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Le délit d’écocide dans la loi Climat : entre affaiblissement du droit et régression juridique

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Le grand juriste des Lumières Cesare Beccaria se retournerait dans sa tombe en voyant l’état de notre droit ! La majorité LREM a adopté, samedi dernier, le délit d’écocide au cours de la discussion à l’Assemblée nationale sur la loi Climat. L’écocide devient un délit alors que la Convention voulait en faire un crime. C’est un fait, l’écologisme envahit nos lois et notre droit.

Un droit mal écrit et illisible

Si, au regard de l’étymologie : oikos (maison) et caedere (détruire/ tuer), la notion de crime semblait suivre une certaine logique, la notion de délit parait bien plus en adéquation avec le contenu juridique de l’écocide.

D’abord parce qu’un délit se poursuit devant le tribunal correctionnel et que convoquer les Assises pour traiter du droit de l’environnement parait exagéré. Ensuite parce que la constitution d’une infraction criminelle requiert non seulement de mettre la nature au même niveau que l’Homme mais aussi de lui conférer une personnalité juridique. Dès lors, le risque de déstabiliser notre droit apparaît certain. Ce serait ouvrir une boîte de Pandore, la protection de l’environnement devenant avant tout un enjeu juridique, – ce qui est d’ailleurs d’ores et déjà souvent le cas [[Voir affaire du Siècle et Grande Scynthe : l’Etat a été cité en justice pour son inaction climatique. Dans l’affaire du Siècle l’Etat a été condamné par le tribunal administratif de Paris, à présenter ses observations avant qu’une une injonction à agir soit prononcée. La faute de l’Etat a été reconnue.]].

En l’état actuel, la définition du délit d’écocide est trop large, il fait de tout citoyen un potentiel délinquant tout en manquant sa cible : réprimer la criminalité organisée (trafic d’espèce sauvage en danger, décharges sauvages).
Le Conseil d’Etat a rendu un avis très négatif sur ce texte car il est notamment prévu que des peines similaires sanctionnent des atteintes graves et durables à la santé, la flore, la faune, la qualité de l’air, du sol ou de l’eau, que le délit soit commis intentionnellement ou non. L’idée est dangereuse car pour caractériser une infraction, il faut un élément moral et un élément matériel ; omettre l’élément moral, ou du moins le minorer, est contraire au principe d’égalité devant la loi S’il peut être normal de réprimer un manquement à une obligation légale, établir des sanctions pénales de même niveau indépendamment de l’intention de l’auteur du délit n’a aucun sens et est injuste. Mais le projet illustre la volonté du gouvernement de réprimer plus que de prévenir, et sans se soucier de justice.

De plus, le texte n’est pas clair et marque le délitement et la dégradation de la technique juridique que diverses décisions traduisent déjà [[Christophe André, Alternance et politique pénale : le droit pénal français en quête de sens (1981-2015), Dalloz, 2016]]. Les textes législatifs poursuivent bien plus un but « cosmétique » que juridique. Les politiques sont prompts à montrer qu’ils agissent sur des questions qui angoissent les citoyens. Après chaque attentat terroriste, une loi pénale vient créer de nouvelles incriminations. Cette pratique politique de la fabrique du droit crée la confusion et perturbe le travail du juge. Jacques -Henri Robert [[Professeur en droit de la faculté d’Assas et spécialiste des problèmes juridiques liés à l’environnement]] disait que « quand le système légal est à ce point complexe, les magistrats s’en détournent » [[J-H Robert (2013), Responsabilité civile et responsabilité pénale : Le droit de l’environnement, Responsabilité civile et assurances n° 5, dossier 28]]. Ensuite, le délit d’écocide crée une infraction autonome fourre-tout qui n’a que peu de sens juridique, la notion de proportionnalité de la faute n’y étant pas prise suffisamment en considération. Sans parler de la création du délit de mise en danger de l’environnement qui place l’environnement au même niveau juridique que les citoyens. Le délit est passible de cinq ans d’emprisonnement. Concrètement ce nouveau délit permet de poursuivre n’importe quel individu sur le fondement de son impact sur l’environnement.

Simplifier pour gagner en efficacité

Beccaria affirme que le droit pénal doit être lisible, aussi simple que possible, compréhensible par tous les citoyens, afin que ceux-ci sachent ce qu’ils peuvent faire ou non. De plus il dit que la réponse répressive doit être adaptée et proportionnée, sauf à ce que la norme ne soit pas acceptée par le citoyen. Or notre Code de l’environnement fait 3651 pages ! Il revient au juge, par sa jurisprudence, d’affiner les contours matériels de l’infraction et non à l’Etat de remplir des codes de lois tortueuses. Aux Etats-Unis, la loi est simple mais précise et la sanction financière importante [[Voir affaire Deep Water Horizon, BP a été condamné à payer une amende de 18,5 milliards de dollars]], de sorte que les justiciables sont responsabilisés et non entravés. La question est de savoir où placer le curseur de la répression.

Mettre fin aux prérogatives de l’administration

Le Code de l’environnement ainsi que le projet de loi climat placent l’administration au cœur de la prévention et de la répression. Le préfet dispose de tout pouvoir pour autoriser ou interdire la construction de logements ou de centres commerciaux, délimiter des zones à protéger… La majeure partie du contentieux environnemental est traitée devant la justice administrative. Les infractions se multiplient au point que les délits et contraventions se recoupent Le délit d’écocide et plus globalement la loi climat apparaissent comme un ajout politique, voire idéologique, de normes surabondantes qui néanmoins confèrent à l’Etat un pouvoir de plus en plus important de police administrative. Le contenu de cette loi porte ainsi une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et de circuler.

Notre droit pénal dispose déjà d’une panoplie de qualifications pour des infractions caractérisées, suffisantes pour répondre à la préoccupation essentielle de protéger l’environnement.

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4 commentaires

Laurent46 22 avril 2021 - 3:50

Le délit d’écocide dans la loi Climat : entre affaiblissement du droit et régression juridique
L’industrie est morte en France … Il n’y a plus d’issue dans ce pays de malades mentaux dont Macron en est le chef de file. Une nouvelle génération de tares dont la seule issue serait l’enfermement en psychiatrie. Pour cela il suffit de les entendre lors de quelques débats que l’on coupe très vite pour rester encore sain d’esprit. Il en est de même de tous ces soi-disant « experts » qui débattent du matin au soir sur les sujets d’actualité tous avec leur juste vérité et raison et tous aussi fermement à enfermer pour que le moral de la population remonte un peu et que surtout l’esprit reste sain et que le dynamisme et le travail revienne à sa juste valeur. L’assistanat permanent, l’infantilisation et la féminisation permanente aura de très fortes conséquences que le pays devra surmonter si d’aventure il en est encore capable. A regarder de plus près il est aujourd’hui permis de se demander qui va sauver le monde dont la France en est le porte drapeau de l’idiotie et de la destruction systématique de son pays et de sa culture. Et c’est cette destruction là qu’il faudrait punir non sans sévérité.

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Bouchet 22 avril 2021 - 9:03

Le délit d’écocide dans la loi Climat : entre affaiblissement du droit et régression juridique
Bien d’accord avec Laurent 46.

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Mesnil 22 avril 2021 - 9:17

Le délit d’écocide dans la loi Climat : entre affaiblissement du droit et régression juridique
La lutte pour la protection de la Nature prise dans son ensemble (paysages, forêts, animaux, insectes, sols, eau, etc…) est une nécessité absolue et ne peut être remise en question car depuis le milieu du XXème siècle, l’être humain est vraiment allé trop loin dans la destruction systématique de cette Nature. Énormément de choses auraient pu être faites dans des conditions infiniment plus raisonnables et plus protectrices pour tout le monde mais ce qui prime depuis une bonne cinquantaine d’années est le bénéfice que certains pourront en retirer quelles qu’en soient les conséquences. Or la plupart de ces destructions sont irréversibles.

Il faut donc agir! Mais je reconnais que les pouvoirs publics font n’importe quoi et travaillent en dépit du bon sens. L’important pour la majorité de ces acteurs politico-économiques est de « donner le change » mais derrière leurs gesticulations et élucubrations, il n’y a pas de véritable volonté d’efficacité ni de véritable vision à terme ni même, malheureusement, tout simplement de compréhension. Tout cela est comme une pièce de théâtre dont la chute sera dramatique.

A quoi sert d’avoir un « tas d’or » si l’on ne peut que crever dessus?

Le respect de la Nature est bien ce qui manque le plus à l’être humain qui depuis 1969 imagine encore qu’il va pouvoir aller vivre sur une autre planète et qu’en conséquence, la Terre, peut être jetée aux ordures comme une vieille chose usée.
Et il en va de même avec la Culture…. etc.
Le Monde est vraiment en train de très mal tourner.

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Jan-Aymar-Desconts 23 avril 2021 - 10:34

Le délit d’écocide dans la loi Climat : entre affaiblissement du droit et régression juridique
La loi devrait permettre d’accuser un préfet d’écocide lorsqu’il délivre l’autorisation d’exploiter un parc éolien assortie d’une dérogation autorisant la destruction d’espèces protégées.

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