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Aligner le taux d’emploi français sur celui de l’Allemagne rapporterait 20 Md€ aux comptes sociaux

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Si le taux d’emploi a progressé ces dernières années en France pour atteindre son niveau le plus haut depuis 1975, il reste inférieur à celui de la plupart des pays européens, notamment de l’Allemagne. Dans une note publiée le 23 septembre 2024, la Direction générale du Trésor montre qu’un alignement de notre taux d’emploi sur celui de notre voisin pourrait rapporter 20 milliards d’euros aux comptes sociaux.

Précisons, en préambule, que le taux d’emploi est défini comme la part d’individus en emploi parmi la population en âge de travailler (par convention de 15 à 64 ans). C’est un meilleur indicateur que le taux de chômage – qui peut aisément être manipulé – de la situation du marché du travail.

Le taux d’emploi français est l’un des plus faibles d’Europe

En 2022, le taux d’emploi français était de 68,1%. En 2023, il était de 68,6%. Il place la France en queue de peloton puisque près de 80% des pays de l’Union européenne (UE) sont devant elle.

En 2022 (année de référence de la note de la DG Trésor), les Pays-Bas étaient en tête du classement avec un taux d’emploi de 82% (14 points de plus que la France) ; l’Allemagne occupait la 4ème place avec 76,8% (+ 8,7 points) ; et la moyenne de l’UE était à 69,8%. La France occupait la 21ème place.

Comparaison européenne des taux d’emploi des 15-64 ans (2022)

En 2023 (derniers chiffres de l’OCDE), la hiérarchie reste la même : les Pays-Bas sont toujours premiers avec un taux de 82,3% et l’Allemagne a dépassé le Danemark pour prendre la 3ème place avec 77,2%.

La note de la Direction générale du Trésor montre que le taux d’emploi allemand est supérieur au français dans toutes les catégories d’âge et quel que soit le sexe. Les écarts les plus importants concernent les tranches d’âge 15-24 ans (+15 points en faveur de l’Allemagne) et 55-64 ans (+16 points). Ces écarts entre la France et l’Allemagne, précise la note, dissimulent en partie des différences de temps de travail. En effet, la part d’emploi à temps partiel est supérieure de plus de dix points en Allemagne par rapport à la France (28% contre 17%).

Augmenter le taux d’emploi permet d’améliorer les finances publiques

Une hausse du taux d’emploi est souvent citée comme un moyen d’équilibrer les finances publiques, notamment pour financer la protection sociale, car les recettes des cotisations sociales et de la CSG seraient plus importantes. Certaines dépenses pourraient être évitées (assurance chômage, minima sociaux) tandis que d’autres seraient susceptibles d’augmenter (prime d’activité, prise en charge des frais de garde d’enfants). Par ailleurs, en dehors du champ de la protection sociale, d’autres recettes perçues par l’État seraient appelées à croître comme la TVA ou l’impôt sur le revenu, mais ce point n’est pas étudié dans la note.

En revanche, il existe peu de chiffrage précis des effets de cette augmentation du taux d’emploi. C’est pourquoi Juliette Ducoulombier, l’auteur de la note de la DG Trésor, se propose d’y remédier. Ici entre notamment en compte la nature des emplois créés, en particulier les niveaux de salaire.

Deux scénarios sont étudiés. Dans le premier, le taux d’emploi français est aligné sur celui de l’Allemagne sans tenir compte des différences de temps de travail. Dans le second, les différences d’heures travaillées entre la France et l’Allemagne sont prises en compte, en alignant les taux d’emploi en « équivalent temps plein ».

Dans le premier scénario, 3,6 millions d’emplois sont créés, soit une hausse de 13% environ, plus importante que celle que l’on a observée depuis la crise du covid (+1,4 million entre fin 2019 et fin 2022) ; elle représente plus de la moitié de l’ensemble des emplois créés au cours des 35 dernières années (+6,8 millions d’emploi créés entre fin 1989 et 20226). Dans le second scénario, les créations d’emploi sont moindres (1,5 million) en raison de la prise en compte du temps partiel.

La note estime que la hausse de la masse salariale (et aussi du PIB) générée par la création d’emplois serait d’environ 7% dans le premier scénario et 3,2% dans le second. Les recettes de protection sociale, quant à elles, progresseraient de 31 milliards d’euros (Md€) dans le scénario 1 et de 15 Md€ dans le scénario 2.

Comme nous l’avons dit, une baisse de l’inactivité et du chômage diminuerait les dépenses de protection sociale, mais la hausse de l’emploi en génèrerait de nouvelles. Ainsi, les dépenses de prestation de solidarité baisseraient de 3,5 Md€ dans le scénario 1 et de 1,4 Md€ dans le scénario 2. Diminueraient également les dépenses relatives aux revenus de remplacement hors retraite (indemnités journalières et rentes versées au titre des accidents du travail, de l’invalidité, de la maladie et de la maternité ; mais aussi allocations chômage). Les régimes de retraite seraient eux aussi touchés avec une augmentation immédiate des recettes et un surcroît de dépenses à long terme (au total, +9 Md€ dans le scénario 1 et +2 Md€ dans le scénario 2). Enfin, la hausse estimée de l’emploi public, notamment dans les administrations de sécurité sociale, coûterait entre 3 Md€ (scénario 2) et 6 Md€ (scénario 1).

En tenant compte de l’ensemble des paramètres, l’alignement du taux d’emploi français sur le taux d’emploi allemand, en prenant en compte les différences de temps de travail entre les deux pays, aurait un effet positif sur le solde de la protection sociale d’environ 20 Md€ comme le détaille le tableau ci-dessous.

Décomposition de la variation des dépenses et recettes sociales

Bien que ce ne soit pas dans son champ d’étude, la note de la DG Trésor donne tout de même une estimation de la hausse des prélèvements obligatoires qu’entraînerait la hausse de l’emploi. Elle serait comprise entre 23 Md€ et 53 Md€, en sus de la hausse des recettes sociales déjà mentionnées.

Comment hausser le taux d’emploi français ?

La note de la DG Trésor ne traite pas des leviers et politiques publiques qui permettraient d’aboutir à l’augmentation du taux d’emploi. L’Iref a cependant quelques idées sur la question.

Il pourrait être pertinent de baisser le niveau des prestations sociales qui engluent les individus dans l’assistanat. Rien qu’en matière de dépenses de chômage, la marge est énorme puisqu’elles sont en France cinq fois supérieures à la moyenne de l’OCDE. Elles représentent 2,8% du PIB dans notre pays, contre une moyenne européenne 0,6%.

A cet égard, une mise en concurrence, voire une privatisation, non seulement de l’assurance chômage mais aussi de la Sécurité sociale, ainsi que la mise en œuvre d’un système de retraite par capitalisation feraient faire de substantielles économies et de redonneraient du pouvoir d’achat aux Français.

Avec un système social moins onéreux, le coût du travail s’en trouverait diminué et les entreprises seraient incitées à embaucher davantage. Il conviendrait de diminuer également les autres charges qui pèsent trop lourdement sur les entreprises, à commencer par les impôts sur la production.

Sans doute faudrait-il aussi s’attaquer à l’école, déjà pour en faire baisser le coût, mais surtout pour en rehausser le niveau et faire en sorte qu’elle ne soit plus la « fabrique du crétin » qu’elle est aujourd’hui. La mise en place d’un chèque-éducation serait un bon début.

Une chose est certaine : ce n’est pas en augmentant les impôts et les taxes comme l’a annoncé Michel Barnier que la France parviendra au même taux d’emploi que l’Allemagne.

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