Daniel Pryor est responsable des programmes de l’Adam Smith Institute, un des principaux think tanks britanniques – fondé dans les années 1970 – promouvant les idées libérales et le libre marché. Diplômé en politique, philosophie et économie, Daniel Pryor est très présent dans les médias d’outre-Manche (The Telegraph, The Guardian, The Times, BBC One, Sky News, BBC News, etc.). En mai 2021, il a publié une étude
intitulée « L’opportunité en or. Comment la Grande-Bretagne peut prendre la tête de la réduction des méfaits du tabac et sauver des millions de vies ».
Daniel Pryor est intervenu, aux côtés de Jean-Philippe Delsol et Patrick Coquart, à la conférence organisée par l’IREF le mardi 28 septembre dont le thème était : « Renouveler l’approche sur la fiscalité comportementale. Prévalence tabagique et alternatives à la cigarette : pour une fiscalité favorisant l’accès des fumeurs aux produits à nocivité réduite ».
A la suite de son intervention, Daniel Pryor a bien voulu répondre à nos questions.
IREF – Comment expliquez-vous le fait qu’il y a moins de fumeurs au Royaume-Uni qu’en France ?
Daniel Pryor – Les données les plus récentes de l’Office for National Statistics (ONS) montrent que 14,1 % des adultes britanniques (ndlr : contre presque 32 % des Français), soit un peu moins de 7 millions de personnes, fument des cigarettes. Ce chiffre est l’un des plus bas d’Europe. Il s’inscrit dans le cadre d’une baisse progressive de la prévalence au cours de la dernière décennie. Les e-cigarettes ont joué un rôle important dans l’accélération de cette baisse du tabagisme et dans l’amélioration de la santé des anciens fumeurs. Nos organismes de santé publique les ont adoptées comme un élément important des efforts de sevrage tabagique. Selon Public HealthEngland (ndlr : agence de santé anglaise), les e-cigarettes sont au moins 95 % moins nocives que le tabagisme. Cette position est maintenant approuvée par les principaux organismes de santé publique, les défenseurs de la lutte antitabac et les ONG de santé.
Récemment, le ministère de la Santé a souligné l’importance du vapotage pour atteindre son objectif « Smoke Free by 2030 ». Dans sa publication sur le sujet, le ministère souligne que le vapotage peut également contribuer à réduire les inégalités en matière de santé, car les données britanniques montrent que les fumeurs les plus pauvres sont les plus susceptibles d’utiliser le vapotage pour les aider à arrêter de fumer.
Ce large soutien en faveur de solutions plus sûres pour réduire le tabagisme et ses effets néfastes sur la santé se reflète dans l’approche relativement libérale et avant-gardiste du Royaume-Uni en matière de réglementation.
IREF – Comment se concrétise cette approche « libérale et avant-gardiste » ?
Daniel Pryor – L’un des principaux piliers de cette approche est la taxation fondée sur le risque. En d’autres termes, les produits à base de nicotine moins nocifs sont moins taxés afin de fournir une incitation économique à les adopter et à arrêter de fumer. Il s’agit d’un principe accepté par le Parlement et le Trésor, ainsi que par les institutions de santé publique.
Les e-cigarettes sont donc taxées de la même manière que n’importe quel autre produit de consommation, avec un taux de TVA unique de 20 %. Il n’y a pas de taxe d’accise supplémentaire ou de « taxe sur les péchés ». Lorsque des rumeurs de taxe supplémentaire ont été publiées dans les journaux il y a quelques années, cela a suscité un énorme tollé et elles ont été rapidement démenties.
Un autre aspect de l’approche du Royaume-Uni est de laisser une certaine liberté dans la publicité et le marketing. L’emballage ou la publicité des cigarettes électroniques ne sont pas aussi strictement contrôlés qu’en France parce que nous voulons que les fumeurs adultes découvrent le vapotage. Nous souhaitons aussi que les e-cigarettes soient considérées comme une alternative attrayante au tabagisme, et offrons donc un grand choix d’arômes et de marques.
Cette politique fait que les deux tiers des fumeurs britanniques ont essayé les e-cigarettes et aujourd’hui environ 6 % de la population adulte vapote. Par ailleurs, il est important de noter que le nombre de non-fumeurs ou de mineurs qui essaient le vapotage est négligeable. Pour Public HealthEngland, le vapotage n’est pas une passerelle vers le tabagisme.
Le tabac à chauffer (ndlr : un dispositif chauffe le tabac mais ne le brûle pas, réduisant ainsi considérablement la production de produits chimiques nocifs et potentiellement nocifs) est également soumis à un taux d’imposition inférieur à celui des cigarettes et fait l’objet d’une catégorie d’imposition distincte, toujours dans le but d’encourager les fumeurs à passer à ces produits plus sûrs. Plus précisément, il est taxé en fonction de son poids, ce qui lui confère un avantage fiscal par rapport aux cigarettes traditionnelles, puisque les produits du tabac chauffé ont tendance à contenir moins de tabac.
IREF- Dans l’Union européenne, des directives bruxelloises encadrent la législation et la taxation du tabac. Est-ce que le Royaume-Uni va profiter de sa sortie de l’UE pour revoir son cadre réglementaire ?
Daniel Pryor – En effet, les députés veulent profiter du Brexit et de la divergence avec la directive européenne sur les produits du tabac pour aller plus loin. Par exemple, il s’agirait de permettre à la publicité de faire référence aux études des institutions de santé. Ainsi, sur les boîtes de e-cigarettes vendues en magasin, vous pourriez lire que Public HealthEngland a constaté qu’elles sont au moins 95 % moins nocives que les cigarettes.
Des réformes similaires sont également envisagées pour le tabac à chauffer, notamment parce que des fumeurs sont retournés à la cigarette après avoir essayé le vapotage. La plupart du temps, ils n’avaient pas l’impression de fumer ou trouvaient que le produit manquait de nicotine. Les autorités de santé et le législateur pensent qu’il est important de disposer d’une gamme large d’options pour satisfaire les besoins de tous les fumeurs, qui ont des préférences et des antécédents différents.
Il existe également un large soutien en faveur de la légalisation du snus (ndlr : poudre de tabac humide que l’on place entre la gencive et la lèvre supérieure, interdite dans toute l’UE depuis 1992, sauf en Suède) après que l’exemple suédois a démontré son potentiel de réduction des risques.
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Le Brexit va permettre au Royaume-Uni de réduire le tabagisme
Les Anglais nous prouvent que lorsqu’on prend les choses à l’endroit, tout est possible. Ils sont effectivement contents dans le domaine du tabac, mais dommage qu’ils ne l’appliquent pas pour le reste. Mais que voulez-vous, à chacun ses travers…