Le débat télévisé du 10 septembre sur ABC a illustré parfaitement le syndrome dont souffre la campagne de Donald Trump. L’ancien président n’écoute personne de son entourage et se fie entièrement à son instinct, à sa répartie et à son talent d’improvisation. Dans de nombreux cas, cet excès de confiance en lui-même se révèle catastrophique. Convaincu de l’incompétence et de l’absence de programme crédible de sa rivale, il se dit favori et se voit corriger le 5 novembre l’injustice dont il pense avoir été victime il y a quatre ans.
Ce pari n’est pas perdu. En Géorgie et en Pennsylvanie, deux États que Kamala Harris doit absolument remporter, Donald Trump est par exemple en gros à égalité avec la démocrate. En Floride et dans l’Ohio, deux États que Donald Trump doit impérativement rallier, le républicain dispose toujours d’une avance notable. Qui se souvient de l’époque, pourtant si proche, où l’Ohio, État pivot, choisissait de fait le président ? On rappelle que les sondages nationaux sont peu significatifs, car ils reflètent l’absence totale de campagne du candidat républicain dans des États perdus d’avance comme la Californie, le Massachusetts, l’Illinois ou l’État de New York. Le système américain au suffrage indirect (les Américains élisent d’abord les 538 « grands électeurs » du collège électoral et ce sont eux qui élisent ensuite le président et le vice-président) fait qu’il n’y a pas de différence entre une avance de 5 ou 15% pour la candidate démocrate dans les États qui systématiquement sont acquis à sa cause. En revanche 1% d’avance dans le Michigan ou le Wisconsin pourrait tout faire basculer…
L’avance de Donald Trump s’amenuise dans les sondages
Des millions d’Américains commencent déjà à voter par correspondance. Ils le font sur la base de ce qu’ils observent de la campagne depuis le 21 juillet, jour où Joe Biden a abandonné la course et où la machine démocrate a poussé Kamala Harris sur scène. L’avance de Donald Trump s’amenuise dans les sondages, ce qui a de quoi inquiéter le camp républicain. Kamala Harris séduit davantage les jeunes et les Noirs que Joe Biden, d’où l’âpreté de la campagne en Géorgie et en Caroline du nord.
Le message central de Donald Trump reste celui d’un retour souhaitable au bon vieux temps de sa présidence de 2017 à 2021, avec des baisses d’impôts, la levée de réglementations envahissantes, des barrières douanières pour stimuler l’investissement industriel aux États-Unis, la fermeture de la frontière aux sans-papier, un pouvoir d’achat en hausse grâce à la baisse de l’inflation et à l’énergie bon marché. À l’inverse, Kamala Harris prétend incarner le changement et l’espoir d’un monde meilleur fait d’opportunités rendues possibles par de l’argent public, une régulation réglementation forte au nom du climat, de la diversité et de la lutte contre l’inflation.
Le plus choquant est que Donald Trump laisse son opposante s’approprier le thème du changement. Il pourrait lui demander d’expliquer pourquoi depuis trois ans et demi elle n’a pas encore fait ce qu’elle promet de faire à compter du 20 janvier…à savoir doper le pouvoir d’achat, combattre l’immigration clandestine et la criminalité. Pourquoi la « classe moyenne » dont elle prétend défendre les intérêts depuis des décennies, n’est-elle pas comblée par sa politique mise en œuvre depuis 2021 ? Et surtout pourquoi elle continue à vanter le « bilan » de Biden ?
Au-delà de quelques promesses, on ne sait rien du programme économique de Kamala Harris
Après avoir évité toute conférence de presse, Kamala Harris a discrètement beaucoup travaillé. « Coachée » par des professionnels ayant œuvré pour les campagnes de Hillary Clinton et Barack Obama ainsi que par ses nombreux amis à Hollywood, conseillée par les discrets dirigeants du Parti démocrate, appuyée par l’appareil logistique des syndicats et un trésor de guerre colossal de plus de 400 millions de dollars, la vice-présidente parvient, à grand coup de publicités télévisées agressives et grâce à une meute de journalistes viscéralement anti-Trump, à se faire passer pour une centriste pragmatique, terre à terre, incarnation de la « classe moyenne ». En réalité, elle est le pur produit de la machine démocrate californienne, « progressiste », « racisée » et radicale. En un mot, tout sauf centriste.
Elle affirme avoir « un plan » destiné à la classe moyenne et aux petites entreprises, qui sont le coeur de l’économie américaine. Il repose sur une série de crédits d’impôts pour aider au lancement de petites entreprises, pour soutenir les foyers avec enfants et les primo-accédants à la propriété. En outre, elle révise à la baisse le projet de Joe Biden de taxation des plus-values. Elle propose un taux de 33% au lieu de 23, 8% aujourd’hui, et non plus de 44, 6% comme le souhaitait le président sortant. Ses amis californiens, assis sur d’énormes plus-values latentes dans la technologie, l’ont probablement influencée… Au-delà de ces quelques promesses, calibrées pour accréditer l’idée que Kamala Harris est devenue soudainement « modérée », on ne sait rien de son programme économique.
La grande surprise des années Biden a été la reconduction complète des barrières douanières imposées sous Donald Trump. Kamala Harris dénonce le projet trumpien d’accroître encore les droits de douane sur la Chine et tout autre pays qui profiterait du parapluie militaire américain. Mais, en réalité, tout dépendra de la composition du Sénat. Si les républicains parviennent à reprendre la majorité à la chambre haute, ce qui est tout à fait possible en cas de score serré lors de la présidentielle, les ambitions coûteuses de Kamala Harris seraient grandement amputées.