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Réformes des retraites : on se trompe d’enjeu !

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La réforme des retraites est critiquée pour de mauvaises raisons et elle a été votée pour des raisons pires encore. Seule la capitalisation peut nous faire revenir à la raison.

Adoptée le 20 mars, la loi sur les retraites allonge, au rythme de trois mois par an pour les assurés nés après le 1er septembre 1961, de 62 à 64 ans l’âge légal de départ. Parallèlement, pour bénéficier d’une retraite à taux plein il faudra avoir cotisé au moins 43 ans dès 2027 (la loi Touraine le prévoyait déjà, mais à partir de 2035). Pour ceux qui n’auraient pas pu cotiser 43 ans, l’âge de la retraite à taux plein (sans décote) est fixé à 67 ans. Mais ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans pourront partir à 58 ans ; entre 16 et 18 ans à partir de 60 ans, entre 18 et 20 ans à partir de 62 ans, entre 20 et 21 ans à 63 ans.

Une contestation spécieuse et périlleuse

Le report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite a été considéré comme effroyable alors qu’il ne s’agit que d’une évolution raisonnable de la durée de cotisation par rapport à la durée de pension alors que les actifs sont de moins en moins nombreux et que les retraités le sont de plus en plus. Déjà dans une majorité de pays développés, l’âge de départ est à 65 ans ou au-delà.

Signe des temps, à défaut d’autre aspiration, la retraite est devenue un horizon indépassable pour tous ceux qui, nombreux, vont s’y ennuyer à mourir sans mourir.

Par ailleurs, la contestation s’est focalisée sur les carrières longues qui pourraient être amenées à cotiser jusqu’à 44 ans, voire un peu plus. Mais ce n’est pas anormal. Le nombre d’années de cotisations ne suffit pas à assurer la justice entre les cotisants. Il faut aussi examiner combien d’années de pensions de retraite seront payées à chacun. Il faut un équilibre entre la durée de cotisation et la durée de pension. Celui qui part plus tôt à la retraite en profitera plus longtemps et pour équilibrer sa retraite, il faut donc qu’il cotise plus longtemps.

Mais la réforme des retraites est un prétexte rêvé pour les casseurs désœuvrés. Elle l’est aussi pour les populistes de tout poil, de la Nupes au RN en passant par les Liot et autres infidèles de LR, afin, selon les cas, de mobiliser la rue ou faire carrière. Au demeurant les députés n’ont pas de mandat impératif et leur liberté comme leur grandeur est de voter en conscience, indépendamment de l’opinion. Pourquoi alors, comment, reprocher à ceux qui n’ont pas voté la censure d’aller à l’encontre d’une opinion manipulée ? Il faut par contre condamner fermement ceux qui utilisent la violence physique, morale ou économique contre les élus ou contre les policiers, dans les rues ou par l’usage abusif de la grève. Et il faut les en empêcher. Mais de quoi l’Etat est-il encore capable ?

Jeux de dupes

En réalité, chacun s’est enfermé dans un discours étriqué et erroné. Les opposants à la réforme, partis ou syndicats, ont raconté à tort que le régime des retraites n’était pas en perte alors que le déficit de la branche vieillesse devrait s’établir à 2,5 milliards d’euros en 2023 et s’aggraver ensuite. Et ni le gouvernement ni les parlementaires partisans de la réforme n’ont rappelé que le système de retraite souffre d’un déséquilibre endémique infiniment plus grave, de 119 Md€ en 2021, et récurrent d’année en année, dû aux surcoûts (par rapport à des cotisations équivalentes à celles du privé) des régimes de retraites des fonctionnaires (Etat, collectivités et hôpitaux), des régimes spéciaux et autres avantages divers. Ces pertes cachées sous forme de contributions ou comptes spéciaux représentent environ 80% du déficit public de 2023 ou encore presque l’équivalent du produit de la CSG. Mais personne n’ose en parler de peur que les fonctionnaires et autres bénéficiaires des régimes spéciaux considèrent cela comme un outrage.

Certes, le report de l’âge légal à 64 ans d’ici 2030, l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans dès 2027, l’âge de la retraite sans décote à 67 ans concerneront aussi les agents publics, fonctionnaires et contractuels, mais le mode de calcul des pensions des fonctionnaires reste inchangé, sur leur traitement des six derniers mois.  Pour les 20% d’agents en catégories dites « actives » et « super-actives » (infirmiers, aides-soignants, policiers, pompiers, surveillants pénitentiaires…), l’âge d’ouverture de leurs droits à retraite est reculé de 2 ans, mais il sera encore de 59 ans pour les catégories actives et de 54 ans pour les catégories super-actives.

Les principaux régimes spéciaux de retraite (industries électriques et gazières, RATP, clercs de notaire, Banque de France, CESE…) continueront de s’appliquer sauf pour les nouveaux embauchés à partir du 1er septembre 2023, ce qu’on appelle la clause de grand père. C’est-à-dire que les salariés actuels resteront affiliés à leur régime spécial. Et d’autres régimes, très avantageux, ne sont pas concernés par la réforme : marins, Opéra de Paris, Comédie française…

La réforme a eu le souci des petites retraites, des accidentés du travail, des victimes de maladie professionnelles ou de ceux qui ont occupé des emplois pénibles, mais elle a manqué du courage qui aurait voulu, dans un régime par répartition, qu’en dehors de ces cas particuliers, tous soient traités de la même manière.

Une mauvaise réforme

Les partisans de la réforme n’ont pas su la défendre parce que c’est une mauvaise réforme, un emplâtre sur une jambe bois. Elle reste injuste en maintenant des « classes » de privilégiés. Les Républicains n’ont servi, d’amendements en concessions, qu’à en amoindrir les effets sans comprendre que le véritable enjeu était ailleurs, dans le modèle de retraite lui-même. Plutôt que de se battre bêtement sur des détails, ils auraient dû proposer de repenser le système des retraites.

Seule la capitalisation peut remettre durablement les régimes de retraite à l’équilibre. Elle ne pourra être mise en place que progressivement : raison de plus d’en décider rapidement. Elle permettra à terme à tous d’obtenir de meilleures retraites en payant moins de cotisations ainsi qu’en justifient les modèles de capitalisation en vigueur dans près de la moitié des pays de l’OCDE.  Elle permettra à chacun de choisir la date à laquelle il prendra sa retraite : l’Etat n’aura plus à en décider pour nous. Mais c’est peut-être ce qu’il ne veut pas !

En définitive, l’utilisation du 49.3 n’était pas illégale. La 5ème République l’a pratiquée cent fois, M. Rocard à 28 reprises. On peut changer la Constitution qui l’a prévue pour permettre à des gouvernements n’ayant qu’une majorité relative de gouverner. Mais il faut alors la modifier par la loi, pas par la rue, quand bien même il faut admettre que le 49.3 a en l’espèce témoigné de la faiblesse de M. Macron et peut légitimement être perçu comme une provocation. Nos politiques ne manquent pas seulement de courage, mais aussi de vision et d’intelligence.

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13 commentaires

JR 26 mars 2023 - 8:39

Bonjour Maître, globalement cela ressemble à cela. Sauf que cette réforme arrive après de très nombreuses décisions ineptes, anti-économiques et libertaires, plutôt que de s’attaquer aux vrais problèmes de la France (ex 3 ème puissance) . La Macronie n’a fait que de chercher des poux dans la tête des Français contribuables, donc ils ne sont plus crédibles et ils (nous) en payent le prix aujourd’hui. Juste pour l’anecdote, souvenez-vous de Sibeth Nydiaye qui se moquait de nous en nous expliquant son histoire de masque, mais comment peut-on ! Alors que parallèlement ils procédaient au dézingage en règle de note supériorité nucléaire.
Pour rappel, alors que les sujets à traiter sont innombrables (je ne ferai pas l’affront de les énumérer), dont les retraites. Sous Macron I, la première mesure prise est les 80 km/h déclenchant la crise des GJ. Comment voulez-vous respecter un gouvernement qui veut gérer ce qu’il y a dans votre assiette.
Pour être respecté, il faut être respectable et montrer l’exemple. Il est flagrant que la Macronie manque d’expérience dans le management, pour s’en convaincre il suffit de regarder E.Philippe ou E. Borne ou toutes les petites Macronnettes ou Macroneux qui s’agitent servilement et mensongèrement sur les plateaux télévisés. Avec un tel cynisme, vous ne pouvez pas entrainer vos administrés. Je reste persuadé que la méthode est mauvaise. Il devait en 1 er lieu donner des signaux forts de gisement d’économie, par exemple, démontrer que tous les faux pensionnaires avaient été radiés. Merci pour vos articles et la défense de nos libertés. Respectueusement

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Martinage 26 mars 2023 - 10:27

Pour ceux qui savent ce que c’est de travailler et qui connaissent le marché du travail , c’est évident que c’est une sombre bêtise cette réforme .

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Anne 27 mars 2023 - 7:11

Vous ne soulignez pas un autre mensonge énorme et fondateur, qui est de faire croire qu’on cotise pour sa retraite, ce qui est faux: on cotise pour la retraite des autres, et pour accumuler des droits à la retraite, dont on ignore quelle valeur ils auront le jour où on les fera valoir.

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Maellys93 27 mars 2023 - 1:23

@ANNE. C’est parfaitement exact.
Car la retraite par répartition est un système de Ponzi! *)
Il a été mis en place par les «boomers».
Ces mêmes «boomers» ont aggravé le système par 2 fois.
Ils ont voté en 1981 pour la retraite à 60 ans au lieu de 65 ans !!!
Ils ont refusé une dose de retraite par capitalisation en 1988 !!
Boomers = génération sans cervelle? ou génération égoïste?
Déjà 8 réformes des retraites !!
Et ce n’est pas fini !
Car la proportion de « retraités rentiers » par rapport aux « actifs débiteurs » est de + en + importante dans les années à venir!!

*) Système de Ponzi = montage financier frauduleux qui consiste à REMUNERER les investissements des PREMIERS ENTRANTS (les Boomers) essentiellement par les fonds amenés par les NOUVEAUX entrants (les actifs).

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Piette 30 mars 2023 - 3:38

Vous en prenez aux boomers, mais quand la retraite par répartition a été pérennisée en 1945 ils n’étaient pas nés, c’est le CNR avec des communistes entre autres qui sont les responsables, on peut aussi citer le régime de Vichy qui a ponctionné les caisses de régimes par capitalisation pour le mettre en place à l’origine.

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Maellys93 2 avril 2023 - 2:37

@PIETTE. C’est exact les « boomers » ne sont pas à l’origine de cette arnaque.
Mais pourquoi diable ont-ils aggravé ses effets en 1981 avec le passage de la retraite à 60 ans, puis le refus de la retraite complémentaire par capitalisation en 1988 !
Manque de clairvoyance ou égoïsme ?
Si on y ajoute l’échec de la politique d’immigration, la politique énergétique voila une génération qui aura eu TOUT FAUX pour préparer l’avenir alors que les conditions économiques d’alors étaient favorables.

Razoski 27 mars 2023 - 7:49

Mais encore pour que le système de capitalisation, qui existe d’une manière déguisée aujourd’hui, faudrait-il que les français puisse le faire.
Le pouvoir d’achat et la taxation des français ne permettent pas d’aller chercher ce plus.

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Gantier 27 mars 2023 - 12:43

L état préleve la moitié de votre salaire(cotisations patronales et salariales )pour alimenter toute sa gabegie et s occuper à votre place de votre retraite votre santé. Si on vous rend votre salaire brut vous aurez de la marge pour capitaliser et vous verrez que cela vous coûtera moins cher!

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Dupond 27 mars 2023 - 9:48

Explications intéressantes qui éclairent les vrais sujets de devoir réformer le financement des pensions de retraites . Démographie , activité économique défaillante à cause de la désinsrtualisation massive de la France
Tous les régimes doivent être concernés et pas de clause du grand père. Le privé est toujours mis à contribution sans délais . Pour l’instauration d’un régime par capitalisation le régime des retraites complémentaires prend bien en compte les revenus de chacun . Pourquoi inventer un autre système. Chacun ayant la possibilité de choisir un placement pour se constituer un capiatl (Immobilier, assurances privées).

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LEBLOND 27 mars 2023 - 10:04

Enfin un commentaire qui tiens la route. C’est effectivement ça la réalité du problème des retraites et si l’on cherche à comprendre c’est encore pire.

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Bruno GERMAIN 27 mars 2023 - 10:41

Tous les précédents commentaires sont très explicites, parfaitement vrais et honnêtes.
Ce pays ne vit que dans la turbulence, les masses incultes manipulées et ce pauvre Mélenchon dans son agressivité maladive, la méchanceté et l’INEPTIE économique obtuse. Quand on voit ses références aux crétins. Cuba, Vénézuel et autres clowns dictateurs. Sans parler de la lâcheté médiatique, où l’on n’entend ni ne voit une analyse objective et raisonnable du sujet, mais soumise à la VOX POPULI.
Au fait, POURQUOI tant de pays (Africains, Arabes, en particulier, veulent tellement venir en France ?
Vive les prestations, les combines, les trafiques et j’en passe et par dessus le marché, nous cracher dessus ! Mais CHUT ! ne dites rien, sinon nous sommes de sales fascistes ! Ah bon ?
Quant à l’administration, c’est KAFKA !
Je suis Gaulliste et le resterai, mais attention à la guillotine !

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NewTonE 27 mars 2023 - 11:02

Très bon article, malheureusement incompréhensible par 99% des salariés et retraités du secteur privé, les seuls Français qui , avec leurs employeurs PME ou grandes entreprises, produisent la vraie richesse, le gâteau à partager. Or, le « changement » dont a besoin le pays ne peut venir que des citoyens électeurs salariés et retraités du secteur privé, chefs d’entreprises, indépendants, etc ….. Ce changement est tout simplement l’abolitions des privilèges des « castes » dont l’inventaire est bien fait dans cet article. Reste la question fondamentale: comment ouvrir les yeux de tous les Français n’appartenant pas aux castes , et les indigner suffisamment pour qu’ils mettent fin, démocratiquement, au système de castes français ? Pour qu’ils réclament, et obtiennent, que tous les salariés français bénéficient des même droits et obligations , en particulier en matière de retraite. Pour réussir cette véritable révolution, il y a un préalable inévitable: soumettre à un véritable référendum ( réponse par oui ou par non ) la question suivante: voulez-vous supprimer le statut de la Fonction Publique , et abolir les privilèges de tous les bénéficiaires de « régimes spéciaux » ?. Serait-il possible que , d’ici les prochaines législatives, un Parti ( existant ou à créer) s’engage sur un vrai « programme » dont la première mesure serait justement l’organisation de ce référendum ?
Quant aux avantages d’un régime de retraite par capitalisation sur le régime de retraite par répartition à la française ( celui des salariés du Privé, le seul existant en France aujourd’hui), je ne suis pas « dogmatiquement  » contre, comme nos syndicats, mais j’aimerais bien pouvoir « constater » ces avantages et inconvénients par une comparaison honnête avec ce qui se fait dans d’autres pays. Il ne fait à peu près aucun doute que le « rendement » financier de 40 ans de cotisations placées dans un régime par capitalisation est supérieur à celui de notre régime par répartition. Mais ce qui est certain également, c’est qu’il faudra « étaler » le passage de la répartition à la capitalisation sur environ 40 ans, sauf à diminuer ou même annuler les pensions des actuels retraités du Privé …. qui ont tout de même cotisé pendant 40 ans pour acquérir des « points » (AGIC-ARRCO) ou des « trimestres et annuités  » (CNAV), et payer les pensions de leurs prédécesseurs….

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Oncpicsou 27 mars 2023 - 5:28

Vous dites « mauvaise réforme »… mais ce n’est même pas une réforme ! tout juste une manipulation de paramètres. pour donner l’illusion d’une réforme.
Un état qui enfume ses citoyens par la complexité est indigne et viole l’esprit de la démocratie. La seule réponse instinctive du peuple à un tel outrage devient le mépris des règles et la violence.
Combien de français ont pris vraiment conscience qu’ils ne « cotisent » pas « pour » leur retraite mais qu’ils prennent sur leur salaire pour payer les retraités actuels?
Un sondage serait édifiant !
Combien de français savent que sur leur feuille de paye le salaire brut n’est qu’une astuce pour leur faire croire que l’on ne leur prélève que 10% de charges alors qu’on leur prend 50% du fruit de leur travail (50% du brut plus la soi disant part patronale qui est aussi financée par leur travail) et dans ces 50% qu’on leur prélève il y a la retraite par répartition versée aux retraités du moment.
Un sondage serait édifiant !
Un jeune sait il qu’on lui ampute son pouvoir d’achat pour payer des rentiers de 52 ans !… mais qu’il ne sait pas si quelqu’un voudra bien payer sa retraite dans 40 ans !
Un sondage serait édifiant !
Combien de français ont compris que les « super profits » sont ceux que fait l’état en taxant le carburant (produit de première nécessité ) à 150% tout en lui faisant croire, par une astuce bien connue des comptables, qu’il ne serait taxé qu’a 60%; (si vous n’avez pas compris, demandez, je vous expliquerai)
Un sondage serait édifiant !
Nos travailleurs savent ils que certains d’entre eux travaillent pour verser des dividendes aux fonds de pensions américains… pour la retraite par capitalisation… des américains !
Un sondage serait édifiant !
Nos citoyens savent ils que leurs impôts servent à garantir la retraite des fonctionnaires… alors que les fonctionnaires ne contribuent en rien à la garantie des retraites du privé?
Un sondage serait édifiant !
etc.

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