Dans une interview sur LCI, Guillaume Kasbarian, ministre de la Fonction publique, déplore que les jours d’absence dans la fonction publique aient augmenté de 80 % ces dix dernières années. Ces absences équivalent à 350 000 postes à temps plein, bien plus que les effectifs de La Poste ou de la SNCF (environ 249 000 et 276 000 agents respectivement), et représentent un coût de 15 milliards d’euros pour la collectivité en 2022.
Ces chiffres proviennent du rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection des affaires sociales (IGAS), publié en septembre dernier, qui s’intéresse aux absences pour raison de santé dans le public et dans le privé. Il montre qu’en 2022, les agents publics s’absentaient 14,5 jours, contre 11,7 en moyenne pour les salariés du privé.
Conscient de l’hostilité des syndicats à toute réforme de la fonction publique, le ministre est relativement prudent dans son discours. Il se défend de faire du « fonctionnaire bashing » et écrit, sur son compte X, que « les agents sont les premières victimes de l’absentéisme. Ce sont eux qui subissent le report du travail des absents et la désorganisation des services », ce qui ne manque pas de faire réagir certains internautes qui lui reprochent de vouloir faire des économies « sur le dos des fonctionnaires ».
D’autres vont même jusqu’à citer des extraits du rapport IGAS qui précise, en effet, que ces différences public-privé s’expliquent à 95 % par « les caractéristiques des agents (âge, sexe, état de santé) et leurs emplois (type de contrat, catégorie socio-professionnelle, diplôme) » dans le cas de la fonction publique d’État et de la fonction publique hospitalière. Sauf que, dans la fonction publique territoriale, ces « caractéristiques » ne permettent pas d’expliquer 47 % de l’écart avec le secteur privé… Par ailleurs, le rapport note que les contrôles administratifs et médicaux des arrêts de travail des agents publics sont clairement insuffisants.
La fraude aux arrêts maladie est une réalité qui concerne tout autant les agents publics que les salariés du privé. La différence fondamentale, c’est qu’il y a un manque d’incitation au travail inhérent au statut de la fonction publique : quoi qu’il arrive, la paie d’un agent public peu productif tombe à la fin du mois, tandis qu’un salarié du privé trop souvent absent risque de se faire licencier. L’IREF est l’un des rares think tank à le dénoncer : entre 2014 et 2019, bien avant la pandémie, la Cour des comptes faisait état d’une tendance à la hausse des arrêts maladie dans la fonction publique (+ 21 %), en particulier dans la fonction publique territoriale et hospitalière.
Nous pouvons nous réjouir qu’un ministre aborde ce problème, même de manière timide. Il est toutefois cocasse qu’en France, une réforme de la fonction publique implique de créer un énième « ministère de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l’action publique ». Une exception culturelle dont il est certain qu’aucun pays ne nous envie.