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Le Grand Paris Express : un aller simple pour la gabegie

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Confronté à une hausse constante de ses coûts et à la fragilité de son modèle financier, basé sur l’endettement et sensible à l’augmentation des taux d’intérêt, le projet du Grand Paris Express pourrait s’avérer être un gouffre financier bien pire que prévu.

À l’automne 2022, la présidente de la région Île-de-France et à ce titre également présidente d’Ile-de-France Mobilités (IDFM), Valérie Pécresse, avait jeté un pavé dans la mare. Elle avait menacé de suspendre le paiement des financements régionaux au Grand Paris Express (GPE) afin notamment de dénoncer la hausse du prix du pass-Navigo, décidée pour faire face à la flambée des coûts du projet.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un chantier de transports publics explose le compteur financier : cela avait déjà été le cas avec celui de la rénovation des lignes B et D du RER ou encore celui de la construction de la ligne E jusqu’à Mantes-la-Jolie.

Au mois d’avril 2024, la Cour des comptes avait livré un rapport au vitriol sur le fonctionnement de la Société du Grand Paris (SGP), principal acteur du projet, confirmant ainsi ce que chacun pouvait subodorer.

Une gouvernance complexe, des retards qui s’accumulent…

Le Grand Paris Express est un chantier pharaonique : 200 kilomètres de lignes de métro automatique, c’est-à-dire quasiment autant que la taille du réseau parisien actuel, dont 90 % sous terre, 68 nouvelles gares, des infrastructures de maintenance, des locaux annexes divers et variés.

D’ores et déjà, on peut fortement douter que la date de sa mise en service, fixée à fin 2030, sera tenue : en février 2023, seuls 90 km de lignes ont été creusés et 35 kilomètres de voies posées, la seule ligne terminée avant les Jeux olympiques étant le prolongement de la ligne 14, qui doit relier Orly au centre de Paris. D’autres lignes[1], comme le prolongement sud de la ligne 15, verront leur mise en service retardée de sept ans par rapport aux estimations initiales, le délai supplémentaire atteignant trois à cinq ans pour la ligne 16.

L’organisation du chantier, une usine à gaz, déborde le cadre de la SGP chargée de sa construction et de son financement, et fait intervenir d’autres acteurs comme RATP infrastructures pour la maintenance, IDFM pour le financement de la maintenance et la rémunération des compagnies qui utiliseront le réseau.

Ce type d’organisation entraîne des lourdeurs administratives et, comme le résume assez bien la Cour, « suppose que les acteurs s’accordent sur des choix techniques, alors qu’aucun d’eux n’a de vision ni n’est responsable du coût complet de l’infrastructure entendue ».

… et un budget qui a doublé par rapport aux estimations initiales.

À l’origine, les coûts du GPE étaient estimés à 19 Mds€, un chiffre qui s’est mis peu à peu à gonfler dangereusement : 22,6 Md€ en 2013, 29 Md€ puis 38,5 Md€ en 2017 et 39,6 Mds€ en 2023.

Basé sur l’émission de titres de dette (29 Mds€ en 2023), sur des ressources fiscales affectées et sur une redevance d’exploitation versée par IDFM, le modèle financier du projet s’avère, en réalité, extrêmement fragile et l’on peut s’apercevoir d’étape en étape que le coût avait été sous-évalué par rapport aux estimations initiales effectuées en 2012.

D’abord, le taux de provision pour risques et aléas, classiquement fixé à 20 %, est inférieur de 10 % à ce niveau communément admis, faisant courir le danger de nouveaux dérapages en cas d’événements inattendus. Ensuite, le montant total des charges financières, calculé sur l’ensemble de la durée de vie du projet, est en constante augmentation : 23 Mds€ en 2022 et 29,5 Md€ en 2023, faisant monter le total des dépenses de la SGP à 83,9 Mds€ si l’on y ajoute les frais de fonctionnement et la fiscalité.

La SGP doit, par ailleurs, encore trouver 8 Mds€ de financements primaires et devra se refinancer lorsque les obligations assimilables au trésor qu’elle a émises dans un contexte de taux bas arriveront à échéance. En fonction du dynamisme de sa fiscalité affectée, du paiement des redevances par IDFM (environ un quart de son budget) et du niveau des taux d’intérêt au moment où elle devra à nouveau emprunter, la SGP pourrait se retrouver dans une situation extrêmement difficile.

Selon les différents scénarios envisagés par les sages de la rue Cambon, le montant total des dépenses grimperait de 105,1 à 181,3 Mds€ avec des charges financières oscillant entre 41,1 et 108,5 Mds€, bien au-dessus des sommes engagées pour la construction du réseau.

Il semble donc bel et bien que les gouvernants successifs aient cédé aux sirènes du gigantisme. Plutôt que de moderniser les lignes existantes d’un réseau déjà très développé et dont les Franciliens se plaignent fréquemment, ils ont préféré mettre en œuvre un immense projet dont la soutenabilité financière demeure plutôt anxiogène pour le contribuable.

[1] Selon des estimations mises à jour en 2023, qui sont, naturellement, encore susceptibles d’évoluer.

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