En 2019, l’Union européenne (UE) et les pays membres du Mercosur – l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay – ont conclu un accord commercial historique pour réduire les barrières douanières entre eux. La signature de ce traité est contestée par les agriculteurs. Pourtant, depuis 2010 la balance commerciale de la France par rapport au Mercosur est toujours positive, de l’ordre de 3 à 6 Mds d’euros selon les années.
Le secteur alimentaire exporte
Par ailleurs, le secteur alimentaire français est exportateur net. Alors que depuis 25 ans, la balance commerciale française se dégrade fortement (moins 194,9 Mds d’euros en 2022), les échanges agroalimentaires continuent de faire partie des rares excédents commerciaux (10,2 Md€ en 2022), même si cet excédent est dû très largement aux vins et spiritueux (excédent de 16 Md€) sans que cela empêche les viticulteurs de manifester contre le Mercosur : ils vivent des exportations mais refusent les importations ! Depuis 2020, la France est le sixième exportateur de produits agricoles et agroalimentaires mondial.
En 2023, les importations françaises de produits agricoles et agroalimentaires ont connu une progression modérée, passant de 74 Md€ à 76,1 Md€ (+3%). Mais cette croissance des importations est due essentiellement aux importations de l’UE (+6%), les flux directs des pays-tiers étant en repli (-4 %).
Un nouveau terrain commercial
La réduction drastique des droits de douane prévue par le traité du Mercosur offre de nouveaux marchés très importants, de 280 millions de consommateurs, aux industriels comme aux agriculteurs français. Si nous ne profitons pas de cet accord pour aller prospecter en Amérique du Sud, les Chinois, les Russes et les Américains iront sans nous. Et nous déplorerons encore que notre balance commerciale reste (très) déficitaire. Si nous n’y allons pas nous manquerons une occasion de diversifier nos échanges pour les sécuriser à l’heure où les menaces s’accumulent sur nos relations avec les pays de l’axe totalitaire Chine/Russie et ceux qui sont dits, improprement, du Sud global, minés par la haine anti-colonisatrice qui reste leur seule identité, négative, à défaut d’avoir su valoriser leurs atouts.
Certes, les agriculteurs s’inquiètent des bas coûts de production et des faibles contraintes normatives et environnementales en Amérique du Sud. Mais le traité soumet les produits importés du Mercosur aux normes européennes notamment en matière de sécurité alimentaire. L’impact du traité sera d’autant plus modeste qu’il impose aussi des quotas maximum  : l’importation de produits du Mercosur bénéficiant de droits de douane réduits ou éliminés ne pourront pas représenter plus de 99.000 tonnes pour la viande bovine, soit 1,6% de la production de l’UE, 25.000 tonnes pour la viande porcine (0,1% de la production de l’UE), 180.000 tonnes pour les volailles (1,4%), 190.000 tonnes pour le sucre (1,2%). Et l’UE observe que dans le cadre de l’accord de libre-échange CETA avec le Canada, faute pour celui-ci de respecter ces normes, il ne remplit pas ses quotas. Ce qui n’interdit pas de penser qu’il sera sans doute plus difficile de le vérifier en Amérique du Sud qu’au Canada !
L’exutoire du Mercosur
Pourquoi les Français refusent-ils ce traité alors que les Espagnols et beaucoup d’autres Européens le veulent ?En partie sans doute parce que la France, premier pays bénéficiaire de la Politique agricole commune – PAC-, sur-transpose toutes les directives européennes et met sur le dos des agriculteurs, notamment, un fardeau fiscal plus lourd que dans les autres pays européens. Peut-être aussi parce que les agriculteurs français, souvent malgré eux, ont été étouffés par les contraintes croissantes et insupportables des politiques agricoles qui les empêchent de travailler correctement tandis qu’ils sont obligés de mendier des subventions dont ils vivent mal et qui les droguent. Le Mercosur sert d’exutoire aux agriculteurs. Leurs colères et leurs amertumes se focalisent sur lui.
Cependant, les agriculteurs sont aussi victimes de leurs propres turpitudes. Ils usent et abusent des SAFER qui administrent les cessions des terres agricoles, ils acceptent, quand ils ne les réclament pas, les interventions de l’Etat pour dicter les dates de leurs plantations et de leurs récoltes, pour gérer leurs ressources en eau, pour boucler leurs fins de mois : les subventions d’exploitation s’élevaient en moyenne à 36 300 € par exploitation en 2022 alors que le niveau de vie médian des personnes appartenant à un ménage d’exploitants agricoles s’établissait à 22 800 €… Contre des subventions, on les assujettit.
Dans la situation actuelle, on comprend que pour de nombreux agriculteurs, les traités de libre échange puissent apparaître comme des risques que la précarité de leur situation leur fait redouter. Mais il faut peut-être qu’ils se rebellent contre le système qui les a conduits à cette situation et à un taux de pauvreté qui est, dans cette population, de 16%, au-dessus de la moyenne nationale.
Le modèle néo-zélandais
La Nouvelle-Zélande a développé son agriculture en supprimant dans les années 1980 la quasi-totalité des subventions, des avantages fiscaux et le soutien des prix au secteur agricole. L’agriculture est depuis lors le secteur le plus déréglementé de ce pays et est totalement exposée aux marchés internationaux. Les agriculteurs néo-zélandais ont réussi à accroître l’efficacité de leurs exploitations. Les salariés agricoles y gagnent en moyenne 35 700€ par an[1] et le bénéfice annuel par exploitant était de 81900€ en 2022/2023. La Nouvelle-Zélande produit de quoi nourrir 40 millions de personnes mais n’étant peuplé que de 5 millions d’habitants, elle exporte la très grande majorité de sa production agricole. Alors pourquoi ne réussirions-nous pas à faire de même ? Et si le Mercosur était l’occasion d’une remise en cause de notre modèle agricole qui ne marche pas ? Agriculteurs, ne vous plaignez plus, refusez l’aumône de la PAC et faites la grève de toutes les réglementations stupides qu’on vous impose. Vous redeviendrez libres, vous retrouverez la dignité d’un niveau de vie décent, comme les Néo-Zélandais.
[1] 2024 Federated Farmers-Rabobank Farming Salaries Report
13 commentaires
Il est fort dommage que ce discours ne soit pas plus entendu. Une explication de texte clair devrait être diffusée sur les chaînes TV. Mais les syndicats agricoles y ont-ils intérêt …? Quel est leur mobile ?
Regrettable que M. Delsol n’ait pas fait relire et corriger son article par un agriculteur avant publication. D’une part pour en supprimer les expression de textes mal avisées, mais surtout pour en supprimer les erreurs.
Non, les agriculteurs n’usent pas des SAFER : elles leurs sont scandaleusement imposées. Non, il ne réclament pas l’interventions de l’état pour fixer les dates de semailles ou de récolte, ils sont imposées dans certains cas. Par ailleurs, en viticulture, si le ban de vendanges est publié par l’état, la date en est fixée par un réseau de vignerons volontaire, et c’est un bien évident.
Bien sûr que le modèle de la nouvelle zélande est inspirant, mais on fait comment ? Il n’est pas possible de refuser les subventions de la PAC : 70% des exploitations font de suite faillite. Il n’est pas possible de faire la grève des règlementation, car l’état ne fait pas grève des sanctions : essayez, M. Delsol, de faire la grève des 90Kms/h sur route, essayez d’avoir 15 jours de retard dans le versement de vos cotisations MSA… Nous n’avons pas de marge de manÅ“uvre, étant plus pauvres que tout le monde, avec des emprunts énormes sur le dos : au moindre manquement, à la moindre erreur, c’est la faillite. Certes, nous sommes coupables de nous être laissé engluer là dedans, tout comme la population générale est coupable, d’avoir cru aux stupidités du covid, ou à l’idée qu’en supprimant les pailles en plastique, la terre allait se refroidir. Mais croire que tout peut se régler par une grève des règlements est tout aussi peu sérieux.
Nous sommes devenus une population minoritaire, sans aucun pouvoir de nuisance : nous ne pouvons tout simplement pas faire grève, sinon nos animaux meurent, et nos récoltes ne poussent pas. Mais sans doute, lorsque les citoyens se révolteront en masse contre un système politique devenu obsolète, les agriculteurs les moins dociles apporteront leur concours.
Par ailleurs, vous rêvez lorsque vous écrivez que les normes alimentaire seront respectées. Tout simplement parce qu’aucun contrôle ne sera effectué, l’UE n’en ayant pas les moyens matériels.
Il n’est pas faux d’écrire qu’il y a un côté exutoire : nous en avons raz le bol, de travailler comme des fous pour ne pas arriver à se payer, en dehors de gros industriels comme le président de la FNSEA, syndicat de tous temps à la solde du pouvoir. Il n’en reste pas moins que ce traité est une bouée de sauvetage pour le secteur automobile allemand, dans une situation catastrophique pour croire que des voitures électriques allaient “sauver la planête”. Les agriculteurs n’ont pas à faire les frais de ces aberrations.
Bonjour
A mon avis, ces accords de libre échange ne sont pas compatibles avec la subsidiarité horizontale dont parle Mr David Lisnard.La mondialisation heureuse, ça n’existe pas.
Pour dire court, un seul principe, celui de l’EXCEPTION AGRICULTURELLE demandée par la Coordination Rurale depuis 1992. N’y a-t-il pas l’exception culturelle pour les oeuvres d’art? La sécurité alimentaire a aussi des exigences. Question: Le blé ukrainien qui rentre chez nous pour des raisons politiques réponds-il à nos obligations pour le produire? Il reçoit de nombreux pesticides interdits chez nous. Quels contrôles?. Il faut impérativement changer le modèle.
OUi mais ces pauvres agriculteurs sont sous le joug de l’Etat avec l’imposition des normes brisant toute volonté de mieux produire comme ils l’entendent, sous la pression de la bureaucratie française avec l’obligation pour le paysan de remplir une masse de documents inutiles, et même abscons et surtout et enfin,c ce dont peu de gens parle le poids écrasant des CHARGES SOCALES, sans compter les taxes ici et là .
Je souhaiterais que l’IREF conduise une étude documentée sur l’usage et les bénéficiaires effectifs de ces dizaines de milliards ponctionnés par l’Etat par an.
En un mot utilisé par les gilets jaunes : ou va tout ce pognon??
Merci de votre attention
Essentielliste
Sont contre ,ceux qui entendent voir perdurer le rêve chiraquien renforcé par le rêve écolo , la toute petite exploitation agricole pratiquant l’auto suffisance alimentaire mais certainement pas le commerce ….
Puisqu’on parle du Mercosur, je vais citer un proverbe sud américain très en vogue : Quien no llora, no mama” Celui qui ne pleure pas ne tète pas. Il est appliqué dans toutes les activités humaines surréglementées ou étouffées par les administrations. Pour obtenir des subventions, des avantages et autres passe droits, il faut pleurnicher, autrement dit faire grève, ou manifester, l’administration étant insensible aux notions de productivité ou de bon sens.
C’est possible à condition de supprimer le ministère de l’agriculture et principalement les fonctionnaires et organismes parasites qui vivent sur leur dos. Le même jour , comme lors du covid le Président réuni un conseil de défense agricole pour redonner la liberté aux agriculteurs.En conservant juste les normes applicables en Europe.
Le niveau de qualité baissera certainement car l’Europe ne mettra pas en place les contrôles nécessaires. Comme toujours les « européens « vont se la jouer perso, la viande à bas prix va arriver dans certains pays , rebaptisée et inonder le marché français. L’Europe est incapable aujourd’hui de contrôler les marchandises qui proviennent de l’UE . C’est mal connaître l’alimentaire que de penser théoriquement, C’est un secteur où les fraudes sont les plus faciles, et les plus nombreuses.
Monsieur DU PUY-MONTBRUN l’a dit avant moi. C’est exact que les médias ne soient pas plus explicites à ce sujet. Moi aussi avant ce commentaire j’étais contre la Mercosur , plus maintenant! Ah ces médias avec leur manque d’objectivité.
Les agriculteurs ne sont pas contre le MERCOSUR mais contre le fait qu’on leur impose des normes auxquelles les produits importés ne sont pas soumis. Ils ne supportent plus l’inflation de normes et les tracasseries administratives dont ils sont quotidiennement l’objet. Ils souhaitent VIVRE DE LEUR TRAVAIL… ETONNANT, dans un pays où l’assistanat gangrène notre société ?
Cela semble simple… trop sans doute pour les médias ET NOS POLITICIENS qui préfèrent polémiquer sur un refus supposé du changement, d’éventuels blocages de prix (inefficaces) et autres balivernes.
Une majorité de Français en a également raz le bol de cet état obèse et incompétent, des gaspillages, de l’inflation de taxes et impôts. Ils attendent DES ECONOMIES, l’ARRET DES GASPILLAGES.
Il est dommage que l’on confonde une fois de plus la France d’en haut et la France d’en bas.
De quels viticulteurs parlez vous ?
Les milliardaires propriétaires de nombreux vignobles où les petits producteurs qui essaient de vivre de leur exploitation ?
Je suis prêt à vous inviter une semaine chez moi dans le Var, pour vous faire découvrir la vrai vie d’un Français “normal”.
Le hasard fait que l’un de nos auteurs est bien est un petit producteur qui vit de son exploitation. Il sait de quoi il parle.