L’improbable Antoine Armand n’ayant heureusement pas été reconduit dans ses fonctions, avons-nous gagné au change avec la nomination d’Eric Lombard comme ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ? Oui, si l’on suit la presse très marquée à gauche qui l’a qualifié de « libéral », mais l’est-il vraiment ?
A priori, Eric Lombard n’a que peu de choses en commun avec son prédécesseur, Antoine Armand, un énarque sans expérience du secteur privé bombardé au ministère à seulement 33 ans. Agé de 66 ans, doté, lui, d’une très longue expérience de banquier et d’assureur, technicien reconnu, issu du secteur privé, ni énarque, ni haut fonctionnaire, Eric Lombard semble présenter toutes les qualités requises pour exercer de telles fonctions.
Ces caractéristiques n’ont d’ailleurs pas eu l’heur de plaire aux médias très engagés à gauche. Marianne (24 décembre 2024), aux termes d’un article au demeurant incohérent, a parlé d’un « profil qui avait tout pour rassurer les marchés financiers, pour le plus grand bonheur des libéraux ». Quant à Mediapart (27 décembre 2024), il qualifie l’impétrant de « néolibéral à l’ancienne », une personne qui « a toujours défendu des positions néolibérales et austéritaires ».
Un profil d’homme de gauche
Les analyses des médias de gauche apparaissent d’autant plus surprenantes qu’Eric Lombard s’est, pour autant qu’on le sache, toujours revendiqué comme un homme de gauche. Son parcours l’atteste sans l’ombre d’une discussion possible.
Rappelons d’abord que, rocardien, il a intégré en tant que conseiller plusieurs cabinets ministériels socialistes à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Puis il est devenu conseiller municipal socialiste entre 1995 et 2001. Il a fait partie des Gracques, une association créée en 2007 qui promeut une « gauche moderne » et la « modernisation de la social-démocratie », ainsi que le mentionnent le site officiel du think-tank et son « manifeste ». Enfin, Eric Lombard est devenu rapidement macroniste, même s’il a parfois émis quelques réserves sur la politique menée depuis lors, comme on va le voir.
Des déclarations unilatéralement antilibérales
Eric Lombard aurait-t-il subitement changé d’opinion ces deux dernières années ? Nullement. Les analyses des médias de gauche relatives à son prétendu libéralisme sont encore plus déplacées lorsque l’on prend connaissance de s déclarations renouvelées  du nouveau ministre.
En voici un florilège, avec quelques commentaires.
- « Il faut sans tarder définir les règles d’un capitalisme plus responsable ». Dans un entretien au Monde (21 février 2022), il propose des hausses de salaire, donc décorrélées de la création de richesses. Evidemment, ceci expliquant cela, il demande une réunion, sous l’égide de l’Etat, des syndicats de patrons et d’employés.
- « Le capitalisme est déréglé. La répartition des richesses entre ceux qui travaillent, les salariés (sic), est toujours divergente par rapport au capital. Depuis 20 ans, il y a accroissement des inégalités ». « Dans la période qui s’ouvre, il y aura deux raisons de distribuer plus de pouvoir d’achat : l’inflation et la transition écologique » (BFM Business, 18 février 2022). Des opinions tout aussi banales que controuvées. L’économiste libéral Pascal Salin consacrera un article à réfuter l’idée que les salaires seraient trop bas par rapport aux revenus du capital, la comparaison n’ayant économiquement aucun sens (Contrepoints, 29 mars 2022).
- « Nous sommes confrontés à une montée en puissance inquiétante du capitalisme financier et des inégalités », affirme une nouvelle fois Eric Lombard dans un entretien (Challenges, 28 novembre 2022), avant d’ajouter : « Ces phénomènes ont commencé il y a une quinzaine d’années avec la mise en place de politiques monétaires qui ont rendu l’argent gratuit, avec des taux d’intérêts nuls, voire négatifs ». Il oublie que les responsables de ces dérèglements sont les Etats et les banques centrales.
- Emettant une réserve sur la réforme des retraites, Eric Lombard écrira : « Les étapes étaient nécessaires pour assurer sa faisabilité technique et son acceptabilité sociale », tout en faisant part de son opposition à l’idée d’un « âge pivot » visant à repousser les départs en retraite (Challenges, 23 décembre 2024). Ainsi, non seulement celui qui était alors le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations omettait de dire que le projet macronien n’était qu’une réformette, mais il faisait preuve de frilosité en voulant repousser l’idée même d’une réforme pourtant urgente.
En substance, Eric Lombard est un représentant paradigmatique de la macronie. Etatiste, pusillanime, dénué de la moindre originalité, ignorant des mécanismes économiques en dépit de son profil de technicien chevronné, il a tout pour devenir, lui aussi, un « Mozart de la finance ». Par conséquent, le qualifier de « libéral » témoigne soit d’une mauvaise foi achevée, soit d’une ignorance crasse.
17 commentaires
Confier ce Ministère à la gauche est une hérésie
Bonjour c’est l’existence même de ce ministère qui est une hérésie
soyez radical dans la pensée et vous serez radical dans les réformes comme l’ait javier milei en argentine qui a supprimé purement et simplement tous les ministères les plus inutiles (inutiles se résume à “tout sauf le régalien”).
L’est
ben en effet??.On commence par quel est le rôle d’un ministre de l’économie… Notez si on PEUT définir une mission..et la possibilité de mesurer si elle est accomplie… ou qu’on fait appelle à la “compétence”, (un plombier compétent est il celui qui sait réparer ou réparer le plus vite possible pour le moins cher possible..ou autre…..) alors… pas besoin d’un ministre..ça se fait “tout seul” en automatique.. si le politique s’en mêle , c’est arbitraire..
« C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches »
(Victor Hugo)
Bonjour, je ne savais pas qu’Hugo était marxiste. Parce que seuls les marxistes croient que la richesse est finie et que l’on devient riche nécessairement en appauvrissant d’autres personnes.
Meilleur poète qu’économiste :). “keep your day job” comme disent les anglo saxons.
Bien d’accord avec votre analyse : monsieur Lombard n’a rien d’un libéral e ne semble pas maîtriser les mécanismes financiers de l’économie de marché. Michel Albouy, professeur émérite des universités. Dernier ouvrage : “Mythes et dérives de la finance au XXIe siècle”, Economica, 2024.
Bien d’accord avec votre analyse : monsieur Lombard n’a rien d’un libéral il ne semble pas maîtriser les mécanismes financiers de l’économie de marché. Michel Albouy, professeur émérite des universités. Dernier ouvrage : “Mythes et dérives de la finance au XXIe siècle”, Economica, 2024.
Merci pour vos explications très éclairantes.
Pour notre gauche déboussolée, l’extrême droite commence à droite de Mélenchon.
Quant à leur connaissance de l’économie, elle est tellement nulle à ch… que toute personne qui ne se réclame pas de l’âne Picketty est un ultralibéral.
Courage à tous !
Il parait que c’est également un admirateur de Piketti. On est mal partis.
Cher Monsieur , Merci pour cet article riche d’enseignement et fort d’une conclusion justifiée. Monsieur Lombard n’est cependant pas un banquier de longue expérience comme votre plume semble le dire , seulement un assureur de longue expérience , nuance très importante car la notion de Risque ne fait pas partie de la période CARDIF pas plus que de la période GENERALI. Quant à ses fonctions à la Caisse des Dépôts j’ose rappeler que c’est des dépôts des autres dont il s’agit il qu’il n’avait que le rôle de gardien du temple.
En d’autres termes nous pouvons craindre par avance le résultat de ses profondes réflexions.
Sur les autres points , son profil politique en dit plus qu’un long discours.
Merci à nouveau pour ces sujets développés avec talents et avec mes meilleurs voeux renouvelés .
Merci, Monsieur pour vos observations et encouragements.
Me Jean-Philippe Feldman
Encore un Coco qui va défendre l’Etat, pardon, les seuls fonctionnaires et bien entendu d’abord ses compères dits hauts.
Éric lombard est un parfait socialiste puisque l’essentiel de sa carrière a été consacré à vivre en parasite du travail des autres ce qui est l’essence même du socialisme…
Tout le reste ne consiste qu’Ã de l’habillage intellectuel pour le rendre socialement acceptable.
Pour augmenter en urgence le PIB,quand ce ministre décidera t il de revenir à la semaine de 40h et de réduire les gaspillages escrologistes pénalisant tous les citoyens contribuables ????
Mieux vaudrait un bucheron avec une tronçonneuse qu’un nouvel ersatz de la haute administration qui n’a pas voulu réformer la France par paresse depuis 1981.