Le très célèbre Wall Street Journal n’a pas soutenu de candidat à la présidence depuis 1928. La tradition veut que la veille de l’élection il publie deux éditoriaux (rappelons qu’un éditorial dans le WSJ n’est jamais signé et reflète la position du journal) consacrés aux candidats et au commentaire de leurs programmes. Cette démarche nous paraît d’une grande honnêteté journalistique et intellectuelle. Voici quelques extraits.
Sur Kamala Harris :
« Il faut admirer l’audace des démocrates. Ils ont soutenu pendant plus d’un an que Joe Biden, qui déclinait clairement, était mentalement assez apte à assumer le pouvoir pendant quatre ans de plus. Lorsque le débat de juin a rendu cette posture intenable, ils ont fait volte-face et ont désigné sa vice-présidente comme leur candidate, affirmant sans aucun embarras qu’elle représentait en quelque sorte « une nouvelle voie à suivre ». Ce n’est pas le cas. Interrogée sur « The View » le 8 octobre au sujet de ce qu’elle pourrait changer par rapport aux quatre dernières années, la fidèle numéro deux de M. Biden a déclaré : « Il n’y a rien qui me vienne à l’esprit. » Sa candidature se comprend surtout comme une tentative de prolonger la vague politique progressiste qui est née en 2006 avec la défaite du GOP au Congrès et qui a déferlé comme un tsunami au milieu de la panique financière de 2008. Nous avons cherché en vain des signes indiquant qu’elle romprait avec la période Biden ou Obama ou seulement tempérerait l’excès progressiste qui définit le Parti démocrate actuel. En matière de politique intérieure, elle propose encore plus de Bidennomics, avec sa coercition réglementaire, son relativisme culturel, son étatisme économique et son désir de priver la justice de son indépendance. Le pire résultat mardi serait une victoire de Harris avec une victoire démocrate au Congrès. »
Sur Donald Trump :
« Le candidat républicain est Donald Trump, qui nie toujours avoir perdu en 2020 et n’a pas fait grand-chose pour rassurer les électeurs indécis. Mais il peut très bien gagner et une défaite de Harris ralentirait la marche forcée de la gauche, au moins pour un temps.
Le principal argument en faveur de M. Trump est que son premier mandat a été meilleur que prévu. Son leadership a souvent été chaotique et ses discours sarcastiques mais les électeurs se rappellent qu’avant le covid, il a énormément consolidé l’économie, stimulée par la déréglementation et la réforme fiscale. Ses nominations dans le domaine judiciaire ont été excellentes.
À l’étranger, il a enfreint de nombreuses règles diplomatiques et ses éloges des dictateurs ont été pour le moins déconcertants. Mais ses ennemis sont restés silencieux, il a mis au pas l’Iran, et les accords d’Abraham ont ouvert une nouvelle ère de coopération entre Israël et les États arabes sunnites. Il a renégocié l’ALENA plutôt que de le faire exploser comme il en avait brandi la menace.
Le régime autoritaire que les démocrates et la presse avaient prédit en 2016 n’est jamais arrivé. Nous n’adhérons pas aux craintes de fascisme, et nous pensons que les démocrates n’y croient pas vraiment non plus.. Notre préoccupation est de savoir s’il pourra résoudre avec succès les problèmes urgents du pays. La plupart des seconds mandats présidentiels sont décevants, voire pires que les premiers, et M. Trump n’a pas défini de programme précis au-delà du contrôle de la frontière et de la libération de la production énergétique américaine.
M. Trump a de l’instinct mais pas de ligne directrice claire. Il promet davantage de déréglementation, ce qui est un gros plus. Mais il veut des tarifs douaniers beaucoup plus élevés et généralisés, ce qui ralentirait la croissance. Son second mandat pourrait être une lutte entre ceux des conseillers qui sont en faveur du libre-échange et les voix protectionnistes, industrielles et pro-Big Labor qui entourent son colistier, JD Vance.
En matière de politique étrangère, qui sait ? L’ancien président comprend bien mieux la dissuasion que Mme Harris, et il est susceptible de relancer la pression sur l’Iran. Mais c’est avant tout un négociateur, et il courtisera des dictateurs comme Vladimir Poutine, Kim Jong-un et Xi Jinping sans que l’on discerne très bien ses objectifs. Beaucoup de choses dépendront des conseillers qu’il choisira pour les affaires d’État et de défense. Le problème, c’est que M. Trump s’entoure également d’escrocs et de provocateurs qui le flattent, comme Tucker Carlson.
Les républicains ont pris un risque en nommant M. Trump comme candidat pour la troisième fois, au lieu d’un conservateur plus jeune qui pourrait faire deux mandats et construire une nouvelle majorité de centre-droit. »
2 commentaires
Excellent papier. Une remarque : le mot « progressisme » ou le qualificatif « progressiste » induisent et invoquent le progrès. Ce qui est simplement erroné pour de nombreuses réformes dans la réalité. Personnellement je les remplace par « decadence » et « décadent » plus appropriés.
Tout à fait !