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Dimitri Casali : Ces statues que l’on abat !

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La fureur de déboulonner des statues pour des raisons idéologiques a connu des pics impressionnants ces dernières années. Nous disposons désormais du livre d’un historien, Dimitri Casali, qui décrit et analyse le phénomène : Ces statues que l’on abat ! (Plon). Derrière cette vague destructrice, on trouve l’idéologie woke et ce que l’on appelle la culture de l’annulation, de la table rase (« cancel culture »), de l’effacement. Il ne s’agit pas seulement de statues, mais aussi de monuments, de livres, d’œuvres d’art, etc. En 2020 par exemple, dans l’Ontario, au Canada, cinq mille livres de bibliothèques scolaires considérés comme « discriminatoires » ont été détruits (brûlés !). Les statues, elles, ont vu leur sort scellé par les incidents qui ont accompagné la manifestation contre la démolition, à Charlottesville, de celle du général sudiste Robert Lee. La mort de George Floyd, en 2020, a encore amplifié cette hystérie de démolition. Depuis, des centaines de statues et de monuments ont été abattus ou vandalisés, d’abord aux États-Unis, puis en Europe. Leur tort était de glorifier des personnages odieux parce que racistes ou esclavagistes. Les appels à la raison de grands historiens, qui ont montré l’absurdité des jugements rétroactifs appliquant au passé des certitudes acquises depuis par de longs cheminements, n’ont guère eu d’effet. Si nous suivions le raisonnement des wokistes, nous devrions admettre que les figures les plus glorieuses de l’histoire se sont rendu coupables de meurtres de masse, d’assassinats, d’exploitation honteuse de leurs semblables. Or, l’esclavage, qui n’a pas toujours été un crime tant s’en faut,  existe depuis qu’il y a des guerres. C’est un abus d’en rejeter toute la faute sur les Européens : les Arabes, les Ottomans le pratiquaient  de manière intensive, et il existait aussi un esclavage intra-africain. De plus, les musulmans castraient les victimes dans des conditions effroyables, d’où une mortalité élevée. Les Maures ont asservi un million deux cent cinquante mille Européens, ce dont plus personne ne parle…

Nous avons donc affaire à une instrumentalisation idéologique de la mémoire. Le phénomène révoltant de l’esclavage et de la traite négrière est utilisé pour accuser les Européens et les Américains, mais seulement eux. En France, la loi Taubira de 2001 parle exclusivement de l’esclavage transatlantique et ajoute que « l’honneur des descendants d’esclaves » doit être défendu, ce qui introduit pour la première fois dans l’histoire, constate Casali, l’étrange principe du « malheur héréditaire ». Pour sa part en revanche, le célèbre avocat, homme politique, ancien garde des Sceaux Robert Badinter déclarait en 2010, en référence à cette la loi Taubira que « Les lois mémorielles, que j’appellerais aussi lois de compassion, n’ont pas leur place dans l’arsenal législatif ».

La condamnation véhémente des Européens et, en général, de « l’homme blanc », ignore des éléments essentiels : les premières nations à abolir l’esclavage furent le Royaume-Uni – en 1833, la Suède – en 1847, la France – en 1848. Aucun pays arabe, africain ou asiatique n’a fait son mea culpa pour son passé esclavagiste,  la Mauritanie a mis fin en 2007, à ces pratiques, le Niger et le Mali les ont perpétuées, officiellement, jusque dans les années 1980. Aujourd’hui encore, il existe des endroits dans le monde où l’esclavage perdure : en 2017, un marché aux esclaves a été découvert en Libye.

La majeure partie du livre de Casali est consacrée à des cas précis de folie wokiste et aux aberrations qu’elle engendre dans son interprétation de l’histoire. Colbert, par exemple, en a fait les frais. Le ministre de Louis XIV fut, au XVIIe siècle, un grand réformateur de l’État, il développa la finance, le commerce, l’agriculture, l’industrie, il s’occupa également du législatif, de la culture, etc. La France devint ainsi l’État le plus fort, le plus riche et le plus peuplé d’Europe. Qu’est-ce qui ne va pas avec Colbert ? se demandera-t-on. Eh bien il fut l’initiateur du Code Noir qui, en 1685, réglementa le commerce des esclaves africains. En réalité, souligne Casali, ce Code a été édicté pour mettre un peu d’ordre dans un domaine où régnait un arbitraire total. L’État est venu s’interposer entre propriétaires et esclaves précisément pour éliminer les abus. Il visait à améliorer les conditions de vie des esclaves. Il serait absurde de reprocher à Colbert de ne pas avoir totalement éliminé l’esclavage, car dans le contexte de l’époque, c’était impossible. Ajoutons que ce Code Noir était appliqué exclusivement dans les colonies : dès qu’un esclave arrivait sur le sol français, il devenait un homme libre (Louis X avait décrété, en 1315, que « personne n’est esclave en France »). Les wokistes appliquèrent un traitement similaire à Mahé de la Bourdonnais qui, au XVIIIe siècle, peupla et modernisa les établissements français des îles de l’océan Indien, le réduisant à un détestable symbole de la « suprématie blanche ».

Une autre victime du « révisionnisme » woke est Voltaire, accusé de racisme, d’antisémitisme et de s’être enrichi grâce à la traite des esclaves. Il possédait certes des parts dans la Compagnie des Indes, mais il condamnait catégoriquement, dans ses écrits, la cruauté de l’esclavage. Sa statue, à Paris, a été vandalisée à plusieurs reprises et finalement cachée dans un endroit plus « sûr », où personne ne la voit plus. La destruction des statues de Victor Schoelcher, celui qui, le 27 avril 1848, abolit l’esclavage, est encore plus incompréhensible ! Napoléon et de Gaulle aussi, ont été accusés de colonialisme et de racisme ! En Grande-Bretagne, la colère des wokistes a visé l’amiral Nelson, la reine Victoria et Churchill ! Aux Etats-Unis, elle s’est acharnée contre George Washington et Thomas Jefferson, c’est-à-dire les « pères fondateurs », dont le tort inexcusable est d’avoir possédé des esclaves, même s’ils ont joué un rôle décisif dans l’abolition. Il convient de préciser que, dans la grande majorité des cas, les statues étaient également des Å“uvres d’art de valeur, faisant partie du patrimoine culturel.

Les conclusions sont faciles à tirer. La frénésie wokiste est le fruit de l’obscurantisme, du fanatisme et de l’inculture. Les idéologues wokistes ont carte blanche dans les médias, ils ont infiltré les universités et les écoles. Leurs actions n’ont rien à voir avec la vérité historique. Ils prétendent rendre justice à ceux dont les ancêtres ont été humiliés et exploités, mais en réalité ils manipulent l’histoire et aggravent les fractures sociales.

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2 commentaires

Dudufe 4 mai 2024 - 12:44 pm

Bel article qui m’a bien informé. La bêtise des wokistes n’est pas nouvelle pour moi mais à ce point…!
Il ne faut pas compter sur les médias pour informer les français de cette imposture.

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Mathieu Réau 4 mai 2024 - 4:23 pm

En réalité, le premier État à avoir aboli l’esclavage, en 1418, est la République de Raguse (l’actuelle Dubrovnik). Toute détention ou commerce d’esclave y était interdit.

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