Aurélien Véron, vous êtes conseiller de Paris et porte-parole du groupe Changer Paris (Républicains, centristes et indépendants). Vous êtes dans une position privilégiée pour scruter et analyser tout ce qui se passe à la mairie de Paris. Dites-nous quelle est réellement la situation ?
L’alliance entre socialistes, communistes et écologistes entraîne une radicalisation des grands choix municipaux en matière d’urbanisme, de sécurité et de circulation. Les tensions entre ces composantes ajoutent à la surenchère idéologique. Au-dessus de la mêlée, Anne Hidalgo veut absolument imprimer sa marque dans l’histoire en faisant de Paris la première ville-monde décroissante. Son objectif de 40% de logements sociaux évince déjà les classes moyennes de la capitale. En effet, un logement social sur deux n’est pas construit mais préempté, ce qui rétrécit l’offre de logements libres et contribue à faire grimper les prix à des niveaux inaccessibles au commun des mortels. Le journal Les Echos a calculé qu’il faut gagner aujourd’hui 100.000€ par an pour envisager d’acheter 40m2 à Paris.
Paris devient une ville de très riches et de très pauvres sans le ciment social que constituaient les classes moyennes. La loi « Climat et Résilience » menace d’amplifier cette polarisation en retirant progressivement du marché les appartements qui ne répondent pas aux nouvelles normes d’isolation. Soit la moitié du parc locatif privé. Habiter Paris, c’est de moins en moins un choix, sauf à disposer de très gros revenus, et de plus en plus le résultat d’un tirage au sort parmi des populations pré-sélectionnées par la mairie de Paris. Avec un minuscule taux de rotation du parc social, seuls quelques milliers d’heureux élus sont retenus chaque année sur les 260.000 demandes en cours.
Les propriétaires parisiens, de leur côté, ont reçu un message clair avec l’augmentation de 62% de la fiscalité foncière. Avec l’explosion des dépenses courantes et de la dette, la tonte fiscale ne fait que commencer. Tout cela va dans le sens de la mairie qui veut désembourgeoiser la capitale en punissant les CSP + (catégories socioprofessionnelles supérieures) et en sacrifiant la mixité sociale. Ce remplacement à marche forcée a des répercussions électorales mais aussi économiques. Si les cadres et les familles s’exilent en banlieue, pourquoi les entreprises ne les suivraient-elles pas un jour ? A trop dépenser, à trop s’endetter, à trop taxer pour des services de plus en plus médiocres, la mairie menace de tuer la poule aux œufs d’or.
Ensuite, Anne Hidalgo et son adjoint à la voirie David Belliard veulent éradiquer insidieusement la voiture de Paris en y rendant la circulation infernale (« coronapistes », fermeture de l’axe Rivoli, inversion du sens de circulation en milieu de rue, quartiers labyrinthiques, carrefours mal conçus sources de bouchons permanents…). Tant pis pour les personnes à mobilité réduite, les artisans, les commerces et toutes les personnes obligées de recourir à l’automobile intra-muros. Cette politique érige aussi une muraille de plus en plus infranchissable entre Paris et la banlieue, menaçant la capitale d’asphyxie.
Le départ de 127.000 Parisiens en 10 ans a entraîné la fermeture de nombreuses classes et même d’écoles. Les commerces souffrent avec un taux de vacance historiquement élevé que le tourisme de masse, dorénavant prioritaire sur les riverains, ne parvient pas à redresser. Ce n’est pas un souci pour la maire de Paris qui se félicite de la « dé-densification ». En réalité de ce cheminement vers la décroissance.
Vu la situation des finances de la ville, certains demandent même la mise sous tutelle de Paris. Qu’en pensez-vous ?
Le pilotage du budget municipal est un exercice continu d’improvisation. En plus des retards dans la publication de ses comptes (truffés d’approximations), la mairie a été incapable de présenter son plan d’investissement (pourtant obligatoire) 2021 – 2026, privilégiant la navigation à vue. L’exemple des 50m€ promis par Anne Hidalgo pour contribuer à la reconstruction de Notre-Dame de Paris en 2019 est éclairant. Elle y a vite renoncé, exigeant de surcroît le paiement d’une taxe de chantier de 25m€. Devant le tollé et la demande expresse de Rachida Dati, elle a fini par y renoncer. Les 50m€ sont revenus sur la table, cette fois pour restaurer les abords de Notre-Dame, sans le moindre plan. Quitte à refaire des jardins déjà en bon état. A Paris, on met un budget sur la table et on regarde ce qu’on peut en faire plutôt que de partir d’un projet pour le budgéter ensuite. D’où les 3 millions annuels engloutis dans une ZAD d’activistes d’extrême-gauche, l’Académie du Climat, et les 9 millions dilapidés dans un plan crack sans effet, et les 11 millions de la « promenade urbaine » sous le métro aérien entre Barbès et Stalingrad vite indiscernable de la crasse ambiante. Ne parlons même pas des subventions aux associations amies.
Cette incompétence budgétaire a une conséquence lourde. Alors que le budget municipal ne cesse de grimper, la dette visible de la Ville de Paris a plus que doublé depuis l’arrivée d’Anne Hidalgo à la tête de la mairie. Elle atteindra presque 8 milliards d’euros fin 2023. Ce montant ne prend pas en compte la dette des bailleurs sociaux de la ville (généralement sur 50 ans) pour financer leurs préemptions ou leurs constructions. En comptabilité publique, la dette d’une mairie ne peut financer que les dépenses d’investissement, pas de fonctionnement. Jusqu’à la montée au créneau de Rachida Dati, la mairie a longtemps pu accroître sa dépense de fonctionnement grâce à un mécanisme pervers appelé « loyers capitalisés ». Au lieu de s’endetter elle-même, elle a demandé aux bailleurs sociaux de le faire à sa place afin de lui verser immédiatement les 65 années de loyers. La dette des bailleurs sociaux a pu financer les dépenses courantes, ce qui aurait été interdit par la dette directement municipale. Jeu d’écritures enfin stoppé par Bercy.
Cet emballement n’est pas neutre. L’endettement d’Elogie-Siemp, de Paris Habitat et de la RIVP atteint respectivement 1.5 milliards, 2.8 milliards et 4 milliards d’euros. Une bonne part de ces 8.3 milliards d’euros étant indexée sur le taux du livret A, la hausse de 0.5% à 3% promet de peser lourdement sur les charges financières des trois bailleurs sociaux de la Ville de Paris. La mairie a refusé de répondre à ma question sur ce point au dernier conseil de Paris. Seule certitude, les bailleurs sociaux vont devoir se serrer la ceinture en matière de dépenses d’entretien et de rénovation thermique.
Cette situation catastrophique ne justifie hélas pas la mise sous tutelle de Paris. La mairie a pu décréter une hausse de 62% de la taxe foncière sans réaction des propriétaires. Tant que les Parisiens et les bailleurs sociaux sont capables de payer, Anne Hidalgo peut poursuivre ses dérapages budgétaires sans contrepouvoir.
Comment expliquez-vous la réussite électorale d’Anne Hidalgo à Paris alors qu’elle a obtienu un score catastrophique à la présidentielle ? Paris serait-elle devenue une ville tellement différente du reste de la France ?
Au 1er tour de la présidentielle 2022, 22.000 bulletins de vote portaient le nom d’Anne Hidalgo à Paris sur 1.4 millions d’inscrits. Ce n’est même pas la moitié des 55.000 agents municipaux. Cette débâcle illustre bien le mépris des Parisiens pour leur maire. Mais aux municipales de 2020, Anne Hidalgo a bénéficié d’un alignement inattendu des planètes. Pour commencer, Rachida Dati n’a été investie qu’en novembre 2019 par sa formation, pour un scrutin mi-mars 2020. Elle a dû composer son équipe renouvelée dans l’urgence (dont votre serviteur, pour monter une liste à Paris Centre). Cela a laissé très peu de temps au centre et à la droite pour construire et faire connaître leur projet aux électeurs parisiens. Malgré ce handicap, la dynamique de Rachida Dati a marqué tous les esprits et aurait dû mener à la victoire avec le soutien de LREM. Alors que des accords prenaient forme, Emmanuel Macron a mis son veto par la voix de Stanislas Guérini. Les triangulaires ont servi la victoire à Anne Hidalgo sur un plateau malgré sa mauvaise image. Nombre d’électeurs de gauche s’en mordent aujourd’hui les doigts. La bétonisation, la laideur du nouveau mobilier urbain, le manque d’entretien des fontaines, des églises et des rues, le stress de la circulation et l’insécurité, ont horrifié une grande partie de l’électorat qui espérait une ville plus calme, plus verte, embellie et tournée vers les familles et les enfants grâce à une offre périscolaire ambitieuse.
Que faire ? Comment faire gagner les élections à Paris à un candidat libéral ? L’avenir politique de Paris est-il lié aux changements politiques au niveau national ?
Depuis 2020, les Parisiens découvrent avec horreur la radicalité du projet de transformation de Paris et l’amateurisme de sa mise en oeuvre. La hausse récente de 62% de la taxe foncière et l’explosion de la dette ont ouvert les yeux des derniers hésitants sur l’état de délabrement de la voirie et des services municipaux. Les Parisiens ne veulent plus être les cobayes des apprentis sorciers municipaux. Ils désirent retrouver la fierté de vivre à Paris et bénéficier de considération dans leur ville verdie et embellie. Comment redresser Paris dans ce sens en 2026 ?
Rachida Dati est aujourd’hui la candidate donnée favorite dans les sondages. Mais la majorité des suffrages ne suffit pas à emporter la mairie de Paris compte tenu de son mode de scrutin particulier. Ce ne sont pas les électeurs mais les conseillers de Paris qui élisent le maire. Pour assurer la victoire en 2026, nous devons tirer les leçons de 2020. Face à l’alliance des composantes de la NUPES, la reprise en main de Paris passe par un accord entre Renaissance, le centre et LR, quoi que pensent les uns des autres. A un an de la présidentielle, il est probable que l’échiquier politique sera en pleine recomposition à droite comme à gauche. Nous ne devrons pas nous laisser aveugler par les querelles d’écuries pour cette échéance décisive pour Paris. La victoire n’est pas une option cette fois-ci si nous ne voulons pas que le déclin de la capitale soit irréversible.
Nous devons non seulement la préparer mais aussi élaborer le projet de réhabilitation de la ville et de restauration des conditions de la prospérité. Il faudra dépenser moins et mieux. L’équilibre budgétaire est vital pour réduire la dette municipale. Des agents bien payés et moins nombreux coûtent moins cher à la collectivité que des agents mal payés, trop nombreux et maltraités. Une organisation plus performante des services municipaux, une politique ressources humaines motivante et une externalisation de certaines prestations amélioreraient la qualité des services de la mairie, qui retrouverait en même temps des marges de manœuvre budgétaires pour réduire la dette. C’est la voie pour retrouver la qualité de vie qui a longtemps fait le charme de Paris et nous adapter intelligemment aux enjeux énergétiques et climatiques. Sans oublier que la modernisation de la ville et de ses outils doit se faire dans le respect de sa richesse patrimoniale extraordinaire.
Emmanuel Macron est-t-il à vos yeux un président réformateur ? Sinon, s’il vous nommait Premier ministre et il vous donnait la liberté de décision, quelles réformes feriez-vous dans les 100 premiers jours ?
Emmanuel Macron est réformateur mais pas un réformateur libéral. Centralisant trop le pouvoir, il n’a pas compris l’erreur de fermer Fessenheim ni préservé notre souveraineté énergétique en maintenant notre parc nucléaire. Il a bien desserré les règlementations du travail et relancé l’apprentissage, amorçant une baisse tendancielle du chômage. Mais il n’a pas admis que le pays était asphyxié par sa trop grande centralisation et sa jungle de normes et de règles. Que vous soyez maire ou entrepreneur, vos initiatives sont confrontées à des injonctions contradictoires et des blocages multiples, sans parler du fardeau des prélèvements obligatoires, les plus élevés au monde. Il résulte de tous ces freins que la France est tombée au 26ème rang en termes de création de richesse par habitant. Le pays meurt de l’archaïsme de son modèle social impossible à réformer et de son corollaire, notre lent déclassement qui se traduit aujourd’hui par une forme de burn-out social et démocratique.
Si je me retrouvais à Matignon, je cesserais de légiférer pendant les 4 prochaines années. Il est temps de laisser les parlementaires faire leur travail de contrôle de la dépense publique plutôt que de continuer à empiler des textes législatifs plus fous les uns que les autres et déclenchant des polémiques stériles. Mon gouvernement pourrait alors s’atteler sans faire de vagues à simplifier nos règles et nos normes, à décentraliser le pouvoir, par exemple en consacrant l’autonomie des établissements scolaires en matière d’embauche des enseignants. Nous sommes inondés de lois contradictoires, inapplicables et inappliquées. Il est temps de tailler dans le mauvais gras et de renforcer le muscle de l’Etat pour le rendre plus efficace, en particulier en le recentrant sur son périmètre régalien. En enlevant les freins au développement de nos industries, nous retrouverions la croissance dont nous avons besoin pour inverser notre déclin, offrir de meilleures perspectives aux Français et revenir à des excédents budgétaires. Mais rassurez-vous, je ne suis pas Premier ministre…
Interview réalisée par Nicolas Lecaussin
7 commentaires
« Mais rassurez-vous, je ne suis pas Premier ministre… »
Et pourquoi ne le seriez-vous pas, étant données les paroles de bon sens – de meilleur sens, si j’ose dire – que vous énoncez ?
Comment les Parisiens peuvent-ils subir sans broncher l’augmentation de 62 % d’une taxe déjà insupportable pour les Parisiens les moins « riches » ? Évidemment, cette somme est « prélevée », donc inattaquable…
Pauvres Français, et les Lyonnais n’échapperont pas à cette escalade :
Signé : Un Lyonnais qui ne pourra bientôt plus 1) changer de voiture pour acheter une « électrique » étant donné les prix prohibitifs, DONC 2) condamné à prendre les services publics de déplacement – MAIS 3) ne pouvant se déplacer facilement, sera obligé de prendre des taxis pour arriver à l’endroit idoine, OR 4) étant donnée la diminution du montant des Retraites, ne pourra se payer ce dernier luxe, DONC restera confiné chez lui ET 5) mourra chez lui à petit feu MAIS 6) non, non ! il mourra de froid car incapable de payer le combustible de chauffe OR 7) s’il est propriétaire, ne pourra vendre son bien pour survivre DONC 8) … continuez vous-même ma litanie, moi je suis fatigué…
Et surtout les parisiens vont apprécier les idées compatissantes de Mme Hidalgo qui veut remplir les 40000 logements sociaux qu’elle veut construire par des migrants …..
Bravo pour votre pertinente analyse!
Elle reflète complètement l’opinion de la majorité des parisiens.
Il faudrait qu’Anne Hidalgo soit destituée..
Bravo, pour cette analyse. Il serait temps que le bon sens et le pragmatisme soient à nouveau les moteurs de nos villes et de notre pays..
I have a dream….
Rassurez-moi ! Qui a voté pour hidalgo ? Des berlinois ? Des romains ? Des madrilènes ?
Non, il paraît que ce sont des parisiens !!! Ils la voulaient, ils l’ont eue, maintenant qu’ils arrêtent de se plaindre !
Analyser, parler, se plaindre…c’est bien, mais insuffisant. Les Français attendent autre chose que des paroles. Ils veulent des actes. Une opposition authentique devrait les mobiliser sur des objectifs précis. Seule l’organisation de puissants rassemblements populaires serait susceptible de redonner confiance aux citoyens dans un systeme électoral anèmié, à bout de souffle, en lequel ils ne croient plus et qu’ils ont tendance à déserter.
Problème ceux n’ont pas voté Hidalgo sont doublement pénalisés car réélue
C’était de la folie
Mais elle est sûre de gagner en ayant dans la poche les trois O
Homos, Écolos, et Bonos on est fichu