Par sécurité intérieure, on peut entendre ici deux des pouvoirs régaliens de l’Etat : la justice et la police.
Décrié la plupart du temps pour ses insuffisances -, la lenteur de ses procédures pénales, l’insalubrité des établissements pénitentiaires, notre système judiciaire fait souvent l’objet de rapports de la Cour des comptes ; mais ses recommandations sont-elles suivies ?
A. Les juridictions
Pour améliorer la gestion des juridictions, des effectifs supplémentaires ont été consentis. Mais la Cour des comptes estime que les administrations auraient pu faire face à l’accroissement et à la complexité des contentieux, sans augmentation des effectifs.
Recommandations | Suivies |
Remédier à l’absence d’indicateurs chiffrés permettant le pilotage des travaux des juridictions. | Oui Il existe des tableaux d’indicateurs statistiques mensuels, qui donnent une image complète de l’activité de la juridiction, de sa productivité, du rapport entre les charges et les moyens en personnels, avec une comparaison entre les juridictions pour les années antérieures. |
Rééquilibrer la répartition des effectifs et la charge de travail entre les juridictions et entre les magistrats ; ce qui faciliterait la résorption du stock des dossiers anciens. | Non |
Maîtrise de la gestion du parc immobilier trop ancien, ou inadapté- aux activités juridictionnelles. | Rationalisation entamée. Le déploiement du logiciel ARAMIS, qui centralise les données, semble répondre au besoin mentionné par la Cour. |
B. La gestion des frais de justice
Les frais de justice constituent des dépenses que l’Etat prend en charge, ou dont il fait l’avance- en contrepartie d’une prestation (allocation ? prestation terme trop vague), prescrite par un magistrat ou un officier de police judiciaire (OPJ), dans le cadre d’une procédure judiciaire déterminée. Parce que les — frais de justice sont jugés nécessaires à l’exercice de celle-ci, aucun plafond budgétaire ne pouvait lui?) être opposé : jusqu’en 2005, elles ont été imputées sur des crédits dits évaluatifs. De 1999 à 2005, elles avaient doublé pour atteindre près de 490 millions d’euros.
En 2008, après avoir constaté la fin de cette gabegie, avec même une baisse en 2006 des frais de justice, la Cour des comptes a proposé – une série de recommandations, afin de faire diminuer les frais de justice, ou tout du moins d’en arrêter l’accroissement perpétuel et démesuré > (contradiction avec la 1ère partie de la phrase de ce paragraphe). Le tout sans qu’il soit porté atteinte à la liberté de prescription des magistrats et des OPJS (officier de Police judiciaire).
Suivi |
Non Après avoir progressé de 42,7 % entre 2003 et 2005, puis nettement régressé en 2006 (- 22,1 %) du fait du passage de crédits évaluatifs à des crédits limitatifs, les frais de justice augmentait à nouveau dès 2007 . Ils sont passés successivement de 388,6 millions d’euros en 2007, à 401,7 millions d’euros en 2008 ( + 3,4 % ), à 432,5 millions d’euros en 2009 ( + 7,7 % ) et enfin 467,83 millions d’euros en 2010 ( + 8,2 % ), soit une augmentation totale de 23,3 % en quatre ans ! |
C. Le service public pénitentiaire
Recommandations | Suivies |
Développer l’évaluation individuelle de chaque situation, grâce au centre national d’évaluation doté d’une capacité adaptée. | Oui Alors qu’à la publication de la Cour des comptes, il n’y avait qu’un seul CNE : – ouverture en 2011 dans le centre pénitentiaire de Réau en Seine-et-Marne. – et ouverture en 2012, d’un troisième centre à la prison de Sequedin. |
Achever dans ce cadre l’harmonisation des règlements intérieurs des établissements, en fonction de leur catégorie. | Non, elle (l’harmonisation) n’est pas achevée. Mais le décret n°2013-368, du 30 avril 2013, relatif aux règlements types intérieurs des établissements pénitentiaires précise les dispositions relatives aux droits et aux devoirs des personnes détenues, sous la forme d’un règlement intérieur type, annexé à l’article R. 57-6-18 du CPP. |
Publier sans délai les décrets d’application de la loi pénitentiaire de novembre 2009. | Oui Sans délai non Décret n°2010-1634 du 23 décembre 2010 |
Régulariser le cahier électronique de liaison (CEL), après consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. | Oui Avis de la CNIL et autorisation du Conseil d’Etat. Par le décret du 6 juillet 2011, il y a eu la création d’un traitement de données à caractère personnel, relatif à la gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE). |
Elaborer une méthode fiable de comparaison entre les gestions déléguée et publique, en y intégrant des indicateurs de coûts avec également des indicateurs de qualité de service. | Non |
Accorder les prestations sociales de droit commun aux bénéficiaires d’aménagement de peine. | Oui Circulaire n° DGCS/SD1C/2012/299 du 30 juillet 2012, relative aux conditions d’accès et aux modalités de calcul du revenu de solidarité active, et de l’allocation aux adultes handicapés placées aux mains de la justice, qu’elles soient incarcérées ou qu’elles bénéficient d’une mesure d’aménagement ou d’exécution de peine. |
D. Parc automobile service police nationale
Recommandations | Suivies | |
Mettre en oeuvre un plan pluriannuel assorti d’objectifs chiffrés pour faire baisser le nombre d’accidents automobile. | Oui | Mise en place d’une lutte contre les accidents avec un plan de prévention des risques routiers comportant plusieurs actions de formation, et de sensibilisation … |
Définir, pour chaque direction et service central, un parc automobile de référence qui prévoit le nombre, la nature et le niveau d’équipement des véhicules, selon les missions opérationnelles, administratives et de transport des personnes. | Oui Encadrement de la typologie des véhicules, ainsi que de l’utilisation des véhicules de fonction. |
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Faire supporter le coût des mises à disposition par les ministères concernés. | Pas d’information | |
Réglementer la mise à disposition des véhicules et des chauffeurs auprès des personnes qui n’exercent pas de fonction au ministère de l’Intérieur… | Pas d’information | |
Arrêter une procédure d’autorisation et décider de critères rigoureux pour l’affectation de véhicules à titre individuel ou permanent. | Pas d’information | |
Limiter l’utilisation des véhicules à des fins personnelles, y compris sur les trajets domicile-travail, et soumettre celle-ci aux règles fiscales, applicables aux avantages en nature. | Pas d’information | |
Doter l’administration centrale d’outils de gestion, permettant une connaissance des coûts totaux d’utilisation du parc automobile, qui ne se limitent pas à la maintenance assurée par le SCA. | Non | |
Maitriser l’accroissement du parc automobile. | Oui Un programme de réduction du parc automobile a été instauré, avec une baisse de 10% entre 2008 et 2012. |
Conclusion
La France est sans cesse condamnée, notamment par la Cour européenne des droits de l’homme, pour l’état de ses prisons et la lenteur de ses procédures judiciaires.
Les recommandations de la Cour des comptes sur les établissements pénitenciers ont été dans l’ensemble plutôt suivies. En effet, celle-ci veille à l’égalité des droits, y compris dans les prisons, notamment au sujet des prestations sociales. Il faut ajouter qu’elle ne s’attarde pas sur les reproches, bien souvent accablants, que mérite notre système carcérale pour son insalubrité et sa promiscuité en particulier…
La prison est une sanction, mais il est du devoir régalien de l’Etat de s’assurer que les établissements sont des lieux de privation de liberté, et non des fosses… Pourtant, la Cour ne mentionne aucunement cet aspect de la réalité. De plus, la surpopulation carcérale est elle aussi une réalité. Certains établissements comportent des cellules où sont emprisonnées plus de personnes qu’il n’y a de lits !
Face à ce constat, il apparaît évident qu’il faille ouvrir de nouveaux établissements pénitenciers. Mais rien n’est fait en la matière ! La France ne veut, ni investir « à perte » dans ce type d’infrastructures, ni ouvrir trop grande la porte au domaine privé pour la gestion de celles-ci. Elle préfère orienter des réformes de justice qui limitent les peines de prisons et en réduisent la durée-… Un projet de loi est en cours d’élaboration, qui doit être présenté dans les prochains mois par le ministre de la Justice, Christiane Taubira. L’un de ses buts en serait d’annuler les peines planchers.
La lutte contre le « tout carcéral » est une vision défendable, certes. Mais une réalité s’impose : pendant que la France connaît une surpopulation carcérale, l’Allemagne, elle, ferme ses prisons, faute de détenus.
Les observations à l’encontre des juridictions ont été suivies. En revanche, les recommandations contenues dans le rapport de la Cour n’ont absolument pas pesé pour la gestion des frais de justice.
Le cas particulier du parc automobile du service de la police nationale est intéressant, car il –
démontre les abus en usage. On pourrait rétorquer que ce n’est pas si grave. Il n’empêche, si l’on multiplie ce type d’exemples à – l’ensemble de l’administration française, on pourrait se demander à combien se chiffrerait la dépense publique pour cet usage privé de biens publics… Le rôle de la Cour des comptes consistant à contrôler et à veiller au bon emploi des fonds publics, il aurait été intéressant que celle-ci fît une estimation du coût, supporté par le contribuable, de l’utilisation des véhicules à des fins personnelles par la police !