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La dissolution : du macronisme politicien

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Emmanuel Macron a annoncé à la surprise générale la dissolution de l’Assemblée nationale dimanche soir, peu de temps après les résultats des élections européennes. Les commentateurs ont été pris de court et largement désorientés. Tentative de décryptage.

Une dissolution surprise, une motivation officielle ambiguë

Conformément à la Constitution, le chef de l’État a prononcé le 10 juin la dissolution de l’Assemblée nationale. C’est la sixième fois que cela se produit sous la Ve République. Cette dissolution s’inscrit dans la catégorie des dissolutions de crise, mais dans tous les cas, il s’agit d’un pouvoir propre du Président qui n’appelle pas de justification (en 1997, Jacques Chirac avait d’ailleurs été incapable d’exposer les motifs de la dissolution, que l’on pouvait alors qualifier de pur opportunisme. On connait la suite des évènements…). Il est cependant intéressant de prendre connaissance des raisons officielles qui l’ont amené à prendre pareille décision.

L’adresse aux Français du 9 juin utilise plusieurs fois le terme de « clarté » (un emprunt sans doute au vocabulaire de François Bayrou, par ailleurs l’un de nos hommes politiques les plus confus), ce qui est d’autant plus piquant qu’elle est floue. En effet, les premiers termes visent sans détour l’extrême droite, mais la suite concerne implicitement l’extrême gauche sous couvert de « désordre » parlementaire.

L’ambiguïté a été accusée par les propos de Stéphane Séjourné, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, selon laquelle, sous des conditions à définir, la majorité présidentielle ne présenterait pas de candidat aux élections législatives contre des députés « faisant partie du champ républicain ». Une expression trouble car, si elle est bordée à droite ou plutôt à l’extrême droite, il n’en est pas de même à gauche, et avant tout pour ce qui concerne La France Insoumise.

Les motivations officieuses

Pour certains commentateurs, la dissolution serait le fruit d’une suprême habileté du chef de l’État, pour d’autres un pari (le mot revient souvent dans la presse internationale, fort circonspecte) hasardeux.

Un autre scénario, autrement machiavélique, n’est pas à exclure : la volonté de reprendre la main et d’éviter l’élection du candidat d’extrême droite lors de l’élection présidentielle de 2027 (Emmanuel Macron ne pourra constitutionnellement pas s’y représenter), laquelle serait un camouflet achevé pour celui qui s’est présenté à deux reprises comme un rempart contre les idées nationalistes. De deux choses l’une. Soit les candidats macroniens et « Macron-compatibles » l’emportent en juin-juillet et tout rentrera dans l’ordre (républicain…). Soit l’extrême droite réussit l’exploit de gagner les élections générales et de disposer d’une majorité, si possible absolue (rappelons que les élections législatives ont lieu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, et non pas à la proportionnelle comme les élections européennes), et l’idée serait alors de lui faire perdre toute crédibilité compte tenu du programme économique « socialiste » du Rassemblement national, pour paraphraser Eric Zemmour, et de son incompétence.

Comme nos hommes politiques ne sont pas du genre à prendre aisément leur retraite, un prolongement encore plus machiavélique serait la préparation de la réélection de Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle de 2032 (il pourra alors se représenter et même faire deux nouveaux mandats consécutifs), en espérant que les Français auront la mémoire courte…

La dissolution… de la France

Il y a quelques années, nous avions annoncé qu’après un premier quinquennat perdu, le second quinquennat de Emmanuel Macron le serait tout autant. La procrastination présidentielle, sa politique du « en même temps » et du « un pas en avant et deux en arrière », son absence totale ou quasi-totale de principes au profit d’une navigation à vue permanente, son obstination à commettre des erreurs majeures (à commencer par la dégradation continue des finances publiques) et à faire de la communication plutôt que de traiter des vrais problèmes (la délinquance et l’immigration entre autres qui indisposent un nombre croissant de Français et d’immigrés respectueux de nos valeurs), tout cela explique l’échec cinglant du macronisme.

Mais, accuser Emmanuel Macron de tous les maux serait injuste : nos hommes politiques de tous bords ont participé de notre exception française : une droite molle et engluée dans son étatisme, une extrême droite au programme économique de gauche, un centre à la Bayrou sans programme, une gauche prétendument sociale-démocrate lorgnant très à gauche, des écologistes qui n’ont de vert que le nom et le rouge pour couleur favorite, enfin une extrême gauche fidèle à elle-même avec en tête de gondole une France Insoumise mêlant bêtise, vulgarité et antisémitisme.

Notre pays est vraiment désespérant, mais l’Iref continuera à porter haut les idées de la liberté sous toutes ses formes.

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8 commentaires

Broussard 11 juin 2024 - 6:51

Dissoudre l’A.N un dimanche ;
Quelle audace !
sauf erreur de ma part, je pense que c’est la première fois que cela se produit.
mais quel rapport avec une élection qui ne concernait pas spécifiquement notre pays ?
seul Jupiter aurait-il la réponse ?
Christian

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Jean-Michel 11 juin 2024 - 7:51

« un prolongement encore plus machiavélique serait la préparation de la réélection de Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle de 2027 (il pourra alors se représenter et même faire deux nouveaux mandats consécutifs) » et comment pourrait il le faire sans modifier notre Constitution ? Après tout, tout est possible, il y a de nombreux exemples de par le monde mais en général ces pays ne sont plus des démocraties.

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Feldman Jean-Philippe 11 juin 2024 - 10:41

Il n’y a pas de modification constitutionnelle à faire. Depuis une réforme de 2008 sous Nicolas Sarkozy, notre Constitution prévoit simplement l’interdiction pour un Président de faire plus de deux mandats consécutifs (et non pas consécutifs « ou non » comme dans la Constitution américaine).
Me Jean-Philippe Feldman

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Roven 11 juin 2024 - 7:59

Le bavard prétentieux s’est acculé à la défaite, dépensant l’argent que nous n’avons pas, mettant à terre tous les services publics. Il préfère maintenant repasser la patate chaude d’un pays à l’agonie sur tous les plans : financier, sécuritaire, éducatif, diplomatique, médical… Bonne chance à ceux qui vont devoir redresser un pays descendu aussi bas, il faudra du temps ! On entend déjà les macronistes hypocrites qui diront que tout ne va pas immédiatement très bien avec leurs successeurs, alors que ce sont eux qui auront miné le pays !

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Oncpicsou 11 juin 2024 - 8:46

En ce qui concerne la clarté, quand ils n’ont pas la chose ils ont les mots, ça on savait.
Quant à l’échecs du macronisme, on peut se poser la question: couler la France pour mieux la diluer dans l’Europe, il a plutôt bien réussi jusque là…

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Papili-Aussi 11 juin 2024 - 9:29

La bêtise à l’état pur.
Que M Macron soit vexé d’une défaite annoncée est une chose, mais de là à dissoudre l’assemblée et donc provoquer élections et changement de gouvernement, avec cohabitation, au moment même du début des JO, est du niveau de l’inconscience.
La France qui est déjà en alerte permanente pour tous les sujets que vous savez, va entrer dans une période de turbulences exceptionnelles avec les JO. Turbulences soutenues par Moscou en particulier mais pas seulement, et appuyées en interne, en France, par les partis gauchistes de M melenchon essentiellement.
Il eût été urgent de réfléchir et de reporter cette décision après les JO si elle était réellement motivée autrement que par la vexation présidentielle.
La bêtise a l’état pur.

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Stéphane Colaiacovo 11 juin 2024 - 9:42

Merci pour cette analyse. Pour ma part, cet homme qui nous sert de président est, je le crois, un pervers narcissique. Aussi, tout est fait, chez lui, avec ce prisme, c’est à dire teinté d’une certaine perversion. Il y a, chez lui également, une rhétorique constante à propos de la guerre (Covid, Ukraine, natalité, économique, …) et donc une manière pour lui d’instaurer la peur et de se poser en sauveur ; ses pulsions de va-t’en-guerre le démontre régulièrement.
L »instauration d’un chaos/guerre serait alors une option très certainement envisagée et avantageuse pour lui. Cela lui permettrait de se maintenir au pouvoir, sans élection, avec tous les pouvoirs, sans démocratie et sans personne face à lui (revoir ce qui s’est joué pendant la séquence Covid et ce qui se passe en Ukraine)
Mon grand-père m’a toujours enseigné de me poser une question essentielle : « à qui profite le crime ? »…

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Picot 11 juin 2024 - 10:58

Allons donc. Macron a dit, avant d’être ministre de Hollande, que sa mission était de détruire la France. Vidéo, que j’ai vue, devenue mystérieusement introuvable. Il faut lui reconnaître qu’il fait ça très bien. Cette dissolution va certainement le servir dans ce but.

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