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Le Green Deal de l’Union européenne : un désastre économique

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Dans un article précédent, nous avons examiné les blocages physiques et matériels à une transition énergétique rapide forcée par des décisions gouvernementales. Voyons maintenant quels en seraient les impacts économiques.

En 2022, l’UE a émis 2.8Gt de CO2 dans l’atmosphère, 6,2 tonnes par Européen. Cette valeur a diminué de 28% entre 1990 et 2022, soit en moyenne  -1% par an. L’UE est de très loin le bloc politique ayant enregistré les plus fortes baisses d’émissions.

Les parlementaires de l’UE estiment pourtant que cela ne va pas assez vite. Ils ont donc voté récemment des objectifs renforcés, instituant l’obligation d’atteindre le « net zéro » d’ici à 2050. Ce seuil correspond à la valeur des émissions de CO2 que l’UE peut absorber via ses « puits de carbone ». Selon les hypothèses les moins contraignantes, cela implique -70% de baisse d’ici 2050, soit -4,5% par an. Les parlementaires ont également voté des objectifs intermédiaires pour 2030 et s’apprêtent à le faire pour 2040.

L’UE veut donc multiplier par 4,5 la vitesse de réduction des émissions. Est-ce réaliste ?

Émissions et croissance, quel lien ?

L’économiste japonais Kaya a popularisé, à travers une égalité triviale, la relation existant entre émissions de CO2, consommation d’énergie et PIB. L’égalité de Kaya complète est la suivante :

Émissions CO2 = (CO2/énergie) x (énergie/PIB) x (PIB/population) x population
Sous une forme condensée, elle peut s’écrire ainsi:

Émissions = Intensité CO2 du PIB x PIB

 Elle montre que les émissions, la croissance et « l’intensité carbone du PIB », c’est-à-dire la quantité de CO2 que nous devons émettre par unité de richesse créée, ne peuvent pas évoluer indépendamment. Si on « force » les émissions à baisser plus vite que nos progrès technologiques ne permettent de réduire l’intensité carbone du PIB, il y a nécessairement décroissance.

Performances passées et fantasme futur 

 Voici comment ont évolué les indicateurs de l’égalité simplifiée de Kaya depuis 1990 dans l’UE :

Les émissions ont diminué moins vite que l’intensité CO2 du PIB, aussi avons-nous conservé une croissance positive, malgré un déclin régulier à chaque décennie.

Mais forcer chaque année les émissions à décroitre de 4,5%, avec une réduction de l’intensité carbone de ≈3%, fera nécessairement baisser le PIB. De combien ? L’égalité de Kaya permet de le calculer simplement : -1,54% par an ! D’ici à 2050, cela représente une contraction du PIB d’exactement un tiers.

L’égalité de Kaya montre également que pour conserver 1,6% de croissance avec une telle réduction des émissions, il faudrait faire passer le rythme de réduction de l’intensité carbone du PIB à plus de 6% annuels pendant 26 ans. Est-ce envisagable ? Non. Le passé montre que le record du monde en la matière est détenu par la France dans la décennie 80, avec 5% par an. Cette performance n’a été possible que grâce à la mise en service de 45 réacteurs nucléaires, ce qui a nécessité 10 ans de préparation, et elle n’a pu être reconduite dans les décennies suivantes. Or, ces 15 dernières années, l’UE n’a rien préparé de crédible. Ses votes sont de simples vœux pieux.

Impact sur le PIB et sur le climat

Un simple renouvellement des performances passées de l’UE permettrait de conserver une croissance d’environ 1,6% et de réduire les émissions d’environ 25% par rapport à aujourd’hui. Entre ce scénario « business as usual » permettant au PIB de gagner environ 50%, et la projection utopique de l’Union européenne, impliquant 33% de perte, la perte cumulée de PIB d’ici 2050 serait de l’ordre de 160 mille milliards d’euros. Chaque Européen serait 2,2 fois moins riche en 2050 sous le scénario « net zéro » que sous une trajectoire plus réaliste.

En termes d’émissions, le scénario raisonnable amènerait l’UE autour de 2 Gt/an en 2050, contre 0,8 dans le scénario “net zéro”. La différence d’émissions cumulées d’ici à 2050 serait de l’ordre de 15 Gt. Le coût de la tonne ainsi « économisé » en termes de PIB serait donc d’environ 10 000 euros ! Or, la très grande majorité des études économiques sur le « coût social » de la tonne de CO2 évaluent celui-ci entre 20 et 100 euros. Tout plan de réduction des émissions s’écartant de cette fourchette est donc économiquement destructeur.

Quant à l’effet de ces 15 gigatonnes sur les températures mondiales, il serait nettement inférieur à 1/100ème de degré Celsius, selon le dernier rapport du GIEC (pdf, p.28), qui précise que l’ajout de 1000 Gt de CO2 dans l’atmosphère augmente la température d’environ 0,45°C.

Diviser par plus de 2 la richesse des Européens pour réduire la moyenne des températures mondiales de moins d’un centième de degré : telle est la stupidité de l’objectif “net zéro 2050”.

Cela n’arrivera pas   

Cela n’arrivera pas. Tout d’abord, les individus et les entreprises sont naturellement croissants. La croissance est la faculté d’obtenir plus de fruits de son travail en se donnant moins de peine. Personne ne se lève le matin en se disant qu’il serait heureux de travailler plus pour gagner moins. Au niveau d’une économie, la croissance est l’agrégation de toutes ces volontés individuelles. Une décroissance « durable » ne pourrait être provoquée que par des mesures extrêmement coercitives de nature totalitaire. La Commission européenne n’aura jamais autant de pouvoir. Ensuite, une économie en très forte décroissance ne pourrait pas financer les investissements nécessaires à l’amélioration continue de notre intensité carbone. Enfin, nos États providence feraient faillite, et aucun gouvernement ne souhaite affronter la colère populaire qui en résulterait.

Il n’y aura pas décroissance volontaire, mais le seul fait d’essayer de faire semblant d’atteindre le « net zéro » nous rapprochera de la décroissance, car cela poussera les politiciens européens à édicter très autoritairement des mesures « vertes » de nature décroissante, comme les iniques tentatives des gouvernements néerlandais et irlandais de massacrer une grande partie de leur cheptel bovin, ou encore la directive CSRD (exemples non exhaustifs).

Il est urgent que des dirigeants éclairés prennent conscience de l’absolue folie que constituent les politiques « net zéro” » et les abandonnent. Nos conditions de vie ont bien plus à perdre d’une contraction drastique de l’économie que d’un centième de degré en plus ou en moins.


Pour approfondir : « rapport de l’IREF, « Politiques climatiques de l’UE, un examen critique”, nov 2022)

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