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Gagner plus sans travailler plus

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L’article « Gagner plus sans travailler plus » de Jacques Garello, administrateur de l’IREF, a été publié par Le Figaro dans son édition du 27 avril.

Lire l’article plus bas.

L’article « Gagner plus sans travailler plus » de Jacques Garello, administrateur de l’IREF, a été publié par Le Figaro dans son édition du 27 avril.

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Travailler plus pour gagner plus : le principe est dépassé. Il avait d’ailleurs un air un peu ringard, et semblait trop évident. Lier l’effort et la rémunération n’a réellement rien d’original. Pendant des siècles les hommes ont gagné leur pain à la sueur de leur front ; ils n’avaient pas fait preuve de beaucoup d’imagination.

Fort heureusement, l’imagination est au pouvoir, elle a peut-être même inspiré l’opposition. Voici donc le nouveau principe : gagner plus sans travailler plus.

Assurément, cette innovation est appelée à avoir un retentissement européen, voire mondial. Au niveau de l’Europe la France va se hâter de convaincre les 27 qu’il faut pénaliser les dividendes, et elle sera sans doute suivie à l’unanimité : l’Union se doit s’être sociale. Au niveau mondial, Chinois, Indiens et autres émergents demanderont à leurs travailleurs de freiner leurs efforts et de s’en remettre à leurs gouvernements pour leur assurer un supplément de pouvoir d’achat. Du coup, la concurrence avec ces pays où l’on travaille dur, trop dur, sera enfin équitable.

J’ai pourtant un doute sur les sources intellectuelles de cette innovation. Ne s’agirait-il pas de la vieille lune de la lutte des classes accommodée à la sauce électorale ? Marx nous a appris que le profit avait pour origine l’exploitation des salariés. Que l’on rende aux travailleurs l’argent qui leur a été volé ne serait que justice.

Mais en sens inverse le vol est-il justifié quand il atteint les actionnaires et qu’on prétend en faire bénéficier les salariés ?

Je remarque d’abord que le « bénéfice » est mince, et peut se transformer rapidement en perte. Les dividendes distribués par les sociétés françaises représentent environ la moitié des profits, ce qui représente un taux de rendement moyen de 3 ou 4 % actuellement (ce sont les plus-values des actions qui en font leur attrait, et non leur rapport). Si on diminue les dividendes, les actionnaires vont-ils continuer longtemps à apporter leur argent? Avec un marché financier mondialisé, ils choisiront bien vite des entreprises étrangères qui échappent à notre réglementation, tandis que les étrangers fuiront les investissements en actions françaises.

Manquant déjà des fonds nécessaires à leur compétitivité, nos entreprises seront vite balayées du marché mondial, et les emplois disparaîtront du même coup. Les salariés des PME sont ici concernés comme les autres : par exemple les effectifs seront réduits pour revenir en dessous du seuil fatidique des 50 salariés.

Mais quel serait donc le crime social des actionnaires, et en quoi les dividendes seraient-ils condamnables ?

Je ne veux même pas invoquer ici le droit de propriété, rayé des principes de la République Française depuis longtemps. Reconnaître la propriété c’est garantir au propriétaire l’usage et la libre disposition de son bien, mais aussi la propriété de ses fruits. Voilà un siècle ou plus que l’Etat confisque, exproprie, taxe et limite la propriété. Une atteinte de plus ou de moins ne peut émouvoir que les puristes ou les possédants – électoralement sinistrés.

Je veux en revanche souligner les conséquences économiques du vol des actionnaires, car je crains qu’on n’y ait pas tout à fait réfléchi en haut lieu.

On ramène souvent le mérite des actionnaires à leur apport en capital. Ce mérite n’est pas mince : accepter d’engager son argent dans une affaire n’est déjà pas si banal ; nombreux sont ceux qui préfèrent placer leur épargne à taux fixe plutôt que d’être soumis aux aléas du profit. Mais l’actionnaire est plus qu’un épargnant ou un banquier : il est le personnage central de la gouvernance des entreprises. C’est lui qui surveille la gestion des dirigeants, et il a précisément pour baromètres le profit réalisé et le dividende qu’il percevra. C’est lui qui dira s’il veut ou non réinvestir dans l’affaire. C’est lui qui renverra des dirigeants mauvais gestionnaires.

On m’opposera que les actionnaires n’ont pas voix au chapitre, et que les Assemblées générales

ne sont que mises en scène, en dépit des protections légales. En fait, comme l’a démontré Henry Manne, le véritable inventeur du concept de « gouvernance », l’actionnaire a un pouvoir redoutable : celui de vendre son action s’il est mécontent de la gestion, s’il se sent spolié d’un dividende par la faute de dirigeants peu performants. La vente des actions en fait baisser le cours, et l’entreprise devient vulnérable à une offre publique d’achat ou d’échange – et les dirigeants seront remerciés pour n’avoir pas su valoriser les fonds que les actionnaires leur avaient confiés. En sens inverse, des dirigeants performants et distribuant des dividendes substantiels pourront facilement attirer l’épargne dont l’entreprise a besoin pour se développer.

Fausser la distribution des dividendes, c’est éliminer la gouvernance.

C’est aussi bouleverser l’équilibre de l’entreprise, qui repose sur un trépied : les clients, le personnel, les actionnaires. Dépouiller les uns pour avantager les autres n’a aucun sens.

Des prix trop élevés au regard des qualités du produit et de la concurrence, des salaires sans rapport avec la qualification et la productivité, des dividendes inférieurs à ceux d’une bonne gestion : ces vices condamnent l’entreprise.

Je crains que le projet gouvernemental ne sacrifie au culte de la redistribution au prétexte démagogique de « justice sociale ». L’Etat laisse croire que grâce à lui le pouvoir d’achat peut augmenter, alors même que les droits acquis par les uns et les autres ne peuvent être que la contre partie de services rendus à la communauté. Les malins ont appris à tirer parti de l’Etat Providence : gagner plus sans travailler plus. Et l’Etat de leur donner raison. Jadis les ouvriers d’URSS disaient de leurs planificateurs : « ils font semblant de nous payer, nous faisons semblant de travailler ». L’Etat Providence français fait encore mieux : inutile de « faire semblant », puisque la hausse du pouvoir d’achat est devenue un droit social, garanti par les caisses publiques. Et quand les caisses sont vides, le miracle se produit : on puise dans les dividendes…tant qu’il y en a.

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