Mardi 5 mars, le Premier ministre Edouard Philippe s’est adonné à un vibrant plaidoyer en faveur de la concurrence devant le personnel de l’autorité de la concurrence. Il l’a souligné, la concurrence n’est pas seulement un combat pour l’efficacité économique. C’est aussi une lutte au service de l’égalité des participants à la vie économique.
En matière de pouvoir d’achat, qui peut nier que l’arrivée de Free sur le marché des télécommunications a soulagé le portefeuille des Français ? Monsieur Philippe a rappelé que durant les deux premières années qui ont suivi, la baisse des prix des forfaits téléphoniques a atteint 28%. Des gains analogues ont pu être observés dans le transport aérien. L’ouverture des lignes d’autocar a quant à elle permis à une nouvelle offre de transports de contester la position privilégiée de la SNCF, pour le plus grand bien des consommateurs. La liste des secteurs où la concurrence a amélioré le pouvoir d’achat des consommateurs est longue.
Cependant, le Premier ministre a aussi cité les secteurs (ci-dessous) où cette concurrence mérite d’être renforcée par l’assouplissement des réglementations qui l’entravent. Nous voulons appuyer ce constat et le compléter avec des propositions concrètes.
Le secteur automobile
Le Premier ministre a rappelé que la vente des pièces détachées (pièces de carrosseries, vitrages, rétroviseurs…) relève de l’exclusivité des constructeurs automobiles au titre du droit de la propriété intellectuelle. Le gouvernement semble avoir la bonne idée d’assouplir ces monopoles intellectuels.
Mais il est d’autres mesures qui entravent la concurrence dans le secteur automobile. Par exemple les droits de douanes qui affectent l’importation de véhicules et de pièces détachées en provenance de pays non-membres de l’Union européenne. Ils pourraient être abolis pour stimuler la concurrence.
Il en va de même pour les normes et les standards techniques qui encadrent la fabrication d’un produit et qui sont régulièrement assimilés à du protectionnisme caché[[Report from the Commission to the Parliament and the Council on Trade and Investment Barriers, 2018 http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2018/june/tradoc_156978.pdf]].
Le permis de conduire
Le Premier ministre a admis que le permis de conduire est un certificat difficile à obtenir en France. Hélas, il a omis de désigner l’ennemi des aspirants candidats : le monopole des auto-écoles. Cette rente entretenue par le code de la route empêche les moniteurs qualifiés de délivrer une formation pratique en dehors d’un établissement agréé. L’offre de formations est comprimée et les prix sont par conséquent plus élevés que dans d’autres pays développés[[Delphine Granier, Permis de conduire : pourquoi il faut abolir le monopole des auto-écoles, Challenge, 2014.]]. Notons que ce monopole a déjà été épinglé par un rapport de l’Inspection générale des finances.
Les syndics
Le Premier ministre a déploré dans son intervention que les copropriétaires ne soient pas toujours dans la capacité d’exercer leurs droits vis-à-vis des syndics chargés d’administrer les parties communes de leur immeuble. Il aurait pu mentionner que le métier de syndic professionnel est une profession réglementée protégée de la libre-concurrence. Abolir l’obligation de détenir une carte professionnelle serait une façon de renforcer la concurrence dans ce secteur.
Assurances santé et mutuelles
Le Premier ministre a commenté la rigidité des contrats d’assurance santé. On pourrait aisément lui rétorquer que cette rigidité n’est en rien répréhensible si elle relève du libre jeu des conventions. Toutefois, le secteur des mutuelles pourrait connaître une plus grande concurrence si les normes prudentielles nécessaires à l’obtention d’un agrément étaient assouplies. Il est également incongru que le Premier ministre n’ait pas évoqué le monopole le plus redoutable en matière d’assurance santé: celui de l’assurance maladie publique. Il est pourtant celui qui grève le plus le pouvoir d’achat des Français.
Les laboratoires d’analyse de biologie médicale
Le Premier ministre a déploré que certaines prestations des laboratoires d’analyse de biologie médicale soient chères en raison de restrictions sur le lieu où les examens doivent être effectués. Nous saluons la volonté d’assouplir ces restrictions. Toutefois, nous attirons l’attention sur le fait que le renforcement de la concurrence dans le secteur des laboratoires d’analyse passe par un assouplissement des procédures d’agrément et d’autorisation d’ouverture de ces établissements pour que leur offre soit plus abondante en fonction des besoins des populations.
La vente de médicaments
Le Premier ministre a rappelé les contraintes qui pèsent sur la vente de médicaments en ligne ainsi que les restrictions qui entravent le regroupement des pharmacies. Nous saluons encore une fois la volonté d’assouplir ces restrictions. Cependant, il est clair que le monopole de la pharmacie d’officine (qui est une véritable spécificité française) entrave la concurrence de circuits de distribution alternatifs, comme les supermarchés et les grandes surfaces. Cela pourrait être modifié quitte, éventuellement, à ce que ces grandes surfaces aient l’obligation d’embaucher des pharmaciens qualifiés.
Conclusion
Edouard Philippe en convient, la concurrence est l’alliée indéfectible du pouvoir d’achat. Parmi les secteurs qu’il a cités, de nombreuses marges de manœuvre existent pour abolir les rentes et les monopoles qui nuisent au libre choix et au pouvoir d’achat des consommateurs. Il n’appartient qu’au législateur d’assouplir son emprise sur la libre-entreprise.
3 commentaires
Certes ! A la condition….
La concurrence OUI, OUI 1001 fois OUI, of course ! A la condition de mettre sur la table TOUTES les dispositions réglementaires, lois et décrets directement dictés et/ou écrits par et dans l'intérêt des lobbies multiples et variés, dans TOUS les domaines… agro alimentaire, santé… et tout bêtement pour les plaques d'immatriculation !!!! etc… Du pain sur la planche mes Dames zé mes Sieurs !!! Le chamboulement c'est maintenant.
Concurrence OUI, mais pas que…
Augmenter le pouvoir d'achat, commence tout simplement par MIEUX et MOINS consommer, et par ne pas gaspiller. En clair, consommer en adéquation avec ses besoins. Consommer ne doit pas être une fin en soi, mais un moyen pour vivre. Doit y avoir une gourance quelque part !
La concurrence, oui mais…
La concurrence bénéficie aux meilleurs et en cela augmente la performance générale. A l'intérieur d'un pays où les entreprises sont soumises aux mêmes règles (en dehors de certaines connivences inavouables avec l'Etat…), cela ne pose pas de problème.
Faire de la concurrence un mantra incontestable au niveau international, en ce sens qu'il ne souffre aucune exception, me semble discutable: les conditions ne sont pas les mêmes partout et il n'y a évidemment pas de système de solidarité au niveau international.
Bien sûr, les échanges peuvent être bénéfiques, mais chaque pays peut, il me semble, protéger des domaines essentiels ou stratégiques. Ou se donner le temps de l'adaptation du marché du travail par exemple.
A rebours d'une idéologie déracinée du réel, le libéralisme a tout à gagner à être pragmatique.