Nos lecteurs savent quelle importance nous attachons à l’indépendance de l’information et à la liberté de l’approche critique qui va avec. Manifestement, ce n’est pas le cas pour tout le monde. Certes on s’en doutait déjà, mais c’est à l’occasion d’une recherche sur la réforme des retraites que l’on trouve un article de fond de Wikipedia extrêmement complet et très bien fait, qui livre une synthèse remarquable sur tout le processus et le contenu de cette réforme.
Parmi les 15 pages de l’article (hors références et renvois), il nous a paru important d’isoler une information que l’on ne trouve guère ailleurs, mais qui en dit beaucoup sur tous ceux qui à longueur de colonnes, à longueur de plateaux, à longueur d’interviews monopolisent pratiquement l’attention du public et notamment dans les médias de grande écoute ou de grande diffusion. Que Wikipedia nous excuse, mais, pour garder toute sa vigueur au passage ci-dessous et mettre en relief une information fort instructive qui ne doit rien aux participants, nous l’avons morcelé en plusieurs paragraphes. Voici donc cette citation :
I – « Un déjeuner discret »
« Le 17 janvier 2023, Emmanuel Macron invite à un déjeuner discret une dizaine d’éditorialistes – Françoise Fressoz (Le Monde), Guillaume Tabard (Le Figaro), Dominique Seux et Cécile Cornudet (Les Échos), David Revault d’Allonnes (Le Journal du dimanche), Stéphane Vernay (Ouest-France), Nathalie Saint-Cricq (France Télévisions), Benjamin Duhamel (BFM TV), Yaël Goosz (France Inter) et Alba Ventura (RTL) – pour exposer son point de vue tout en leur demandant de ne pas indiquer leur source. Si selon Acrimed ces éditorialistes n’ont pas attendu cette invitation pour promouvoir la contre-réforme des retraites, elle n’en pose pas moins trois problèmes :
« « La fabrique de l’agenda politique et médiatique »,
« « La communication politique sans filtre » qui pointe les frontières poreuses voire inexistantes entre communications présidentielles et journalisme politique (selon Le Monde critiquant le off « La tenue de propos anonymes est devenue une véritable arme de communication sous la présidence d’Emmanuel Macron »),
« et « Le microcosme politico-médiatique », c’est-à-dire « la proximité sociologique et la solidarité de classe qui unit fondamentalement cette élite journalistique avec un gouvernement au service des élites économiques, et l’homogénéité sociale des journalistes-vedettes […] qui n’en finit pas de miner le pluralisme d’un côté, et l’information de l’autre. »
« Acrimed et Arrêt sur images pointent le fait que les éléments de langage et tournures de phrases du président se retrouvent dans les médias sans distance critique. Acrimed critique la « solidarité de classe »entre journalistes qui couvrent cette pratique. »
[Ndlr : Acrimed est un observatoire de critique des médias, Arrêt sur images un site Web d’analyse critique des médias]
II – Le plus important n’était pas ce qu’il y avait dans l’assiette
Nous pensons en effet que cette information guère relayée par les médias dominants est pourtant fort intéressante pour l’ensemble de ceux qui sont concernés ou qui s’intéressent à la réforme des retraites, ainsi mis à même de pouvoir situer dans leur contexte et dans leur obédience tout ce qui se dit, tout ce qui se montre et tout ce qui s’imprime sur cette réforme. Et peut-être plus important encore, cette brève liste révèle suffisamment d’affinités discrètes pour comprendre pourquoi tout ne se dit pas et qu’il y a des tas de questions importantes qui n’affleureront jamais parmi ce beau monde, soucieux avant tout de ne pas déplaire au Prince et de rester dans le cercle privilégié de ses invités. C’est un peu comme si, avant un examen ou un concours et bien sûr en tout bien tout honneur, un candidat invitait en catimini ses examinateurs qui se dépêchaient d’accourir, les uns pour le repas, les autres pour le Président.
III – « La voix de son maître »
Peu importe que les Français avec leur bon sens réfractaire aient constamment le sentiment que le sujet des retraites n’est pas complètement traité, voire trop souvent qu’il est assez mal traité ou largement biaisé. On remarquera notamment l’exclusion systématique de toute représentation des retraités, qui sont pourtant les seuls dans ce pays à avoir une expérience personnelle, quotidienne et prolongée de la retraite. Ces silences (la capitalisation honnie), ces blancs (notamment aucune approche globale de la pénibilité), ces approximations (cf. le plancher de 1200 euros par mois pour les petites pensions), ces exclusions (la remise aux normes du secteur public) ne procèdent nullement de l’omission ou de l’ignorance des journalistes, mais de choix partisans et subliminaux dictés et renforcés encore par la concentration malsaine des pouvoirs d’information en France, pour la plupart très dociles envers qui les subventionne ou les favorise. Si bien qu’avant même l’irruption récente de l’intelligence artificielle (qui devrait d’ailleurs, on l’oublie trop, permettre de neutraliser une partie de la bêtise naturelle et de la duplicité politique qui sévissent si librement chez nous), trop de tribunes, trop d’articles, trop d’études, trop de débats semblent tous reproduire fidèlement « la voix de son maître ». En effet, beaucoup se ressemblent étrangement et relèvent davantage de ce qu’on pourrait appeler de la publicité rédactionnelle, que d’une véritable information exhaustive, incisive et sans concession destinée à procurer honnêtement au citoyen de base les éléments de réflexion nécessaires à l’exercice éclairé de son choix.
IV – Conclusion: attention aux accointances particulières
Finalement, nous ne saurons jamais si le déjeuner était bon. Certes, on nous objectera à raison qu’il n’est pas interdit au Président d’inviter qui il veut, quand il veut, comme il veut et où il veut. Mais sans avoir l’œil rivé au trou de la serrure, le citoyen a intérêt à ne pas négliger ces « accointances particulières » pour rectifier sa parallaxe de jugement vis-à-vis de l’information que lui baillent généreusement la plupart de nos médias, dont la loyauté, la sincérité, l’indépendance, la compétence et l’exhaustivité ne sont pas toujours les vertus premières.
16 commentaires
Edifiant! Les bavardages dominent largement la réflexion dans le milieu des imbéciles* littéraires qui ont le pouvoir (politique et médiatique).
La preuve en est que personne n’aborde l’injustice majeure que représente la repartition pour celui qui a élevé au moins 2 enfants par rapport à celui qui n’en a pas élevé. Une étude evalue a 250000€ le coût d’un enfant jusqu’à 18 ans. 500000€ pour deux!
La vrai contribution à la retraite par repartition ce ne sont pas les cotisations mais les enfants que l’on a élevés. Et ce cout ne tient pas compte des soucis ni des heures passées en santé, eduducation etc.
Mais qui évoque, même timidement, cet aspect majeur du problème ?
Quelqu’un qui n’a pas élevé d’enfant devrait être rattaché à un régime par capitalisation financé par les énormes économies que cela leur a procuré. (Sans être exonéré des cotisations pour la retraite par repartition de leurs parents bien sur!!!)
* Quand on met en perspective la gestion de notre pays depuis 50 ans, le mot est faible.
Pas mal votre commentaire. pour ma part j’en ai « élevé » trois, donc je suis un super papa, et je suis digne d’avoir une très bonne retraite, ce qui n’est absolument pas le cas. Pourtant j’ai travaillé plus de 50 heures par semaines, les 30 glorieuses, et aujourd’hui j’ai une retraite basée sur le système Baladur, vous comprenez ce que ça veut dire.
…et vous n’êtes pas le seul !
La règle, en politique et dans les médias de propagande, est de ne pas poser les problèmes que l’on ne veut pas résoudre.
D’accord à 1.000 %
Christian B.
Cher Thierry BENNE
Pourquoi, dans le contexte !!!, rester « muet » sur la question :
https://fr.irefeurope.org/featured/article/indemnites-indues-des-membres-du-conseil-constitutionnel-le-respect-la-lumiere-et-la-verite/
Mettre sur la place publique ( les TV la PQR et les titres de la presse nationale ) votre dossier
C’est le moment , non ?
Cordialement
@Martinie
Même si effectivement la question revêt actuellement une actualité brûlante, je préfère pouvoir caler la suite de mes travaux sur les décisions à venir plutôt que de me trouver en quelque sorte assis entre deux chaises. Vous n’avez probablement aucune idée des obstacles infinis que les médias dressent pour éviter la diffusion des informations – souvent beaucoup moins sensibles que celles qui nous préoccupent – qui les dérangent eux ou leurs mentors.
Mais ne vous inquiétez pas, je n’ai nullement abandonné le dossier, même s’il ne donne plus lieu pour l’instant à des publications aussi rapprochées que par le passé. Je vous remercie sincèrement de ‘l’intérêt que vous n’avez cessé de porter à mes démarches.
Bien à vous: Th.B
Après cet article très intéressant de Monsieur Thierry Benne ,une chose est sûre c’est qu’il n’est, ni subventionné ni favorisé par qui que ce soit.
Encore un de plus dénonçant les turpitudes de nos dirigeants de la même veine que celui des avantages anormaux du Conseil Constitutionnel avec les 4000 euros mensuels versés en douce à ses membres.
Tout élu doit rendre des comptes à la société, notamment avec qui il déjeune, du moment que ce repas a été payé avec des deniers publics. cf : art 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. Cet article montre également combien il est nécessaire de croiser les sources d’information françaises et étrangères, par exemple.
A propos de transparence de la vie publique en France, on pourra lire : https://contrib.city/index.php/2023/03/22/retraites-legitimites-quid-du-respect-des-regles-democratiques/
En effet, c’est décevant et pitoyable.
Les journalistes de tous bords (ceux sur place) ont bien gardé ça pour eux, dans le secret.
Aucun n’en a parlé. Ils auraient déjà du quitter la table au moment des dires: « pour exposer son point de vue tout en leur demandant de ne pas indiquer leur source ».
Ils sont assez grands et savent ce qu’ils ont le droit mettre dans la presse et autres médias!
Il n’y a en pas un pour racheter les autres.
Faut pas s’étonner du développement galopant des Fakes.
Bonne journée
PhB
Complément pour les « pleurnichard »
Ceux qui râlent pour leur petite retraite en ayant bossé 45 ans ou plus, vous seriez sympa et honnêtes de présenter VOS CHIFFRES: Facile de taper à tout va sur les institutions quand on est du BON CÔTE de la barrière!
Pour mon cas perso: Ingénieur cadre dans l’instrumentation scientifique ayant bossé 43 ans ans sans trou avec départ en retraite à 65 ans : je déclare aux impôts cette année:
Cumul total de la retraite en 2022: CARSAT + HUMANIS: 32 971€ soit 2 742€ Imposables
J’estime que c’est une bonne retraite . Ca c’est du CONCRET!
Faudrait laisser s’exprimer les agriculteurs retraités qui n’ont pas eu la possibilité de se préparer un bonne complémentaire comme la plupart d’entre nous.
PhB
Conditionner la retraite par répartition à l’existence d’enfants me paraît un peu court. QUID des contribuables ayant par leurs impôts participé au financement d’écoles et d’aide à l’enfance pour des enfants qu’ils n’ont pas eu ? C’est oublier un peu vite qu’à salaire égal les personnes sans enfants payent davantage d’impôts directs sans compter les exonérations dont ils ne bénéficient pas. La « démographie » a bon dos, sauf que… les enfants nés maintenant ne travailleront pas avant une vingtaine d’années, voire plus.
La répartition est tellement liée aux enfants que la question qu’il faudrait poser dans un référendum serait: « à quel age voulez vous commencer à ponctionner le pouvoir d’achat de vos enfants ».
Quand aux impôts, tout le monde en paye.
…etes ous conscient qu’en tant qu’enfant vous prelevez actuellement sur votre pouvoir d’achat pour payer un rentier partit à 52 ans se la couler douce sous les palmiers? …lequel a peut être bien profité de la vie, sans enfant !
…savez vous que la plus grosse part d’impôts est la TVA et que lorsque vous élevez des enfants vous passez à la caisse plus souvent que ceux qui n’en ont pas? Ne me parlez pas de la ridicule réduction plafonnée, c’est une plaisanterie. Et n’oubliez pas non plus que les enfants sont les futurs contribuables…!
non désolé le raisonnement ne tient pas, avoir des enfants et compter sur eux pour payer sa retraite c’est de tte façon se financer sur le dos de quelqu’un d’autre,
la capitalisation est juste, la répartition est injuste, point barre.
ah, les enflures !