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Comment l’Occident s’est enrichi : libertés économiques et qualité de l’environnement

Cet article a été publié dans le Journal des Libertés n°26 (automne 2024)

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Introduction

La qualité de l’environnement est de plus en plus considérée comme un élément essentiel de nos vies quotidiennes. Selon une récente enquête Eurobaromètre (CE, 2024), 78 % des Européens conviennent que les problèmes environnementaux affectent directement leur vie quotidienne et leur santé. Les problèmes environnementaux les plus urgents, selon la même enquête, sont la pollution locale (21 %), la surconsommation et le gaspillage d’eau (17 %) et le changement climatique mondial (16 %). Cependant, la plupart des Européens pensent que le seul moyen d’améliorer l’environnement est de renforcer la réglementation : 84 % affirment que la réglementation environnementale de l’UE est nécessaire pour protéger l’environnement et 78 % sont favorables à des mesures supplémentaires.

Si la réglementation peut être efficace pour promouvoir la qualité de l’environnement, il n’est pas évident qu’elle soit l’option la plus efficace pour obtenir un résultat socialement désirable. En fait, l’interventionnisme gouvernemental a souvent été associé à une diminution, et non à une amélioration, de la qualité de l’environnement, comme ce fut le cas pour les économies planifiées de l’ancien bloc soviétique (Bowers, 1993). Néanmoins, il existe une conviction bien ancrée dans les esprits selon laquelle les institutions du marché libre ne sont peut-être pas adaptées pour faire face à une dégradation de l’environnement.

Cet article abordera brièvement cette question en montrant que, bien au contraire, les libertés économiques ne sont pas nécessairement incompatibles avec l’amélioration de l’environnement. L’article est structuré comme suit : la section 2, après cette introduction, examinera le lien entre libertés économiques et prospérité, en accordant une attention particulière au rôle de l’innovation ; la section 3 traitera de la relation complexe entre prospérité et qualité de l’environnement ; la section 4 proposera une taxonomie des politiques environnementales, selon qu’elles sont compatibles avec les marchés libres ou qu’elles se présentent comme une alternative à ces derniers. La section 6 résume et conclut.

De la liberté économique à la prospérité

Les pierres angulaires des libertés économiques sont « le choix personnel, l’échange volontaire, l’ouverture des marchés, et des droits de propriété clairement définis et appliqués » (Gwartney et al, 2023 : 1). De nombreux écrits établissent une corrélation entre la liberté économique et la croissance économique. Plusieurs analyses ont en effet montré qu’il existe une relation de cause à effet bien établie entre ces deux variables (Gwartney et al, 1999 ; Haan et Sturm, 2000 ; Heckelman, 2000). Cette relation de cause à effet résiste aux définitions alternatives de la liberté économique et s’applique à la plupart, voire à la totalité, de ses sous-composantes. Il s’agit notamment (sans ordre particulier) de faibles impôts, de faibles dépenses publiques, d’une faible inflation, d’un système judiciaire efficace, du libre-échange, d’une protection forte et efficace de la propriété privée et d’un faible niveau de réglementation.

L’un des principaux canaux par lequel ces libertés économiques favorisent la croissance économique réside dans la mise en place d’incitations adéquates à l’innovation (Zhu et al., 2024). Les entrepreneurs s’efforcent d’augmenter leurs profits dans un contexte de liberté économique, c’est-à-dire, sur des marchés concurrentiels. Ils peuvent y parvenir en augmentant leurs revenus (grâce à des parts de marché ou des marges plus importantes) et en réduisant leurs coûts. En d’autres termes, dans une économie économiquement libre, les entrepreneurs jouent un rôle clé dans le développement d’innovations qui, si elles sont motivées par l’intérêt personnel, dégagent un bénéfice net pour l’ensemble de la société (voir l’ouvrage fondateur de Kirzner, 1973/2005). Le rôle crucial des entrepreneurs vient de leur prédisposition à sacrifier un œuf aujourd’hui pour une poule demain : ils expérimentent, ils échouent souvent à leurs propres dépens, mais certains d’entre eux finissent par trouver une innovation qui repousse encore plus loin la frontière technologique des possibles.

Les entrepreneurs peuvent  expérimenter de différentes façons afin d’augmenter leurs profits : ils peuvent rechercher de nouveaux clients, réduire leurs coûts de production en inventant de nouveaux matériaux ou de nouveaux processus de production (y compris de nouveaux choix organisationnels ou de gouvernance d’entreprise), ou développer de nouveaux produits en introduisant de nouvelles caractéristiques dans les produits existants (qui les différencient des articles fournis par les concurrents) ou inventer un tout nouveau produit. Tout cela se traduit par des coûts plus faibles (donc la possibilité de vendre leurs biens ou services à des prix plus bas, attirant ainsi plus de clients) ou un produit de meilleure qualité. Cela ressemble beaucoup aux cinq types d’innovation décrits par Schumpeter (1934), c’est-à-dire, la découverte de nouveaux produits, procédés, matériaux, marchés et organisations.

Grâce à l’innovation, les entrepreneurs élargissent l’ensemble des biens et services disponibles : d’une part, cela se traduit par des prix plus bas, d’où la capacité de satisfaire une plus grande part de la demande pour un bien ou un service donné ; d’autre part, cela signifie que de nouveaux besoins peuvent être satisfaits – parfois, des besoins dont les consommateurs eux-mêmes n’étaient pas conscients jusqu’à ce qu’une réponse soit disponible grâce à l’innovation. C’est ce que Kirzner (1979) appelle « l’ignorance pure et simple », c’est-à-dire, la prise de conscience que la vie économique est sous-tendue par des « inconnues inconnues » qui ne deviennent connues que lorsque l’on tombe dessus (par opposition aux « inconnues connues », c’est-à-dire, les informations dont on sait qu’elles existent même si on ne les possède pas directement). L’innovation transforme les « inconnues inconnues » en « inconnues connues » ou même en « connues connues ». Et en augmentant la quantité des informations potentiellement disponibles pour chacun, elle rend tout le monde plus riche, en cela qu’une plus grande part de leurs besoins conscients peut être satisfaite et, peut-être plus important encore, le spectre de leurs besoins s’élargit également parce que chacun sait qu’il existe davantage d’opportunités pour accroître sa satisfaction.

En d’autres termes, plus simples, la liberté économique engendre l’innovation et, grâce à l’innovation, davantage de biens et de services deviennent disponibles. L’augmentation subséquente de la consommation (c’est-à-dire, le plus grand nombre de besoins humains satisfaits) déclenche l’augmentation du PIB par habitant. Pourtant, on pourrait soutenir qu’une telle augmentation entraîne également une augmentation de la consommation de ressources naturelles, dont l’épuisement impose des coûts sociétaux que les prix du marché ne peuvent pas entièrement prendre en compte. Cela signifie-t-il que la croissance économique se fait inévitablement au détriment de l’environnement ?

De la prospérité à la qualité de l’environnement

La question ci-dessus peut être abordée sous plusieurs angles. Pour commencer, il n’est pas du tout évident que les prix du marché ne capturent pas tous les coûts privés et sociaux de la production ou de la consommation de biens ; il n’est pas non plus évident que l’interventionnisme gouvernemental puisse corriger efficacement les prétendues défaillances du marché. Le traitement approfondi d’un tel sujet dépasse largement le cadre de cet article (pour aller plus loin, voir, par exemple, Anderson et Leal, 2015 ; Coase, 1990 ; Stroup, 2003).

Ce qui importe dans cet article, c’est, d’une part, la relation (directe) entre croissance économique et qualité de l’environnement et, d’autre part, la relation (indirecte) entre libertés économiques et qualité de l’environnement. La première a été largement étudiée. Bien que le jury n’ait pas encore rendu son verdict définitif, de nombreuses preuves décrivant une relation en U inversé entre le PIB par habitant et la dégradation de l’environnement s’accumulent. De fait, à mesure que le PIB par habitant augmente, la pollution augmente dans un premier temps jusqu’à atteindre un maximum, après quoi elle commence à diminuer, comme le montre la figure 1. Ce phénomène est connu sous le nom de « courbe environnementale de Kuznets » (CEK), du nom du lauréat du prix Nobel, Simon Kuznets, qui a découvert une relation similaire entre le revenu par habitant et les inégalités (Kuznets, 1955).

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5 commentaires

jacques lemiere 2 janvier 2025 - 10:38 am

ça veut dire quoi améliorer l’environnement??? c’est TRES différent d’améliorer les conditions de vie, les effets néfastes sur not santé liés à l’environnement..
Pour un “environnementaliste “.. améliorer l’environnement n’implique EN RIEN rendre la vie des humains plus facile!!!

la nature humain, espèce invasive ultime faut il le rappeler est spécifiquement de CREER UN environnement ( article indéfini) propice à sa survie…

lepoint libéral est assez clair…

SI vos actions causent une nuisance à autrui il est en droit de se plaindre …sauf que… le bruit peut être une nuisance…les odeurs etc etc..

donc il est des nuisance qui sont jugées acceptables et d’autre non. ..l’acceptabilité étant surtout définie en regard de la réciprocité, tu fais du bruit, je fais du bruit donc…ok match nul. puis la notion dexces..

gérable même si Il ya du flou…

Il ya aussi les effets néfastes lié à l’accumulation.. ma “pollution ne cause rien, la somme a un effet…

tout cela on sait le gérer peu ou prou.. pas facile on rigole ferme avec le CO2 fossile!!

mais on va le répéter il ya une nouvelle approche..qui est bel et bien le culte de l’environnement en soi tel que réintroduire les bisons, les loups… elle est très contestable.. car très subjective.

Mai s ce qui m’ennuie au plus haut point est justement ce genre d’articles …dont ambiguïté sert la soupe à la foule de gens qui voient favorablement la protection de l’environnement ( article défini pour un truc que personne ne semble capable de définir) sa sauvegarde etc…

la défense de l’environnement ,concept global , est un outil de collectivisation..cela donne le droit aux gens de décider ce que vous faites de votre propriété privée bien au dela du principe de responsabilité des nuisance causées à autrui…

une bande de “militants” va venir empêcher l’accès à votre champ de blé en chantant nous voulons des coquelicots..DANS TON CHAMP… le garde des eaux va vous interdire de curer votre fossé..comme vos parents le faisaient.. de tuer telle ou telle bestiole.. de tuer le loup qui a tué votre mouton… car ” il faut un certain nombre de loups”…

ce faisant vous acceptez que de gens décident de tas de règles et de police ,dont ils font metier et que vous payez.. et ce sans être même capables de dire ce qu’on y gagne..
loup, ours sont exemplaires…
mais je vous encourage à regarder ce qui se passe en allemagne avec des emeus naguère échappés d un zoo…

NON…

sans nuisance prouvable à autrui ..pas de raisons que des agents de létat décident ce que vous pouvez faire chez vous…

NON….

améliorer l’environnement= collectivisme
tout comme le concept de santé publique conduit inévitablement à la perte de libertés individuelles non justifiée .

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Laurent46 2 janvier 2025 - 11:31 am

Bonnes idées inculquées par toute cette catastrophe ambulante politique et publique car en réalité les Républicains et surtout eux loin des Français n’en tiennent pas compte dans leurs propres actes et vie quotidienne.

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Marc 2 janvier 2025 - 12:00 pm

Bonjour et meilleurs vœux.

Il y a une conséquence de la croissance économique qui agit directement, en mal, sur la qualité de l’environnement, c’est l’augmentation du nombre de gens.

On aura beau faire le plus propre et durable possible, la multiplication des populations ruine tous ces beaux efforts.

En ce domaine, seuls les états et gouvernements peuvent avoir une influence alors que l’économie libre cherche à obtenir le plus de consommateurs possible.

Cordialement.

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GNA46 2 janvier 2025 - 5:02 pm

Tout cela est un joli travail estudiantin qui captivera les inconditionnels du “réchauffement”, mais pour les autres qui réfléchissent aussi sur le sujet, mais plus en observant “Mère Nature” que les statistiques de quelques organismes incontrolables, les choses ne nous apparaissent pas sous ces angles là.
Ainsi les quelques chiffres statistiques qui nous sont jetés au visage sont effrayants ; 78% des européens conviennent que les problèmes environnementaux affectent directement leur vie quotidienne et leur santé… ; 84 % affirment que la réglementation environnementale de l’UE est nécessaire pour protéger l’environnement et 78 % sont favorables à des mesures supplémentaires.
Mais nulle part il nous est expliqué de “quels européens” il est question, parce que les “européens” de la ville ne voient pas les choses comme les “européens de la campagne”. Prenez un “européen de Paris” par exemple… et par hasard… il vit dans un milieu fermé, polué, sans soleil, sans air, dans des bureaux où usines sous aérations conditionnées, dispersant à tout va les microbes des uns sur le nez des autres, qui en propagent les épidémies en un rien de temps, et sur un grand nombre de voisins tout proches…
Et puis prenez un “européen de la campagne limousine” par exemple… et par hasard… qui vit au grand air, au soleil, et même sous la pluie dans les bois ou les prés, et celui-là s’il s’enrhume, ne contaminera pas grand’ monde autour de lui.
Vous voyez la différence des “ressentis” comme il est de bon ton de faire état aujourd’hui ?…
Alors toutes vos stat’, vous pouvez les mettre au rebus et acheter un peu d’optimisme, car la Nature se défendra mieux de nous que nous de nos stupidités…

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Falardeau 2 janvier 2025 - 9:45 pm

Eurobaromètre!!!!

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