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Glyphosate : un coupable idéal pour la malhonnêteté journalistique d’Élise Lucet

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Un cas d’école d’obscurantisme journalistique. C’est ce que l’on pourra retenir de l’émission Envoyé Spécial de jeudi soir sur le glyphosate. Durant les deux heures du reportage, Élise Lucet aura réussi à cumuler les théories du complot, la promotion d’un scientifique discrédité, l’instrumentalisation d’un enfant handicapé et de personnes malades, le tout dans une ambiance anxiogène et malhonnête.

Présenté comme un monstre à éliminer à tout prix, le glyphosate inquiète légitimement les consommateurs français. Soumis à un battage médiatique incessant et accusatoire depuis plusieurs années, il est parfaitement normal de s’inquiéter de l’utilisation massive de cet herbicide. L’IREF avait déjà étudié cette question dans plusieurs articles en rappelant l’état du consensus scientifique, à savoir le caractère non cancérogène de cette molécule lorsqu’elle est utilisée de manière conventionnelle.

1. La non-confrontation entre un agriculteur conventionnel et un agriculteur « bio »

Le reportage commence par une immersion chez Vincent, utilisateur et défenseur du glyphosate sur son exploitation, et Olivier, producteur en agriculture dite « biologique ». Ce dernier aurait éliminé « tout pesticide chimique ». Première erreur d’une longue liste. Tous les pesticides sont chimiques, car toute substance est chimique, comme l’eau ou le sel de table. L’agriculteur fait probablement référence aux pesticides de synthèse. La culture « bio » fait elle aussi appel à des pesticides, synthétiques (par dérogation), comme « naturels ». 99,99 % des pesticides que nous consommons sont produits naturellement par les plantes. La distinction « chimique »/« naturel » n’a aucun intérêt lorsqu’on aborde la toxicité d’un produit.

Olivier affirme ne pas être à l’aise lors de l’épandage du glyphosate. Son discours est basé sur des émotions et ne suit pas une démarche rationnelle. Son alternative est le labour, présentée comme une technique « ancestrale ». Seule une phrase est énoncée pour dire que cette méthode est « controversée ». Il aurait été pertinent de détailler un peu plus cette question. Le labour détruit la vie microbiologique des sols et accélère son érosion. Le glyphosate permet l’agriculture de conservation des sols qui limite la consommation de fertilisants de synthèse, le labour, la consommation d’énergie tout en favorisant la biodiversité.

« Je ne veux pas qu’on impose le « bio » à la cantine » : Vincent pose ici une bonne question. Rien n’empêche Olivier de produire en « bio » sans glyphosate ni à ses consommateurs d’en acheter. Plusieurs formes d’agricultures peuvent coexister. Vincent et Olivier en sont la preuve. Ils ne sont pas en confrontation et cohabitent. Ce que réclame Vincent est parfaitement légitime. Laissons chacun choisir. À partir du moment où rien ne démontre que ce produit génère des nuisances externes sur le reste de la population, il est de la responsabilité de chacun de faire son arbitrage dans son mode de consommation.

2. Le « glyphotest » ou le populisme journalistique à l’œuvre

Pour alimenter le climat anxiogène du reportage, Élise Lucet propose à plusieurs personnes, dont des personnalités, de mesurer la quantité de glyphosate dans leur urine. Le taux le plus élevé mesuré est de 1,26 microgramme par litre. Mais donner une concentration sans autre élément n’a aucun intérêt si ce n’est alimenter la peur, car c’est la dose qui fait le poison. Une des personnes demande d’ailleurs comment le taux mesuré se situe par rapport à la norme. Réponse d’Élise Lucet : « on est incapable de fixer un seuil au-delà duquel c’est dangereux ». Ceci est un mensonge éhonté. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) fixe la dose aiguë de référence (DARf) pour le glyphosate à 0,5 milligramme par kilogramme de poids corporel, soit près de 400 fois la concentration mesurée dans l’urine.

Ce point est essentiel, car il touche à la distinction risque/danger. Le risque, c’est la probabilité d’être exposé multipliée par la dangerosité du produit. Un produit dangereux auquel on n’est pas exposé ou seulement à des doses minimes n’est pas forcément risqué. Un crash d’avion est très dangereux, mais très rare, ce qui en fait le moyen de transport le plus sûr au kilomètre parcouru. La classification de l’herbicide en « probablement cancérogène pour l’homme » (catégorie 2A) par le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) fait débat dans le milieu scientifique. Dans tous les cas, cette catégorisation caractérise le danger et non le risque. Distinction essentielle qui est manifestement passée sous silence. Toutes les grandes agences sanitaires du monde, qui évaluent le risque, ne réclament pas l’interdiction du gyphosate. La consommation de charcuterie est « cancérogène pour l’homme » (catégorie 1) selon le CIRC, ce n’est pas pour autant qu’elle doit être interdite.

3. Le jardinier Johnson et son procès obscurantiste contre Monsanto

Envoyé Spécial s’attarde ensuite sur la terrible maladie de Dewayne Johnson qui a gagné un retentissant procès face à Monsanto cet été (Monsanto fait appel). Si son cancer désormais incurable ne peut laisser personne de marbre, il n’en reste pas moins que la science ne permet pas d’affirmer que son cancer a été causé par son utilisation professionnelle du glyphosate. Le jury en avait pourtant jugé autrement. Nous avions expliqué dans un article en quoi cette décision est une dérive dangereuse du droit et une négation grave de la science.

4. L’affaire des Monsanto Papers, la science toujours absente

L’affaire des Monsanto Papers a révélé des pressions de la firme sur les agences sanitaires et des cas de ghostwriting consistant à faire signer par des scientifiques réputés des articles largement rédigés par les toxicologues de Monsanto. Ces pratiques, éthiquement critiquables et méthodologiquement discutables, ne permettent néanmoins pas de remettre en cause les conclusions scientifiques sur la cancérogénicité de l’herbicide selon l’EFSA car elles ne concernent que des éléments mineurs. Cela pose toutefois de vraies questions sur la nécessaire transparence des procédures d’évaluation et de mise sur le marché des intrants agricoles.

5. Une tribune offerte à un scientifique unanimement discrédité

Élise Lucet frappe fort en donnant la parole pendant de longues minutes à Gilles-Éric Séralini, un scientifique largement discrédité suite à la publication d’une étude sur la cancérogénicité d’un maïs OGM résistant au glyphosate. Depuis rétractée par le journal, cette étude a été très critiquée par la communauté scientifique sur sa méthodologie et a été jugée inadéquate par le CIRC. C’est à peine si le reportage annonce que ces résultats ont été contredits depuis par quatre expériences (Marlon, GRACE, G-TwYST et GMO 90+) qui montrent toutes l’absence d’effet sur le cancer. Mais le mal est fait. Gilles-Éric Séralini peut désormais vendre de la peur très lucrative dans ses livres et avoir l’oreille attentive d’Élise Lucet.

6. L’instrumentalisation d’un enfant handicapé

Théo, un enfant de 11 ans souffrant d’une anomalie congénitale est interviewé. Sa mère affirme que son handicap est apparu suite à son utilisation de l’herbicide lorsqu’elle était enceinte. Comme dans le cas de Dewayne Johnson, rien ne permet d’affirmer un lien de causalité. Élise Lucet se livre ici à une instrumentalisation révoltante de la situation de cet enfant.

7. Pas non plus de preuve au Sri Lanka

Une instrumentalisation de plus au Sri Lanka. Cette fois-ci, le glyphosate serait coupable d’une épidémie de maladie rénale. Envoyé Spécial s’appuie sur des études réalisées par Channa Jayasumana pour l’affirmer (ici et ici). Ces articles restent hypothétiques et ne démontrent pas de causalité. Plusieurs facteurs sont avancés par les scientifiques, dont le glyphosate, mais l’OMS juge que ce n’est pas démontré.

Ce passage montre d’ailleurs que sans glyphosate, la seule alternative crédible est de revenir au désherbage manuel ou mécanique. Une solution qui peut coûter très cher et aller à contre-courant des gains de productivité agricoles qui permettent aux populations des pays pauvres de sortir de la misère et de la faim. L’interdiction du glyphosate a d’ailleurs été annulée en 2018 pour toutes les cultures au Sri Lanka, contrairement à ce qu’affirme le reportage.

8. Des parlementaires à la botte du président, un scoop ?

Élise Lucet tiendrait-elle un scoop ? L’Assemblée nationale est une caisse d’enregistrement des décisions du président. Ce n’est pas comme si l’on découvrait l’utilité limitée de cette institution.

Ce passage a le mérite de montrer l’embarras des politiques qui, au mépris de la science et du droit, refusent de rappeler le consensus scientifique porté par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES).

François de Rugy, ministre de l’Écologie affirme qu’il y aura une alternative pour « en finir avec le glyphosate en 2021 ». La promesse est aisée, l’art est difficile. L’Institut national de recherche agronomique (INRA) estime qu’aucune alternative ne puisse faire aussi simple, efficace, peu toxique et peu coûteux que cette molécule. Il est peu probable qu’une meilleure solution soit trouvée et mise sur le marché d’ici 2021.

* * *

Oui le glyphosate est dangereux. Oui son utilisation doit être faite avec les précautions qui s’imposent. Oui, les méthodes de Monsanto, intégré depuis à Bayer, sont critiquables et éthiquement discutables. Mais la science est très claire sur le sujet. L’utilisation du glyphosate de manière conventionnelle ne présente à ce jour pas de risques significatifs connus.

Élise Lucet entretient une désinformation anti-science cumulant des conditionnels, des théories du complot, des instrumentalisations révoltantes, des images-chocs, une musique anxiogène, des interviewés acculés, des chiffres présentés sous forme effrayante, mais qui n’apportent rien, des mensonges et des lacunes graves pour traiter d’un sujet pourtant essentiel.

La liberté de la presse ne dispense ni de contradicteurs ni de rigueur intellectuelle. La question des pesticides est complexe, car elle implique un arbitrage entre protection de l’environnement, maintien de la productivité agricole et sécurité sanitaire pour les producteurs et les consommateurs. Sans vouloir minimiser les inquiétudes et les précautions concernant l’utilisation de ces intrants agricoles, l’IREF estime que le sujet aurait dû être traité de manière moins manichéenne et faire appel à des scientifiques et des spécialistes reconnus pour leur expertise en agronomie, en nutrition et en toxicologie.

Attaché à une liberté inconditionnelle de la presse, l’IREF milite pour la privatisation de France Télévisions. Cela permettra à chacun de choisir librement quel média il souhaite financer sans être forcé de subventionner les émissions d’Élise Lucet, payée 25 000 €/mois, par la redevance audiovisuelle publique.

L’auteur de cet article déclare qu’il n’a aucun lien de quelque sorte que ce soit avec le secteur agroalimentaire ou agrochimique.

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8 commentaires

Gian 19 janvier 2019 - 9:14 am

La messe médiatique est dite !
Eglise Lucet, grande prêtresse cathodique multiplie les raisonnements par inférence caractéristiques des milieux politiques populistes et syndicalistes.
Des deux vitesses de la pensée, elle ne mouline que sur la première, la plus économe en énergie.
Comme nombre de ses coreligionnaires, elle donne l'impression de considérer la somme de leurs raisonnements par inférence comme "analytique".
Après, pour moi, ils sont capables de lire du Kahneman, ils ne sont pas cons, mais bien manipulateurs.

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Guy 21 janvier 2019 - 3:03 pm

Une grande oubliée
Dans l'émission comme dans votre critique, jamais n'apparaissent les dégâts faits à la biodiversité. Mettez une cuillère à dessert de glyphosate dans votre aquarium, vous comprendrez.La vie humaine dépend des 8écosystèmes qui sont massacrés.

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Guy 21 janvier 2019 - 3:55 pm

Une grande oubliée
Dans votre critique comme dans l'émission d'Elise Lucet il n'est fait allusion aux dégâts environnementaux fait par le Glyphosate ?
Mettez une cuillère de ce produit dans votre aquarium vous comprendrez mieux !
La vie des écosystèmes conditionne la nôtre. Cette vision ethnocentrée et partisane est inquiétante.

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Tatou 22 janvier 2019 - 7:09 am

Mettez une cuillère d'eau de javel dans votre aquarium ou une boîte d'aspirine,et vous verrez ce que çà donne. Vous croyez les agriculteurs complètement stupides de ne pas constater ce qui est possible ou non pour la pérennité de leur terre, leur gagne pain ?

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claude 22 janvier 2019 - 9:02 am

Glyphosate: attention!
Benoît Biteau agronome en Charente Maritime, dans l'un de ses livres, nous montre la dangerosité du Glyphosate non seulement pour l'humain mais aussi pour tout ce qui vit dans le sol. En tant qu'ancien expert agricole, je partage cet opinion.

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bidard raymond 22 janvier 2019 - 9:47 am

le glyphosphate et les radis
qui peut expliquer que le glyphosphate puisse se retrouver dans les végétaux sur les parcelles traitées alors que 10 jours après son utilisation il n'est plus présent dans le sol puisque nous pouvons semer n'importe quels végétaux sans conséquences.
mon explication, au soleil le glyphosphate se dissocie
en plusieurs molécules qui elles n'ont aucun effets herbicides donc certainement aucun effets cancérigène
il importe seulement de prendre comme pour tous produits chimiques des précaution lors de son utilisation

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JFP 22 janvier 2019 - 9:54 am

Quid de l'ANSES
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) "conteste toute erreur d'appréciation" après l'interdiction par la justice du Roundup Pro 360, herbicide à base de glyphosate. Le tribunal administratif de Lyon a annulé l'autorisation de mise sur le marché de ce produit, estimant qu'il devait "être considéré comme une substance dont le potentiel cancérogène pour l'être humain est supposé".
La justice ne ferait plus confiance aux scientifiques même si L’Anses a confié l’instruction du renouvellement d'homologation à un groupe d’experts spécialisés en toxicologie,cancérogénèse, mutagénèse et épidémiologie.
L'ANSES serait donc incompétente depuis plus de 30 ans . . .

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Gian 22 janvier 2019 - 12:15 pm

Quand France Info assure le deuxième service
Aujourd'hui France Info défend la messe cathodique d'Église Lucet en 12 points.
Je ne peux les commenter tous, tant je ne connais pas suffisamment bien le dossier glyphosate.
Cependant, la réponse à l'invitation de Eric Seralini dans l'émission est un caviar éhonté de sournoiserie.
Et le pompon, la mise en garde contre toute possible diffamation en publiant le document d'un jugement correctionnel le concernant.
N'empêche qu'ils ont bien invité un scientifique des plus controversés et pernicieux qui soient. Ne leur manquent plus qu'à inviter du Benveniste ou du Jean-Pierre Petit sur des sujets sur lesquels ils n'ont pas de controverse et on va les croire, c'est sûr !
Pauvre service-public, qu'est-il devenu entre les mains de ces idéologues fanatiques . . .
https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/pesticides/glyphosate/envoye-special-sur-le-glyphosate-nos-reponses-aux-intox-qui-circulent-sur-les-reseaux-sociaux_3155751.html

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