La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, souhaiterait étendre les aides à la presse en les conditionnant à l’absence de condamnation pour incitation à la haine raciale. Ainsi, des titres classés à droite comme Valeurs actuelles ou à l’extrême droite comme Rivarol ou Minute, pourraient ne pas bénéficier de l’extension et de la révision du fonctionnement des aides à la presse. Yves de Kerdel parle d’une atteinte à la liberté de la presse. Mais la première atteinte à la liberté de presse, à l’indépendance du secteur de la presse et à la déontologie des journalistes n’est-elle pas précisément le montant élevé des aides à la presse ?
Les aides à la presse sont calculées et accordées par l’État aux titres et aux agences de presse en fonction de plusieurs critères, comme le niveau des ressources publicitaires, les investissements pour le développement numérique, les tarifs postaux préférentiels, l’aide au pluralisme ou encore l’aide à la presse locale. Elles peuvent être réparties en trois catégories :
– les aides directes, c’est-à-dire les contributions directes versées aux journaux ;
– les aides indirectes, comme les niches fiscales des journalistes, les avantages fiscaux et sociaux du secteur de la presse ou les tarifs préférentiels de La Poste ;
– les aides aux tiers, comme les kiosquiers, la SNCF, etc.
En 2014, le montant total des aides diverses à la presse avoisinait les 700 M€, dont un volume global de 226 M€ d’aides pour les 200 titres de presse les plus aidés. Le secteur de la presse bénéficie par ailleurs d’un taux super réduit de TVA (270 M€), d’une niche fiscale pour les journalistes (60 M€), du plan IMPRIME pour la modernisation sociale du secteur de la presse (19,6 M€) et d’exonérations fiscales et sociales diverses. Des aides sont également accordées à La Poste et à la SNCF pour le transport et la livraison des exemplaires, et l’État subventionne de manière indirecte et déguisée l’AFP par de nombreux abonnements à ses institutions (environ 40% du chiffre d’affaires de l’agence).
Comme on peut l’observer sur le graphique ci-après, les titres de presse les plus subventionnés en 2014 sont Le Figaro (15 M€), Aujourd’hui en France (14 M€) et Le Monde (13 M€), suivis par La Croix, Ouest France et Libération (environ 8 M€), ou encore Télérama (7 M€) et L’Humanité (6 M€). On remarque que les journaux les plus aidés par l’État sont également ceux dont la diffusion est la plus importante en nombre d’exemplaires vendus par an. La crise de la presse a conduit le montant global des aides publiques à doubler depuis 2009, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, pour compenser la chute du chiffre d’affaires des groupes de presse. Cette crise est notamment caractérisée depuis une dizaine d’années par une érosion importante de la diffusion pour l’ensemble des familles de presse, par une chute des revenus publicitaires et par une mutation du secteur vers le numérique.
Sur le graphique suivant, on remarque que le titre le plus aidé par exemplaire vendu en 2014 est Agefi Hebdo (0,64 € par ex.), suivi par L’Humanité (0,59 €), ou plus loin par La Croix, Libération et Aujourd’hui en France (0,27 €), Science et vie (0,25 €) et Télérama (0,24 €). La plupart de ces magazines ne pourraient donc pas survivre sans le subventionnement de la presse par l’État, tandis que l’érosion des ventes renchérit les coûts de production à l’unité. Les aides à la presse représentent d’ailleurs environ 8,5% du chiffre d’affaires total du secteur de la presse écrite, ce qui est assez considérable. Et compte tenu des disparités entre les différents secteurs de presse, la part de subventions dans le chiffre d’affaires s’avère encore plus grande pour la presse spécialisée, la presse locale ou la presse nationale quotidienne.
On remarque aussi à l’aide du graphique suivant que seuls les magazines, et dans une moindre mesure les quotidiens régionaux, réalisent d’importantes recettes publicitaires, tandis que la presse quotidienne nationale, la presse hebdomadaire régionale, les journaux spécialisés et les journaux gratuits sont confrontés à une baisse continue de ces recettes. Les journaux de presse écrite doivent donc revoir en profondeur leur modèle de financement en privilégiant la transition vers le numérique, et en s’adaptant aux réalités du monde moderne, sans compter sur la perfusion étatique pour survivre à la crise de la presse.
Au final, une véritable liberté de la presse passe par le refus des subventions publiques et par une indépendance totale en matière éditoriale et financière. La dépendance de la presse écrite à l’égard de l’État n’est pas un gage d’indépendance politique et ne met pas les journaux en face de leurs responsabilités à l’égard de leur lectorat. Le secteur de la presse n’est en rien différent des autres secteurs économiques : il doit être soumis à l’exigence de rentabilité, qui est le seul indicateur qui permet de mesurer l’adéquation du service aux besoins et aux désirs des consommateurs de médias. La poursuite de l’octroi d’aides publiques importantes au secteur de la presse maintient indument en vie des acteurs de la presse qui n’ont plus de lecteurs. Est-il normal que les contribuables payent de leurs deniers les journaux lus par quelques poignées de leurs adversaires ?
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TRANSPARENCE
"Les Pubs et les subventions sont les ennemis de la liberté" (Paul Valéry)
Tout est dit. Gaspiller l'argent public en crée aucune richesse bien au contraire, seul le travail personnel doit être récompensé et l'état ne doit verser aucun centime sans contrepartie. Ne pas confondre assurance et distribution gratuite et aveugle (qui en profite ex les MDPH 80 % de frais de fonctionnement 20 % distribué, qui paie ?)