Shinzo Abe, assassiné vendredi dernier, a été deux fois Premier ministre : une première fois, de septembre 2006 à septembre 2007 et, une deuxième fois, de décembre 2012 à septembre 2020, ce qui représente un record dans un pays habitué à des changements de gouvernements presque tous les deux ans. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir la deuxième fois, le Japon était un pays à la dérive, un pays encore sous le choc du tsunami de 2011 et victime de la crise économique. Abe a choisi de combiner une hausse des investissements publics avec la libéralisation économique. Il a baissé l’impôt sur les sociétés et a facilité l’accès aux capitaux des entreprises. Il a libéralisé le marché de l’électricité et conclu des accords commerciaux tout en diminuant drastiquement les subventions à l’agriculture japonaise, un secteur qui n’arrivait pas à se moderniser.
Anticommuniste convaincu, il a eu le courage d’insister sur la menace chinoise de plus en plus présente dans la région. Il a réussi à faire voter une hausse des dépenses militaires à plus de 1 % du PIB et a lancé un rapprochement encore plus fort avec les Etats-Unis et l’Australie. Il a été le premier Premier ministre japonais à visiter Pearl Harbor, en 2016, et à s’adresser au Congrès américain. Il a dirigé le dialogue quadrilatéral sur la sécurité reliant le Japon aux États-Unis, à l’Australie et à l’Inde et a lancé le concept de « région indopacifique libre et ouverte » qui a été adopté par les administrations Trump et Biden. Lorsque le président Trump a retiré les États-Unis du Partenariat transpacifique, Abe a sauvé le pacte de libre-échange et l’a continué avec les 11 signataires restants. Il a même déclenché le débat sur une coopération nucléaire avec les Américains. Ses discours patriotiques ont renforcé le sentiment d’appartenance nationale des Japonais qui étaient en perte de repères. Son assassinat reste un mystère – la dernière fois qu’un politique japonais a été assassiné était en 1960 – dans un pays avec l’un des taux de criminalité les plus bas au monde.
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A n’en pas douter, cet assassinat est d’ordre « politique ». ABE était de droite et quand à droite on dérange, la gauche tue. Mais continuons de croire que la gauche est le « bien » et la droite le « mal ». Nous ne sommes pas sorti d’affaire. Merci Nicolas pour cet article succinct et précis.