut être que douloureusement surpris de constater que cet État si exigeant envers les autres est rigoureusement incapable lui-même de produire des fiches de paye remontant à plus de cinq ans. Il faut dire qu’en matière de paye publique, l’État français qui jusqu’à présent n’a jamais voulu entendre parler pour sa fonction publique d’une Caisse de retraite autonome, émarge quasiment au degré zéro des standards en la matière, en fournissant quasiment l’étalon du pire. Cela fait déjà plusieurs fois – et la Cour des comptes l’a expressément déploré – que, tout en ayant engagé des capitaux importants et des équipes nombreuses, l’État a dû concéder que ses services comme ses conseils étaient rigoureusement incapables de concevoir et de mettre en place un système universel de paye pour ses propres agents. Notamment, le système Louvois, destiné aux Armées, a longuement défrayé la chronique en laissant plusieurs mois dans le besoin et parfois sans solde du tout les familles restées en métropole des soldats engagés en opérations extérieures.

Alors quand dans la fonction publique d’État notamment, on nous explique avec hauteur que si les rémunérations et les pensions de ces fonctionnaires excédent nettement celles du privé, c’est parce que sélectionnés par des concours difficiles, ils déploient des qualifications et des capacités d’initiative nettement supérieures à celles de leurs collègues du privé, on peut raisonnablement objecter que dans le privé de tels échecs à répétition se traduiraient par le licenciement immédiat et justifié des équipes en cause. Et pour une grande Nation qui se targue à l’envi d’avoir les meilleurs services publics du monde,

– qu’un pays qui regorge d’éminents Inspecteurs des Finances, de légions de Polytechniciens rompus à l’informatique, de plusieurs centaines de Magistrats expérimentés à la Cour des comptes, de nuées d’inspecteurs qu’ils soient du fisc, des affaires sociales ou du travail,

– qu’un pays qui s’est doté en plus d’une prestigieuse École Nationale d’Administration censée précisément former une élite de hauts fonctionnaires maitrisant tous les compartiments de la gestion de l’État (malheureusement, trop souvent ces derniers lui préfèrent au prix d’un « léger » conflit d’intérêts l’engagement politique jugé plus valorisant!),

n’arrive pas à concevoir et mettre en place un simple système de paye pour sa fonction publique, cela fait singulièrement désordre et n’honore guère nos dirigeants publics. Est-il besoin en effet de rappeler que pour tout leur personnel, ce challenge est relevé quotidiennement et sans faillir par de grandes firmes privées ou des entités publiques qui emploient partout dans le monde des effectifs pratiquement équivalents ou supérieurs à ceux de l’État français?

Il y a incontestablement, pour la paye de l’État, comme dans nombre d’autres domaines tels que l’Éducation ou la Santé, quelque chose à changer dans notre complexe public de supériorité nationale, alors que partout nos concurrents nous démontrent dans l’organisation et le fonctionnement de leurs services publics qu’ils arrivent le plus souvent à faire aussi bien et même parfois mieux, à le faire aussi plus vite et avec moins de moyens que nous. Nos logiciels de pensée, de gouvernement, d’organisation et de gestion publics trop souvent marqués au coin d’une insupportable arrogance, sont pour la plupart largement surannés. Et s’obstiner, comme on le fait depuis des décennies en repoussant toute réforme sérieuse, à empiler à grands frais des rafistolages incertains et indignes ne suffira pas à maintenir durablement notre Nation au rang qui devrait être le sien.

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2 commentaires

Jean-Paul DELHAYE 7 mars 2017 - 2:21 pm

La FETE
Bonne Journée

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Thierry BENNE 9 mars 2017 - 4:07 pm

MISE AU POINT SUR LES VINGT-CINQ MEILLEURES ANNÉES DE SALAIRES
Un fidèle lecteur, Monsieur DUFAY, s'étonne légitimement que, malgré la référence dans l'article aux "vingt-cinq meilleures années de salaires", les années de ses plus forts salaires n'apparaissent pas dans les millésimes des 25 plafonds annuels retenus pour la liquidation de sa retraite.

Il est vrai que ces vingt-cinq années existent bel et bien et qu'elles constituent la référence effective pour le régime de base, mais seulement dans la limite annuelle du plafond annuel de sécurité sociale. Le problème signalé d'éventuels décalages dans le temps provient en réalité de ce que depuis plusieurs décennies le plafond a le plus souvent chaque année été augmenté au-delà du strict cours de l'inflation (notion de "coup de pouce"). Si bien que pour un salarié constamment au-dessus du plafond durant toute sa carrière ou la majeure partie de cette dernière, les 25 meilleures années de salaires"plafonnés" effectivement retenues ne correspondent plus nécessairement aux 25 meilleures années de salaire total. Cette politique de revalorisation "majorée" des plafonds a pour conséquence de privilégier lors de la liquidation l'émergence des plafonds les plus récents, indépendamment de l'importance du salaire réel pour peu qu'il atteigne ou dépasse ce plafond.

Remarquons en sens inverse que lorsque, durant toute une carrière, le salaire demeure inférieur au plafond annuel de référence, ce sont bien les meilleurs salaires et eux seuls qui sont retenus. Mais quand, comme dans le cas du lecteur, joue la substitution de plafond, elle est normalement favorable au retraité qui a tout intérêt à ce que la liquidation de sa retraite S.S. s'effectue sur les bases les plus élevées, puisque la pension annuelle correspond à taux plein à la moitié du montant du salaire annuel moyen. Or chaque salaire participant à la moyenne est retenu dans la limite du plafond propre à son année de perception reconverti en euros constants à la date de la cessation d'activité.

En dépit donc de la pertinence de l'observation, c'est pourtant bien l'expression des 25 meilleures années de salaire qui est très généralement utilisée – même dans les milieux spécialisés – lorsqu'il est question de la retraite de base, sans doute pour éviter de provoquer la perplexité des lecteurs, en compliquant encore une présentation dont l'explication alternative (telle que ci-dessus) serait pour la plupart d'entre eux passablement hermétique.

Je profite de cette mise au point pour prévenir toute autre confusion en précisant en tant que de besoin que cette restriction référentielle pour le cas considéré aux 25 meilleurs salaires plafonnés vaut pour la seule retraite de base, puisque pour les retraites complémentaires, le système des points couvre bien entendu, quelle que soit sa durée, la carrière toute entière et le total de la rémunération du salarié.

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