La mission d’information du Sénat, sur la dégradation des finances publiques entre octobre 2023 et septembre 2024, n’est pas tendre dans son tout récent rapport, mettant en cause l’irresponsabilité du gouvernement et soulignant son mépris pour le Parlement. Selon elle, le gouvernement connaissait l’état critique des finances publiques dès décembre 2023, « il aurait dû réagir vigoureusement et il ne l’a pas fait ». Rappelons qu’il s’agit de près de 100 milliards d’euros de dégradation en moins de 9 mois. L’alerte est venue d’une une note du 7 décembre 2023 de la direction générale du Trésor et de la direction du budget, adressée à Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, ministres chargés respectivement des Finances et des Comptes publics. Elle donne une première estimation du déficit pour 2023 à 5,2 % du PIB – contre 4,9 % prévus dans les textes financiers adoptés en novembre et en décembre. Les deux ministres choisissent alors ne pas communiquer. Ils ne laissent paraître aucun signe d’inquiétude, ne prennent aucune mesure en décembre 2023 pour modifier le PLF 2024 de façon à maîtriser le déficit 2024 et tenir ainsi compte du risque de détérioration. Ils ne laissent filtrer aucune information sur la dérive des finances publiques, ne jugent pas nécessaire d’informer le Parlement – et encore moins les Français – de ces risques. Or, selon la mission d’information, à cette époque ils auraient pu (et dû) agir.
Pire, au premier semestre 2024, le gouvernement et le président de la République ont refusé de présenter un projet de loi de finances rectificative, qui seul aurait été à même de redresser la situation. La dégradation des comptes publics se poursuit et le 17 juillet 2024, une note de la direction du Trésor signale un solde déficitaire de 5,6 % du PIB, qui monte à 6,3 % dans une autre note à la date du 11 septembre 2024. La dissolution et l’absence de gouvernement n’ont fait qu’aggraver la situation tout en confirmant le sentiment général d’irresponsabilité et de déni collectif sur la situation des finances publiques.
Selon la mission, « Bruno Le Maire se doit d’assumer le bilan catastrophique de ses sept années passées à Bercy en termes de finances publiques : un déficit passé de 3 % à plus de 6 %, en contradiction totale avec les engagements qu’il n’a cessé de réaffirmer, et notamment, encore une fois, devant la mission, le 7 novembre dernier, lorsqu’il a, contre toute évidence, indiqué que  « revenir sous les 3 % de déficit en 2027 a été [son] obsession ».
Ces conclusions font beaucoup de bruit.  Pourtant il ne s’agit pas d’un scoop. Cela fait 50 ans que le déficit français s’aggrave et depuis les débuts de la Ve République, nous l’avons déjà écrit, le Parlement n’est plus qu’une caisse de résonance, surtout en ce qui concerne le budget. L’incompétence des ministres des finances semble se transmettre encore plus facilement que le Covid. Le grand perdant est, comme souvent, le contribuable français.