Amazon et les autres GAFA (Google, Apple et Facebook devenu Méta) sont la cible des responsables politiques et des médias. Le Point faisait d’ailleurs une de ses dernières Unes sur la question : Comment Google, Amazon et les autres achètent la France ? De nombreuses directives européennes sont en cours de rédaction et de débats, comme les DMA et DSA (Digital Market Act et Digital Service Act) pour réglementer les activités numériques. La souveraineté numérique, européenne et française, est un grand sujet pour nos gouvernants. Le fait que chaque tentative d’établir une souveraineté numérique se soit soldée par un échec prévisible et un phénoménal gaspillage d’argent du contribuable ne semble pas les préoccuper plus que cela.
Quelle est en réalité la faute des GAFA, si ce n’est la réussite commerciale ? Avoir réussi semble être une condition suffisante pour que soient poursuivies des foudres publiques ces entreprises qui apportent des services de grande qualité aux usagers européens (et mondiaux), particuliers comme entreprises.
Si nos gouvernants souhaitent réglementer et taxer ces géants du numérique, nos entreprises nationales de la grande distribution, elles, souhaitent les concurrencer. Une manière de gagner des parts de marché, de se développer et d’offrir de nouveaux services aux clients.
Carrefour l’a bien compris. Sous l’impulsion de son PDG Alexandre Bompard, le groupe lance un grand plan stratégique de numérisation afin de faire du digital le moteur de sa croissance. L’objectif est de générer 600 millions d’euros supplémentaires de résultat opérationnel. Pour cela, Carrefour va investir 3 milliards d’euros, en particulier dans le “retail media”, c’est-à-dire la monétisation de la connaissance des données de ses clients, possible notamment par la vente d’espaces publicitaires à des annonceurs sur ses sites marchands. Cela pourrait lui permettre de prendre une grande part de ce marché européen. Autre objectif : le e-commerce par le biais de livraisons express en collaboration avec Uber Eats, ou le “personnal shopper” (l’orientation du client vers le produit qui convient à son style, ses goûts et son budget), service qui cartonne pour le groupe en Roumanie. Enfin, Carrefour veut lancer une super application qui réunirait les offres de tous les services financiers du groupe.
Le groupe s’inspire à la fois des techniques utilisées par d’autres géants de la distribution comme Walmart, et de celles des géants du numérique comme Amazon et Rakuten. Mais il se refuse à n’être qu’une pâle copie de ce qui existe déjà. Il vise à proposer des offres singulières, propres à l’identité Carrefour. Comme l’a expliqué Alexandre Bompard dans une interview pour Les Echos, “Cela fait une dizaine d’années que je travaille pour des entreprises en concurrence avec Amazon. Je mesure l’extraordinaire puissance de cette entreprise comme les avantages indus qu’on lui a apportés. Mais aujourd’hui Carrefour a des moyens, une stratégie et un positionnement omnicanal qu’Amazon n’a pas et qui nous singularise. Carrefour a désormais une réponse stratégique et industrielle pour lui faire face.”
C’est donc par une remise en question du fonctionnement actuel de son entreprise et une volonté d’innover que le PDG de Carrefour veut (re)gagner des parts de marché face à Amazon, et non par des taxes ou réglementations plus drastiques, comme le réclament certains.
La grande distribution française, les startups ou les entrepreneurs en devenir, pourraient également s’inspirer de la stratégie de Target, entreprise américaine qui, en ayant misé très tôt sur le “click & collect” et la livraison le jour même, se fait une place entre les géants Amazon et Walmart. Un marché n’est pas un gâteau à parts fixes, il n’est pas inamovible. Les entreprises viennent, repartent, innovent. C’est au consommateur seul que revient le pouvoir de faire de telle ou telle société un géant dans son secteur.
Le numérique génère de la productivité et permet de créer de nouvelles sources de rentabilité potentielle. Amazon ne va pas tuer Carrefour, ni les autres enseignes qui emboîtent le pas de la révolution numérique. En revanche, comme pour les marchands de chandelles lors de l’arrivée de l’électricité, ceux qui prendront du retard ou s’obstineront à refuser le changement se verront grandement pénalisés.
L’effort de ces sociétés pour se numériser doit être encouragé par les pouvoirs publics. Mais plutôt que de les subventionner ou leur accorder des crédits d’impôts, l’Etat doit diminuer la charge fiscale et réglementaire qu’il fait peser sur toutes les entreprises.
C’est la concurrence et le laissez-faire du marché libre qui permettront de voir des géants européens du numérique émerger, et non pas les réglementations sur les GAFA qui ne feront que pénaliser toute l’économie européenne.
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Quand la grande distribution française veut concurrencer Amazon
La force de Amazon est sa logistique redoutablement efficace. Une commande passée à 19 heures est livrée le lendemain en général avant midi. Si Carrefour veut faire pareil il faut qu’il commence par avoir un site drive digne de ce nom et je ne parle pas des délais de mise à disposition.