Si la victoire de Donald Trump a eu quelque mérite, c’était de donner la gueule de bois à la gauche extrême dans notre pays. Ainsi L’Humanité (7 novembre 2024) s’est-elle étranglée devant l’élection d’un candidat au programme « néofasciste et pro-business ». Encore plus intéressantes sont les analyses du plus grand populiste français : Jean-Luc Mélenchon.
La presse s’est largement fait écho de sa réaction sur X le 6 novembre : « Les Etats-Unis ne pouvaient pas choisir la gauche : il n’y en avait pas ». Et le meneur des Insoumis d’expliquer que « quand il n’y a pas de gauche, il n’y a pas de limite à la droite », avant de résumer en quatre mots le programme idoine d’une vraie gauche : « Non-alignement, droit international, justice sociale, planification écologique » (autrement dit, la ruine d’un pays en quelques heures).
La presse a en revanche le plus souvent délaissé les longs commentaires de Jean-Luc Mélenchon sur son blog. A tort car ils valent le détour.
Avant les résultats
Le 5 novembre, juste avant les résultats, le Lider Maximo donnait son avis sur les candidats (« Trump Harris, on peut mieux faire »). Il commençait par critiquer le système électoral américain, « un parfait étouffoir de la volonté démocratique d’un peuple ». Au-delà de l’utilisation habituelle du terme « peuple » sous la plume du populiste, les mots sont excessifs, mais pas totalement inexacts. Ne lui en déplaise, la République américaine, telle qu’elle s’est constituée dans les années 1770-1780, entendait encadrer  la démocratie pure, donc la voix de la ou des majorités, car elle était considérée comme dangereuse. De là , de nombreux garde-fous, un mode d’élection complexe pour le président et, évidemment à l’époque, pas de suffrage universel.
Jean-Luc Mélenchon mettait ensuite en cause un « argent » qui « fait tout »,marquant ainsi sa préférence pour notre système français d’argent essentiellement public de  financement des campagnes électorales. Une position qui se comprend aisément puisque, si le  financement était libre, l’extrême gauche recevrait beaucoup moins d’argent. L’argent a donc une odeur et il ne sent bon que lorsqu’il est « public » (traduction : lorsqu’il provient des contribuables, « riches » et « bourgeois » compris).
Le meneur des Insoumis regrettait que « les deux candidats disent la même chose », ce qui se traduisait par un « génocide contre la population palestinienne » (il sera rappelé à nos lecteurs que la politique internationale se réduit à la question palestinienne pour nos Insoumis) et par « la façon de traiter le capitalisme ».
Il indiquait que, en dépit de tout, il voterait démocrate s’il était un Américain d’un État essentiel pour l’issue des élections, mais que dans le cas contraire il voterait pour le très confidentiel candidat vert, manifestement plus rouge que vert d’ailleurs… Il a profité de l’occasion (on ne se refait pas) pour lâcher une salve contre les écologistes français.
Après les résultats
Le 6 novembre, Jean-Luc Mélenchon a consacré à la présidentielle américaine un long  développement sur son blog élégamment  intitulé : « Si tu te dégonfles, tu te trump ». Il a constaté la nette victoire du candidat de « droite extrême ». Mettant cette fois en cause François Hollande, il a répété et développé son slogan du même jour sur X : « Les Etats-Unis n’ont pas pu choisir la gauche parce qu’il n’y en avait pas ».
Il a critiqué avec virulence le régime américain dont on passerait sous silence les « impôts privés ». Il s’agit sous sa plume du « profit », des « dividendes », « un impôt privé sur la production » qui n’a cessé d’augmenter « au profit de quelques-uns ». Nous retrouvons ici l’inculture encyclopédique de la gauche extrême, biberonnée au marxisme, qui n’entend rien à la science économique en général et à la légitimité des actionnaires et des porteurs de parts en particulier.
Toujours avec son populisme plus que primaire, Jean-Luc Mélenchon a vitupéré « les puissants », dont la situation ne changerait pas, avec en toile de fond l’opposition entre un bon « peuple » et une ignoble « élite » à la tête d’un abominable « système ».
Plus délicate pour lui était la question du protectionnisme. Lui, le protectionniste pathologique, aurait dû logiquement se réjouir du protectionnisme revendiqué par les deux candidats. Eh bien non ! Car les programmes américains étaient déficients, à l’inverse du « bon » protectionnisme prôné par l’Insoumis, qualifié de… « protectionnisme solidaire ».
Revenant à l’essentiel de son propos, Jean-Luc Mélenchon a soutenu que « Quand les candidats disent tous la même chose, ça se termine par des invectives et un spectacle pitoyable ». On doit croire alors que les candidats « disent la même chose » en France pour que tant d’Insoumis se distinguent par leur vulgarité et leur grossièreté, même et surtout dans l’hémicycle…
L’objectif de Jean-Luc Mélenchon est donc dénué de toute ambiguïté : si la gauche veut gagner, elle doit non seulement être de gauche, mais l’être radicalement. Il assume d’ailleurs explicitement l’expression de « gauche radicale ». En effet, « les gens savent que dans le capitalisme, leur vie ne peut pas s’améliorer ». Nous nous dispenserons de tout commentaire, car il faut vivre dans un monde parallèle pour ne pas être convaincu du contraire, dans le monde entier.
Quoi qu’il en soit, le meneur des Insoumis a appelé à « ne faire aucune concession pour paraître plus acceptable par [ses] adversaires » et, constructivisme oblige, à « changer le monde ».
Une analyse délirante
En substance, les leçons que tire Jean-Luc Mélenchon de l’élection présidentielle américaine sont conditionnées par la ferme conviction qu’il proclame : non seulement  Kamala Harris n’a pas été assez à gauche, mais elle n’était en réalité pas de gauche. La seule manière à ses yeux de combattre la « droite extrême » est par conséquent de verser dans la « gauche radicale » et de rejeter le socialisme mou à la Hollande. Avec sa modestie légendaire, le meneur des Insoumis trouve dans l’échec de la gauche outre-Atlantique une excellente raison de s’auto congratuler pour sa tactique franco-française.
Autrement dit, pour que la gauche américaine gagne, il eût fallu qu’elle fût menée non pas par la tiède Kamala mais par le bouillant Jean-Luc. Stupéfiante analyse ! C’est bien au contraire (et entre autres raisons) parce que Kamala Harris était très à gauche pour les Etats-Unis qu’elle ne pouvait être élue, à l’image de Hilary Clinton il y a huit ans qui avait malencontreusement gauchi son discours sous la pression de son aile radicale. Car l’Amérique profonde reste foncièrement hostile au socialisme, aux augmentations d’impôts, fussent-elles (faussement) présentées comme limitées aux « riches », et à l’interventionnisme du gouvernement central. On aimerait pouvoir en dire autant de notre pays.
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Mélenchon l’obsolète, allez voir vos amis pour vous consoler.