Il n’y a pas que les Français qui sont pris pour des enfants par les hommes de l’État qui leur dictent, chaque jour qui passe, les comportements qu’ils doivent adopter. Les ministres, eux aussi, sont considérés, par le Premier ministre, comme des mineurs qu’il est nécessaire de guider dans la vie de tous les jours.
Dans un courrier daté du 12 novembre 2024, adressé à tous les ministres et secrétaires d’État, Michel Barnier leur enjoint de faire preuve d’efficacité, de simplicité et de sobriété à l’occasion de leurs déplacements en France.
La lettre contient trois règles d’or. La première est qu’il faut consulter les préfets avant tout déplacement ministériel. Cela signifie d’abord que les préfets doivent être informés, systématiquement et préalablement, de chaque visite avec un délai de prévenance minimum de 72 heures. La lettre circulaire précise également que le programme des visites doit être préparé par le préfet et le chef de cabinet du ministre en tenant compte des précédents déplacements ministériels. Une préparation de meilleure qualité, écrit Michel Barnier, permettra une meilleure couverture médiatique. Le Premier ministre souhaite aussi que ses ministres varient les lieux choisis et ne se limitent pas aux endroits faciles d’accès. Il les encourage même à aller dans les départements où les visites officielles sont rares. Il rappelle enfin que le membre du gouvernement doit être accueilli par le préfet en uniforme.
La deuxième règle porte sur l’information des élus qui doit être faite par la préfecture. Parallèlement, le cabinet du ministre devra informés les parlementaires du département, les présidents des conseils régional et départemental ainsi que les maires concernés, et ce quelle que soit leur appartenance politique. Les membres du gouvernement qui ont ou ont eu un mandat dans le département devront aussi être informés. En outre, Michel Barnier demande à ce qu’un « déjeuner ou dîner républicain » soit organisé en préfecture à chaque fois que c’est possible. « C’est une tradition républicaine à laquelle je suis attaché », écrit-il.
Enfin, troisième règle : faire preuve d’exemplarité et de sobriété. Cela signifie que les moyens déployés à l’occasion du déplacement ne doivent pas revêtir « un caractère ostentatoire », que les délégations doivent être limitées au nombre de conseillers nécessaires, « afin de réduire la taille des cortèges », et que le train doit être privilégié « dans toute la mesure du possible ». Il est également demandé à ce que « la circulation des convois ministériels ne déroge pas au respect du code de la route, sauf nécessité strictement justifiée par un impératif de sécurité ».
Michel Barnier, qui souhaite être informé chaque vendredi des prévisions de déplacement, exige par ailleurs que les ministres distinguent clairement, dans leurs déplacements, les « aspects relevant des attributions gouvernementales de ceux tenant aux responsabilités politiques ». Les deux activités ne doivent pas être confondues, puisque, écrit Michel Barnier, « les moyens de l’État ne peuvent être utilisés pour des actions dénuées de lien avec l’action gouvernementales ».
Tout ceci est très bien, mais il est étonnant que le Premier ministre doive rappeler lui-même ces règles de bons sens aux membres de son gouvernement comme s’ils n’étaient que des ados cherchant à faire le plus de bêtises possibles à l’occasion d’un déplacement scolaire.
Et puis, on ne nous ôtera pas de la tête l’idée que cette circulaire de Michel Barnier est avant tout de la com’. La sobriété dont il est question est celle du comportement et non, a priori, celle du porte-monnaie étatique puisque le train est, de plus en plus souvent, plus cher que l’avion. Il ne s’agit donc pas de faire des économies, mais de faire croire que l’on en fait. Ne serait-ce pas cette méthode qui a servi à construire le projet de budget pour 2025 ?