Chaque pays a tendance à considérer comme naturel – ce qu’il a coutume de faire. La comparaison est un outil certes critique, mais néanmoins indispensable à la poursuite de l’excellence. Au Royaume-Uni, – comme en France, les comptes publics et ceux des administrations publiques sont vérifiés soigneusement. Outre-Manche, le travail y est effectué par la National Audit Office.
La structure du système de contrôle est similaire dans les deux pays. Tout comme la Cour des comptes en France, la NAO ne s’occupe que très rarement de cas qui correspondent aux problèmes locaux. Il y a des agences locales qui effectuent le travail de la même manière que nos chambres territoriales. En revanche, une spécificité réside chez nos voisins britanniques dans la mesure où le Royaume-Uni constitue un ensemble de plusieurs pays. C’est ainsi, qu’il existe un cabinet d’audit pour l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord.
En revanche, les deux institutions n’ont pas le même âge. – Tandis qu’en France, la Cour telle qu’elle est aujourd’hui est fondée – au début du XIX siècle, la NAO subit un renouveau majeur dans les années 80. Il y a eu une modernisation complète du système avec, en 1983, la création du «National Audit Act ». Dès lors celle-ci sera en charge du contrôle externe total des comptes publics et des entreprises pour lesquelles l’Etat est impliqué, de près ou de loin.
A. Rôle
1. la Cour des comptes, il lui faut :
– certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’Etat ;
– vérifier les règles de la comptabilité ;
– contrôler le bon emploi et la gestion rigoureuse des fonds publics
2 . NAO, il lui faut :
– informer le gouvernement pour que celui-ci puisse prendre ses décisions sur des bases fiables ;
– améliorer la gestion financière des différents services publics ;
– tenir au courant les différents services des enjeux d’une gestion rigoureuse de leurs activités.
La raison d’être de la NAO se résume en une ligne conductrice : « Pour chaque livre sterling dépensée, faire gagner effectivement £9 de dépense publique ».
B. Le fonctionnement
La NAO est une agence indépendante de toute tutelle. Elle présente ses travaux au Parlement et au Gouvernement. Cette liberté – date de 1983, alors qu’en France, ce n’est qu’en 2005 que la Cour des comptes s’est affranchie de la tutelle du ministère des Finances. Il est à noter que cette indépendance a pour origine la volonté politique de Philippe Séguin, qui était alors Premier président de la Cour des comptes.
Les visions de ces deux institutions s’opposent. En effet, alors que la NAO veut à tous prix obtenir des résultats chiffrés, la Cour des comptes se contente de vérifier les comptes en formulant des recommandations. De plus, ce n’est que depuis la promulgation de la loi LOLF, que la Cour effectue des suivis de certains des sujets traités, tandis que la NAO effectue au contraire le suivi de ses recommandations pour l’ensemble de ses rapports -. Alors que le fait de connaître le pourcentage des suites données à ses recommandations est nouveau pour la Cour des comptes, cela est tout à fait naturel pour la NAO !
A l’inverse, l’agence britannique ne peut entamer de procédure à caractère judiciaire en cas de manquement délictueux. Ce qui n’empêche pas ses travaux de se trouver à l’origine de procédures pénales si des responsabilités venaient à apparaître. A la Cour des comptes, c’est tout à fait possible, qui peut prendre par elle-même des sanctions, à l’intérieur d’un certain cadre. Il faut dire cependant qu’elle use très rarement de ce pouvoir, car elle préfère l’option de l’ouverture d’une procédure, soit près la Cour de discipline budgétaire et financière, soit auprès d’un juge judiciaire.
C. La méthode de travail
La NAO a de manière totalement volontaire adopté les méthodes de travail- selon les standards de l’ISA (International Standards on Auditing). Alors que la Cour des comptes a développé sa propre méthodologie d’audit, en s’inspirant des standards ISA.
Présentation simplifiée des recommandations
– Royaume-Uni :
– Rapport
– Communication auprès du gouvernement
– Présentation au parlement
– Suivis
– France :
– Rapport
– Communication au gouvernement ;
– Courrier aux intéressés par le chef de service ;
– Suivis
D. Le personnel
En France, le personnel de la Cour des comptes a le statut de fonctionnaire, que ces personnes soient employées à temps complet ou à mi-temps*. Afin d’en garantir leur renouvellement, ces effectifs subissent chaque année une rotation de 10%. Du fait de la nature du statut de ces personnels, leurs origines socio-professionnelles proviennent logiquement de la fonction publique. On recense plus de 1 800 personnes qui travaillent pour la Cour des comptes. Cependant selon le Sénat, il n’y aurait que 600 correspondants proprement dits à l’institution. La différence serait à mettre au compte des chambres régionales.
De son côté, la NAO compte 860 professionnels. Leur curriculum vitae fait état d’expériences à la fois dans le public et le privé, et ils n’ont pas le statut de fonctionnaire. En effet, l’Agence est soumise au droit privé. Il faut noter qu’au Royaume-Uni, plus de 80% des fonctionnaires travaillent dans des agences de droit privé. De plus, une politique stricte y est appliquée, qui est destinée à éviter les conflits d’intérêts, que ce soit avec le secteur privé ou le secteur public. Tandis que cette formule n’est pas d’usage au sein de l’institution française.
E. L’impact des travaux
1. La Cour des comptes
Elle émet des rapports, afin de souligner les défaillances ou les gaspillages d’un service public au Ministre concerné, ce qui devrait donner lieu normalement à la prise en considération des – mesures. En réalité, il s’agit surtout de porter le problème à la connaissance de l’autorité concernée. Notons toutefois, qu’il n’y a aucune obligation de suivre les recommandations de la Cour. Elle ne peut jouer en revanche que sur le fait qu’elle a la possibilité de rendre public son rapport. Ce qui n’empêche pas de constater que, même si ceux-ci sont publics et que tout le monde connait de ce fait l’ampleur des dysfonctionnements de certains secteurs, il n’y a pas pour autant de grands changements, qui soient conformes à ses travaux.
En revanche, sur le plan juridique, ses travaux peuvent avoir un impact. En effet, lorsqu’une faute est constatée, il y aura toujours une réaction qui suivra. Mais cette suite donnée aux recommandations est très variable. D’autant plus que certaines d’entre elles ne peuvent faire l’objet d’un suivi par manque d’indicateurs ou d’évaluation : telle que le dit l’expression « améliorer la qualité du service » ! De même que la Cour a tendance à se flatter. Comme cela a été indiqué, la Cour désormais mesure le résultat de ses recommandations chaque année.
Plusieurs remarques méritent d’être citées à ce propos :
– comment fait-elle pour établir un pourcentage de son taux de réussite, alors qu’elle ne mesure pas le résultat de son action sur tous les sujets qu’elle a abordés l’année précédente !? A moins, ce qui est possible, qu’elle ne publie pas toutes les retombées de ses actions sur son site.
– ou alors, les chiffres qu’elle avance ne sont pas vérifiables…, ou encore ils sont extrapolés dans le but de la mettre en valeur.
– certaines de ses recommandations sont classées comme ayant été suivies, alors qu’en réalité elles n’en sont qu’au stade de la réflexion dans le service concerné, qui réfléchit sur un changement conforme aux observations de la Cour.
La Cour des comptes est soumise au contrôle budgétaire du Parlement, dans la mesure où c’est lui qui vote le budget de celle-ci. Pour autant, cela ne l’empêche pas d’obtenir de l’argent du Parlement provenant de la réserve parlementaire, bien que celle-ci ne lui était pas destinée au départ.
2. Le National audit office du RU :
La NAO se fixe des objectifs chiffrés et présente donc les résultats de ses travaux dans cette même logique. Ainsi nous savons combien de deniers publics ont fait économiser les études et les recommandations de la NAO.
année | Économies réalisées grâce aux travaux du NAO |
2009 | £768 Million |
2010 | £890 Million |
2011 | £1 Milliard |
2012 | £1,1 Milliard |
La NAO a également indiqué dans son rapport annuel de 2012, que pour chaque livre dépensée pour le fonctionnement de l’agence, l’économie faite en était de 16 livres sterling. Ce ratio permet ainsi d’apprécier l’efficience de l’organisation.
Par ailleurs, cette Agence rend public le détail des économies, réalisées- secteur par secteur, comme les coûts qu’elle avait diffusés domaine par domaine.
F. Le budget
Une différence très importante entre les deux entités, doit être soulignée, qui concerne leurs ressources. En effet, toutes deux reçoivent des crédits provenant du budget de l’Etat, mais la NAO compte également sur ses recettes propres tirées de ses prestations. On peut dire que cette situation est totalement inconcevable pour la Cour des comptes.
( en millions d’euros ) | Cours des comptes | National Audit Office[[Dépenses de fonctionnement, d’intervention et d’investissement : £ 67 732 000 Dépenses de personnel : £ 59 533 000 Taux de change : 1 GBP = 1,1672 EUR le 31/01/2013]] |
Dépenses de fonctionnement, d’intervention et d’investissement. | 30,420 | 79,057*2 |
Dépenses de personnel[[Comprenant : salaires, cotisations sociales et indemnités.]] | 175,720 | 69,487*2 |
Total | 206,140 | 148,544 |
Source : Cours des comptes / NAO |
Conclusion
Avantages | Inconvénients | |
Cours des comptes | N’est pas focalisée sur un type d’objectif économique, notamment. Cela présente l’avantage, qu’elle peut réfléchir sur des sujets qui paraissent insignifiants à première vue mais qui, en fin de compte se révèleront des manquements délictueux. |
Elle n’a pas assez d’influence pour exiger que ses recommandations soient suivies, le terme « d’observation » semblant plus approprié que celui de recommandation. Le statut de « fonctionnaire public » de son personnel fait que, dans certains cas, la Cour est à la fois juge et partie. |
NAO | Assure un résultat comptable concret, consultable et constaté d’année en année. Elle est tenue d’obtenir des résultats, ce qui la pousse à être efficace. Sa politique de stricte information sur les conflits d’intérêt possibles lui assure une certaine neutralité |
Bonne vision sur l’aspect économique du fonctionnement des administrations publiques. Certains sujets sont écartés, parce que défini dans un cadre – politique. |
Comme nous pouvons le constater, la NAO est en fin de compte moins politisée que son correspondant français. D’autres pays géographiquement proches de la France se sont récemment lancés dans la dépolitisation de leurs administrations : l’Espagne et l’Italie. Car il est certain que le recours à des agences de droit privé semble être le choix le plus judicieux dans la poursuite de l’objectif.
La mise en place en 1992 par le gouvernement britannique de la PFI (Private Finance Initiative) reprend une série de contrats, qui se situent entre la régie et la privatisation, et allant de la concession jusqu’au contrat de partenariat. Le principe fondamental en est que le partenaire privé devient le créateur et le propriétaire d’un bien, dont désormais il va assurer la direction dans l’intérêt public.
Le PFI est utilisé dans la plupart des domaines qui sont par tradition à la charge des collectivités locales et, dont la gestion était auparavant confiée aux services techniques municipaux.
En France, les Partenariats public-privé (PPP) sont proches de cette formule. La puissance publique délègue à un partenaire privé tout à la fois, la conception, la réalisation, le financement, l’exploitation et la maintenance d’équipements, ou de services publics ; ce qui lui confèrent donc des responsabilités et des pouvoirs, qui sont sensiblement supérieurs à ce qu’ils sont dans la Délégation de service public (DSP) classique.